Participation de Sebarjo
Le Portrait de Gorian Dray
Ce matin-là, il n'était pas utile que je me regarde dans une glace pour savoir quelle tête j'avais. C'était un de ces matins qui succèdent à une nuit cauchemardesque, avec ses pluies furieuses et torrentielles qui semblaient si sempiternelles que si on avait murmuré cette chose à l'oreille du milieu d'une rivière, elle ne l'aurait pas crue !
Comme on dit communément, j'avais la tête dans le Q. Une chape de plomb pesait sur mon crâne, une barre d'acier frappait en cadence mes sinus et quel enfer ! Une pince monseigneur m'arrachait les tempes. Le temps ainsi ponctué me semblait infiniment long et vide. Invivable tant son poids était insupportable.
Et là, je me suis dit – car je ne sais pas comment mais, si aucun son ne sortait de ma bouche sans une déglutition possible, j'arrivais encore à me dire des choses aussi farfelues qu'elles fussent (intérieurement, bien que je ne sois pas particulièrement introverti, ni égocentré sur mon Moi ; ce qui était le plus fou) – qu'il suffirait d'un signe. Qu'il suffirait de presque rien, de simplement mettre les points sur les I. Qu'il suffirait d'allier le Q et le I pour récupérer un peu de quotient intellectuel. Insurmontable ?
Après un tel effort, dans l'immédiateté instantanée, on pouvait dire qu'en plus de la douleur, je subissais comme une anesthésie cérébrale, ce qui peut sembler paradoxal mais ce qui était bien pire que ça. C'est dans cet état de feuilles mortes que j'ai ramassé mes épaules afin qu'elles se lovent hystériquement contre mes lobes duveteux et que je me suis mis à chanter (mentalement puisque je le rappelle, j'avais perdu la voix de la raison. C'est malheureusement pourquoi vous n'aurez pas le loisir d'ouïr une reconstitution sonore ici bas. Néanmoins, vous pouvez y lire une transcription textuel) :
Parce qu'avant la fête on est au faîte
A pile ou face, on renverse la tête
Parce qu'on n'arrive pas toujours à être
Soi-même ou même cet être
Qui est l'essence de notre existence
Si différent de notre paraître
Alors on pense Alors on pense Alors on pense
Alors on pense Alors on pense Alors on pense
Parce qu'après la fête on n'est plus au fait
Parce qu'on perd la face, on perd la tête
Parce qu'on arrive tout juste qu'à naître
Sans jamais parvenir à n'être
On reste loin à des kilomètres
Alors on pense Alors on pense Alors on pense
Alors on pense Alors on pense Alors on pense