Les souliers d’EVA (KatyL)
Eva m’a raconté que lorsqu’elle était petite, sa maman est partie loin, loin.........
Comme Eva était l'aînée d’une fratrie de 4 enfants, elle est devenue mère à 11 12 ans de ses deux sœurs et de son petit frère.
Les enfants sont restés avec leur père, qui les avait gardés, plus pour ennuyer leur mère et la faire souffrir, lui faire payer son départ sur un autre continent que par amour pour eux.( le juge ne connaissant pas le pays de résidence de la maman ne voulut pas qu’elle ait un droit de garde sur aucun d’eux !)
Les pères de cette époque ne savaient pas s’occuper des enfants, ni les border, ni leur raconter une histoire, ni leur faire à manger…et encore moins leur acheter des chaussures, et des vêtements, tant et si bien qu’Eva, ses sœurs et son frère portaient les habits des autres, ceux qu’ils voulaient bien leur donner, et qu’Eva reprisait le soir, ou remettait à la taille pour les petits.
Oh ! ils ne leur en donnaient pas des neufs, non des habits déjà bien portés, ou trop petits ou trop grands pour l’autre enfant ( qui lui avait de vrais parents) ils donnaient souvent des abîmés ou plus du tout à la mode, alors ils estimaient :
-« Tiens, si je donnais ces habits à des nécessiteux » !
Même la propre famille d’Eva agissait à l’identique, et pas une seule fois, tantes, grands-mères, ou autre, n’avaient songé à leur en acheter des neufs !
Pour les chaussures c’était pire ! Car personne ne donnait des chaussures, et le père d’Eva ne pensait pas du tout aux enfants qui allaient à l’école à pied, qui marchaient beaucoup avec la même paire de chaussures !
Aussi la petite Eva demandait à son père :
-« Papa quand pourras –tu nous acheter des chaussures, pour mes sœurs et moi, elles sont trop usées ! »
-« Plus tard, à Noël sans doute ? Je n’ai pas les moyens avec ce que ta mère a laissé comme dettes » (il disait toujours cela même des années après son départ, alors que lui-même allait à son club presque tous les soirs)
Eva repartait contrariée et honteuse, il fallait découper des cartons pour remplacer les semelles usées, alors elle eut l’idée de faire le tour des chaussures au crayon pour ensuite découper dans des cartons, des semelles qu’elle voyait accrochées chez le cordonnier et que son père ne voulait pas acheter ( tout ça à cause de leur mère, qui était partie si loin !)
Elle regarda les chaussures des sœurs et du frère et fit à tous de solides semelles.
Et pour que sa petite sœur ne soit pas triste elle alla cueillir dans le jardin quelques fleurs, les mit dans ses chaussures et elle posa les chaussures devant le lit de l’endormie. (Elles vont sentir bon, elle sera contente, plus la semelle de carton que je lui ai faite, elle pourra aller à l’école heureuse se dit-elle)
Pour elle et ses petits frères et sœurs aller plusieurs mois avec les mêmes chaussures aux pieds devenait un souci, les pieds des enfants poussent trop vite !
Et lorsqu’il pleuvait ce qui était le cas en Normandie où habitait Eva, les chaussures prenaient vite l’eau et les cartons se mettaient en bouillie dans la chaussure par les trous.
Quand il ne pleuvait pas, Eva cachait ses pieds sous les chaises de peur que ses camarades de classe ne se moquent d’elle et de ses trous sous ses chaussures.
Elle pensait toujours à ranger ses pieds..
Mais un jour une copine de classe qui elle était le bureau juste derrière Eva, fit tomber un crayon sur le sol, qui atterrit sous la chaussure trouée d’Eva !
Elle dit tout haut en classe !
-« Elle en a des chaussures celle-là toutes trouées, des godasses ! Des vraies godasses ! Je n’ai jamais vu ça ! »
Eva entendit et se mit à rougir de honte, et se mit à pleurer.
Le prof d’histoire qui faisait son cours et qui n’avait pas suivi la conversation ni l’histoire dit :
-« Que se passe-t-il Eva pourquoi pleures-tu ? »
-«J’ai pensé à quelque chose de triste dit-elle sans dénoncer sa camarade de classe qui pouffait derrière elle, car elle avait peur que tout le monde cette fois entende qu’elle avait des godasses pourries et trouées »
-« Écoute ma petite sors un peu prendre l’air et quand cela ira mieux tu pourras revenir, mais dorénavant sache bien que pendant les cours tu ne dois penser qu’aux cours et laisser tes pensées tristes chez toi ! Est-ce entendu ? »
-« Oui Monsieur »
Eva sortit de la classe morte de honte.
Elle se souvient encore des cartons dans ses chaussures car il a fallu quelques années, qu’elle soit devenue une femme et gagne sa vie pour avoir enfin plusieurs paires de chaussures en bon état ! Idem pour la garde-robe.
Eva fait attention quand elle donne quelque chose que les affaires soient propres, à la mode, en très bon état, et si elle connaît une personne qui a besoin de quelque chose, si elle le peut, elle lui offre à l’état neuf, mais jamais elle ne voudrait mettre mal-à-l’aise une personne qui souffre, la honte serait pour elle.