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Le défi du samedi
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2 novembre 2013

Effeuillage (Vegas sur sarthe)

Depuis ma plus tendre enfance, gros ou à la rigueur petits j'ai toujours aimé les Roberts.
Sous la couette ou affalé sur la table, je me délectais de leurs mots magiques, je m'abreuvais de cette nourriture de l'esprit dont Rabelais m'invitait à tirer “la substantifique moelle”.
De moelle, je n'en ai jamais tiré la moindre parcelle mais je m'éveillais au monde, sautant allègrement l'interligne, de la tétine au téton avec un plaisir tout neuf.
 
Délaissant (participe présent) des pages et des pages de conjugaisons trop souvent rabâchées sur les bancs de la communale, j'abordais celles érotiquement teintées de rose - bien avant qu'on invente le minitel - que j'effeuillais délicatement comme on dégraferait un chemisier, tentant de percer leur secret au détour de savantes locutions.
Horace, Virgile et Molière s'y donnaient la réplique Ad libitum à coups de mots étranges qui s'évanouissaient souvent avec des 'um' et des 'us' comme des feulements de vierge en pâmoison.
 
Au début des années 60 où le maudit carré blanc s'incrustait au bas de la lucarne magique - comment aurait-il pu à l'époque être autrement que noir ou blanc - et me reléguait dans ma chambre sans discussion possible, je retrouvais mes chers Roberts et leurs pages déjà défraîchies...
Entre déprime - nom savant du cafard, insecte orthoptère - et dépuratif - immonde sirop pour le foie - je passais cent fois et sans sourciller sur dépucelage qui n'était pour moi que l'aboutissement d'un verbe transitif familier.
 
Combien d'émois, de suées, de transpirations intimes ai-je connu au détour d'une page?
D'aréole à bisexuel, de call-girl à déflorer, d'entraîneuse à fornication, de garçonnière à hormonal, d'intimité à jouissance, de kimono à levrette, de masturbation à naturiste, d'orgasme à pédérastie, de Q (occlusive gutturale sourde) à revenez-y, de stupre à téton (celui-là même qui me fit oublier tétine), d'utérin à vaginal, de wagon-lit à X (belle inconnue consonantique) j'exerçais mon oeil et mon esprit à la plus belle discipline que l'homme ait inventée: la jouissance des mots.
 
Pourtant je sentais bien que Monsieur Robert - après s'être fait un prénom en créant son dictionnaire - avait fini par se lasser tant ses dernières pages manquaient de corps et n'ayant trouvé que yaourt à me mettre sous la dent, j'abordais la fricative sonore du Z en zozotant.
Je rêvai un instant - avec force postillons - à quelque zébrure zigzagante sous la zibeline d'une zoologue zambienne avant de lâcher un Zut de dépit.
 
Il ne me restait plus alors qu'à satisfaire à cet immuable rituel qui rythme ma fabuleuse vie d'écrivaillon: reprendre au A...


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Commentaires
M
On comprend aisément pourquoi les pages de tes Roberts sont défraîchies ... elles t'ont vraiment beaucoup servi ! :-)
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L
J'admire la minutie avec laquelle tu as recensé tes découvertes (et jubilations) adolescentes! Une prouesse. J'ignorais jusqu'ici que le dico pouvait conduire à la jouissance...(des mots, il est vrai)! Et t'inculquer un répertoire dont lui seul pouvait t'apprendre la variété et l'usage...Elève Vegas, vous aurez dix!
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V
le récit de l'adolescence à travers la découvert du dico ça c'est une sacré trouvaille !!
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J
Oui, mais fais gaffe au petit bob et aux gros bobos...<br /> <br /> <br /> <br /> http://fr.wikipedia.org/wiki/John_et_Lorena_Bobbitt
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K
reprendre à A qui commence par AMOUR c'est le début de tout<br /> <br /> ensuite plus besoin de dico <br /> <br /> comment ont fait les 1ers hommes ??? ils ont su trouver le mode d'emploi car nous ne serions pas là<br /> <br /> mais j'♥ beaucoup ton cheminement et l'idée générale qui est dans le ton de l'époque tout à fait où nous ne savions rien <br /> <br /> bisoussssssssssssssssssssss
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P
Merci pour ce petit voyage dans le dico de Bob, j'aimais aussi m'y promener, d'ailleurs j'adore jouer au jeu du dico, moment assuré de fou rire et de bonne humeur !
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J
Les zoologues zambiennes, avec nous qui sommes un peu houla houla, elles ont du boulot mais on ne chômera pas non plus !<br /> <br /> <br /> <br /> Un ravissement rabelaisien, ce texte !
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W
Le dico était à peu près l'unique bouquin disponible à la maison quand j'étais jeune, mais c'était pas Robert, c'était Larousse. Bon, des goûts et des couleurs...
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J
Un point commun??? les dicos???? au féminin <br /> <br /> Allez reprenons tout depuis le A..... <br /> <br /> Et là, tu me fais revenir dans mes folles années
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C
Intéressante promenade au pays des fantasmes sémantiques de l'adolescent post-pubères d'avant You Porn et internet. <br /> <br /> Et après on s'étonne que le niveau baisse.Mais à une époque, on savait se cultiver, ma brave dame!
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