marais pas jean (titisoorts)
Le mot barque, c'est en lisant le défi du samedi que j'ai eu comme un retour en arrière, comme une gêne. Alors j'ai voulu en savoir plus. Je ressentais à ce mot, comme un calme, une phrase qui me disait " calmos on n'a tout notre temps, prends une barque, allonge toi dessus et laisse toi flotter au grès du courant, laisse toi bercer par le tangage, laisse toi aller, laisses toi." Je me revois, rame en main en bout de barque, devant moi, ma dulcinée, nous voguions vers nous, notre navire fendais les lentilles tandis que les branches d'un saule s'inclinaient et balayaient la conche éblouie par le coucher de soleil. Les conches, les rigoles, l'aeve, les mojhètes, si le vent buffe si vous attrapez accident, c'est que vous n' êtes non loin de l'endroit ou je suis né. Le patois du mairais poitevin. Des mots que j'avais oublié, enfouis sous des couches de moment, vie trépidante et parfois chiante, pour s'extraire ici, et maintenant, au bout de mon stylo. "vas cri de l'aeve" vas chercher de l'eau, des phrases qui me reviennent, des images qui me font arriver l'eau à la bouche. Des plats et des plats d'escargots à la persillade préparé par ma mère, des plats d'anguilles et je faisais honneur. Les anguilles que nous pêchions mon père et moi, des moments ou concentrer, moi, le gamin, les yeux fixés sur mon bouchon qui dansait, sautait grace aux taquineries des gardons et des brèmes.Les mojettes du marais, le préfou, une baguette passée au four avec à l'intérieur du beurre aillé, à l'apéro, un délice. Goûts, souvenirs, amour, enfance, espoir, vie, comprendre, apprendre, liberté, envol, armée, tout se mélange. A dix huit ans, j'ai pris mon paquetage et j'ai quitté tout cela, j'ai suivi les courants qui m'ont amené là sur le bout de mon stylo. Après bien des morts, de vie, d'amours, d'évolution, de révolutions, de compréhensions, de connaissances de reconnaissances, J'ai comme quitté le navire de mon enfance pour conduire ma propre barque. J'ai une imag, au moment ou j'écris ses mots, moi, sur la terrasse à Coulon au milieu du marais attablé et heureux. J'ai aussi une série que j'avais oublié une série qui s'est filmé chez moi, qui s'appelait" graine d'ortie". Je me souviens que je m'identifiais à ce petit garçon, on se ressemblait et j'aimais ses jeux espiègles, sa liberté. Il se faisait la malle du cathé et disait tout en courant dans les prés" c'est mieux de courir dans le marais après les vaches que le cathé, c'est plus marrant non ?" Tu parles, nous gamins, des paroles insidieuses qui sans bruit s'installaient en moi, et qui ont nourri mon existence. Les balades en barque avec les copains à taquiner les touristes en leurs demandant la route à prendre, dans une rigole unidirectionnelle, le plan à l'envers. Je me souviens aussi, pour épater, nous remuions le fond des conches avec la rame, le méthane remontait à la surface, nous enflammions le dessus de l'eau grâce à un briquet, nous étions les magiciens du marais. Je me souviens et je deviens mélancolique, les souvenirs passent dans ma tête, les images défilent, avant de m'endormir j'en volerais quelques unes pour mieux les détailler et mieux les ressentir émotionnellement.C'est peut être un peu bateau mais c'est ma barque.