SAMARRA (joye)
Il était un marchand à Baghdâd qui commanda à son serviteur d’aller faire des achats au marché. Tantôt revint le serviteur, tout blanchi et tremblant.
« Maître, tout à l’heure, quand j’étais au marché, une femme m’a bousculé, et quand je me retournai, je vis que c’était la Mort qui m’a bousculé. Elle me dévisagea et fit un geste menaçant. Maître, je vous en supplie, prêtez-moi votre cheval, et je quitterai cette ville pour éviter mon sort ! J’irai loin, jusqu’à Samarra, et la Mort ne m’y retrouvera pas ! »
Le marchand lui prêta son grand cheval blanc, le serviteur y monta, et il éperonna ses flancs luisants. Le cheval repartit au galop.
Alors, ce marchand alla au marché, y rechercha la Mort et lui demanda « Mais pourquoi as-tu menacé mon serviteur d’un geste ce matin ? »
- Ce n’était pas un geste menaçant, monsieur, répondit la Mort. C’était un sursaut de surprise. J’étais tout simplement étonné de le voir à Baghdâd ce matin, et surtout parce que j’ai rendez-vous avec lui ce soir à Samarra.
Note au lecteur : Je n’ai pas inventé cette histoire. Je l’ai traduite depuis la version de Somerset Maugham, un de mes auteurs préférés depuis longtemps. Ce texte a servi d’épigraphe pour un roman par John O’Hara. Maugham lui-même racontait dans ce petit texte sa version d’une histoire ancienne du Talmud Bavli (qui date du 3e siècle). L'image est de Wikipedia Commons.