Inventaire cordonnier. (Mamido)
Les « Babybottes » que je portais bébé.
Chaque matin, ma mère les blanchissait pour qu’elles soient immaculées, impeccables. Je garde encore le souvenir olfactif du produit dont elle se servait.
Les sandalettes qu’on m’achetait chaque printemps, enfant.
Toujours de forme identique, seule la couleur changeait : cuir naturel, bleu marine, vert criard, jaune « caca d’oie » et mes préférées, rouge.
Les « Clark’s » en vachette de mon adolescence.
Je complétais ma tenue avec un jean « pattes d’éph » et un pull de laine ultra court et très moulant, pour ressembler aux copains de ma génération, me fondre dans la masse des ados du début des années soixante-dix.
A peu près à la même époque, les chaussures à semelles compensées, aux larges talons carrés.
Elles allongeaient mes jambes, tout comme la minijupe, ou le short que je portais avec un chemisier aux manches et au col largement volantés. Les yeux cachés derrière de larges hublots carrés, aux verres légèrement bleutés et les cheveux relevés en un charmant chignon mille neuf cent, dont s’échappaient quelques boucles savamment tirebouchonnées au Babyliss. Coiffure quelque peu branlante, sur laquelle je passais des heures en prenant modèle sur un cliché de Bardot en couverture de « Match » ou « Elle » pour la promotion du film « Les pétroleuses» avec Claudia Cardinale.
Les fins escarpins en vernis noir de mes fiançailles.
Ils brillent de mille feux sur la photo « officielle », où l’on se tient gauchement, côte à côte et main dans la main, ce 25 Décembre 1974.
Les sandales blanches de mon mariage.
On n’en voyait que la pointe dépassant de ma longue robe blanche. Je n’ai jamais remis la robe mais j’ai porté les chaussures plusieurs étés de suite… Le long voile de tulle a terminé en moustiquaire sur le petit lit cage familial, protégeant le sommeil estival de mes deux enfants.
Les talons aiguilles de dix centimètres, eux aussi en vernis noir, en tout point identiques à ceux de ma meilleure amie.
Nous nous les étions offerts dans une boutique chic du Cap d’Agde. Puis nous avions fait tout le chemin, le long du port, sur les larges dalles grises, haut perchées sur nos chaussures neuves, jusqu’au camping municipal où nous attendaient nos deux maris énervés gardant nos quatre enfants en bas âge. Tous néanmoins béats d’admiration devant les si radieuses jeunes femmes que nous étions alors. Nous nous sommes pavanées devant eux à l’arrivée. Je ne voulais pas que ça soit le dit mais j’avais les pieds en sang et je souffrais le martyr.
Je n’ai jamais reporté ces talons par la suite. Mais je les ai gardé… longtemps.
Au fil des années, mes goûts se sont assagis. Désormais le confort prime sur la mode et l’élégance. J’aime porter des chaussures souples et légères avec des talons les plus plats possible. J’ai de la chance, de nos jours, les progrès technologiques permettent aux fabricants d’exaucer mes souhaits. La dernière paire que je me suis acheté est légère comme deux plumes et lorsque je marche, j’ai l’impression d’être sur un nuage.
C’est l’avantage de prendre de l’âge… on a enfin le privilège d’être à l’aise dans ses charentaises !