Maestria (Djoe L'Indien)
Eh, maestro ? Musique ! Egrène donc tes notes,
La place ensoleillée est là toute pour toi
Et les premiers badauds déjà on aperçoit !
Sors tout ton attirail, fais valser tes menottes
Sur la touche d'ébène, enchantes les pavés !
De la ronde pointée à la croche au moins triple,
De ta partition folle ébauche le périple,
Sur un doux lamento commence à t'échauffer...
Quelques premiers curieux s'arrêtent sur la danse,
Nonchalante d'abord, qui s'élève dans l'air ;
Une fillette approche, ouvre ses grands yeux clairs,
Se met à doucement balancer en cadence.
Le parvis se remplit au matin tremblotant,
Le rythme s'accélère... Une femme s'invite
Qui entame un ballet, la fillette l'imite
Et les voici tournant en temps et contretemps.
Quelqu'un dans le public se met des mains à battre,
Le musicien joyeux dès lors change de ton :
Une volte mineure emporte les piétons
Et la femme toujours sous sa robe d'albâtre.
Là s'envolent les doigts tout en notes d'argent,
Sur les cordes tirant ou martelant la table
Entraînant le pas leste au rythme inimitable ,
Et la voici volant pirouettant voltigeant !
La musique tournoie, envahit l'esplanade,
La foule alors se fige observant ces deux-là
Qui la vivent si fort et avec tant d'éclat,
Que la fillette aussi cesse ses galopades ;
Il n'est plus de vivant qu'elle et le musicien
Sur le pavé luisant que le soleil inonde,
Que caressent les pas bien dix fois par seconde
Suivant l'allegretto de l'adroit magicien...
Après une sublime et dernière envolée,
La musique se tait, la belle disparaît !
D'elle ne reste plus que le parfum discret
Qui ondule parmi l'audience médusée...