Le jeu. (Fairywen)
« Ca y est, tu as fini, on peut y aller ?
-Non, pas encore, je réfléchis…
-Oh, ce que tu m’énerves, à la fin… ! C’est à chaque fois pareil, tu mets des heures pour remplir cette fichue grille, et après, plus moyen de jouer parce qu’il n’y a plus rien sur le terrain !
-Et si tu la fermais, un peu, que je puisse me concentrer ? »
Silence boudeur, pendant lequel un petit bateau sortit joyeusement du triangle de jeu, suivi de près par un avion de ligne.
« Voilà, ça y est, je suis prêt ! Alors…
-Ah non ! Pour la peine, c’est moi qui commence !
-Bon, bon, si ça peut te faire plaisir…
-E3 F3.
-Deux coups dans l’eau.
-Tu es sûr ?
-Oui, j’en suis sûr ! Tu ne vas pas recommencer à discutailler chaque coup, quand même ? »
Le paquebot de croisière s’éloigna paisiblement du triangle de jeu pendant que ses passagers se dirigeaient vers les salles à manger en bavardant.
« Bon, à moi, cette fois… A4 B4.
-Touché…
-Ah ah ! Je rejoue… »
Les lumières de l’avion se mirent à clignoter tandis que le pilote et le co-pilote tentaient frénétiquement de trouver l’origine de la panne.
« Voyons, voyons… C4 !
-Coulé (ton renfrogné). »
La tour de contrôle n’y comprenait plus rien. L’instant d’avant, l’avion était sur leur écran radar. L’instant d’après, il n’y était plus. Qu’est-ce qui s’était encore passé dans ce fichu coin d’océan ?
« Le repas est prêt, les garçons ! Vous finirez votre partie plus tard.
-Ca tombe bien, je meurs de faim ! Tiens, je vais aller nous choisir un bon petit cru d’ambroisie pour l’accompagner. Et n’en profite pas pour changer la place des pions, toi !
-Comme si c’était mon habitude… Tu es vexant, Apollon !
-Mon cher Harès, je te connais comme si tu étais mon frère, et pour gagner une bataille, tu es prêt à tout.
-N’importe quoi !
-Artémis, tu ne veux pas le surveiller pendant que je vais à la cave ?
-Volontiers. Je n’oublie pas que tu as déplacé un chalutier exprès pour que je le rate, la dernière fois ! »
Le Dieu de la Guerre leva les yeux aux cieux de l’Olympe mais ne répondit pas. Ses frères et sœurs n’avaient pas tout à fait tort ; il lui arrivait de… disons… arranger la disposition des bateaux et avions traversant le Triangle des Bermudes pour gagner une bataille.
N’empêche, même en jouant selon les règles, il était bien drôle, ce jeu de bataille navale inventé par les humains…