La femme qui lit. (Célestine)
Elle a par cent chemins aux forêts de pendules écouté chevaucher sur le gazon sucré de trèfle et de luzerne aux clairières endormies cent chevaux prodigieux aux ailes de licornes.
Elle s’est accrochée aux lèvres des bourreaux des cœurs tendres et aux dents aiguës de l’ambition, elle a gravé sa peau du nom des héroïnes et chanté les folies des génies méconnus.
Elle a aimé. Elle a tremblé. Elle a vomi. Elle a reçu cent coups de poing dans l’escarcelle, cueilli des tas d’étoiles en ses paumes blanchies. Volé des ducats d’or et des rubis ravis au destin des pucelles reçu cent coups d’épée au flanc et au pourpoint. Les rois l’ont vénérée les princes l’ont trahie. Elle s’est jetée au pied des ténèbres assourdies, elle a gravi des pentes et sondé les abîmes.
Elle a défait son cœur, asséché des déserts de jaillissantes larmes et pleuré des rivières et mangé des mouchoirs dans l’ambre et l’aubépine des printemps frileux. Elle a senti le vent l’emporter en un songe sur des bateaux flambants aux îles inconnues. Elle a triché au jeu, traversé la prairie et de sombres coyotes essuyé les affronts Elle a versé son sang, elle a gagné des guerres, et compté aux jours gris les aurores naissantes.
Elle a péri d’amour huit cent quarante fois, se traînant languissante au pied d’un amant brut, comme un diamant taillé pour lui crever le cœur. Contemplé des frissons, des lagunes paisibles, enroulée dans des songes aux ponts mystérieux, goûté cent fruits empoisonnés et langoureux, essuyé mille orages, et sué sang et eau comme les galériens.
Elle a été modèle, et muse et prostituée, aviatrice et docteur, et comtesse aux pieds froids, et chatte langoureuse sur un toit brûlant.
Elle a fait tout cela, et ce n’est rien encor, sans sortir de son lit.
Il lui reste des mondes à serrer dans ses poings, et des éternités palpitantes à vivre.
Oui ! Car depuis toujours, sans arrêt, elle lit.