Je suis elle et elle est moi (Sandrine)
Où je vais ? Je ne sais pas, je suis la direction que m'indique Emma. Et si je ne reste pas immobile, imbécile, en regardant le doigt de dame Phore, je ne sais pas vraiment où me conduisent mes pas.
Emma est feutrée, très feutrée, elle parle peu, très peu pour un guide... Lorsqu'elle parle, il me faut au moins un lustre (à l'étalon du temps, ça dure tout de même cinq ans) et parfois même quelques chandelles pour décrypter ses propos étranges. Alors je la suis, je ne me pose plus trop de questions, parfois j'en invente une, juste pour entendre le son de sa voix et jouir du souvenir d'une voix aimée et disparue, c'est ma grand-mère qui me parle du fond de sa tombe, au fond de mon cœur et elle rit et je ris, et elle pleure et je pleure.
Parfois, je me cabre un peu, je refuse d'avancer... Emma délasse mon soulier, ôte le caillou réfugié dans ma chaussure, change la couleur de mon lacet, panse mon cœur puis me prend quelques temps dans le cocon de ses bras et me murmure "n'aie pas peur, vas-y ma douce, ce chemin-là, c'est le tien, quand il faut y aller, il faut y aller" et je finis toujours par me jeter à l'eau sans bouée ou par sauter à cloche-pied sur un fil du rasoir jeté au dessus de deux ou de dix falaises.
Emma m'emmène dans l'alchimie des rêves sur des sentiers de prose et de poésie, peuplés de laine... Elle m'emmène caresser des chimères, découvrir des choses extraordinaires, je cueille en chemin des merveilles, j'enfourche un nuage, je nage dans l'encre sombre et illuminée, je...
Où je vais ? Je ne sais pas, je suis Emma...