Par le trou de la serrure (Venise)
Derrière la porte fermée à clef de Pétrarque coule une rivière cristalline. L’œil au creux de la serrure j’ai vu :
Ses cheveux noirs en désordre, il monte les escaliers de cette vieille demeure pour rejoindre Laure, sa muse qui dort près de la cascade.
Il est toujours désarçonné quand il pénètre dans ce lieu. Le bras du Seigneur devait être merveilleusement inspiré pour créer un tel paysage se dit Pétrarque
Laura est l’incarnation de la beauté ; elle se tient de dos au moment où Pétrarque referme la porte de sa chambre.
Maintenant ils se tiennent tous deux par la main pour plonger au sommet de la cascade.
C’est une forêt nomade qui leur offre à chaque fois la chance de rester des enfants.
Cette vielle maison de briques, Pétrarque la partage avec une usine à papier
Elle a sur sa face ouest un immense moulin à eau qui aspire la cascade qui dévale le vallon.
Le soir ils rentrent tous deux nus pieds sur l’herbe encore chaude
La maison semble froncer les sourcils quand ils tardent trop.
On peut avoir une chance insensée longtemps, sans pour autant grandir et du même coup éviter ainsi de s’encombrer des soucis des grands
Pétrarque aime partir dans sa vie réelle à lui celle qui ne rentre en collision avec personne
Il y rejoint les fougères qui se noient dans la rivière et la mousse que préfèrent ses pieds.
Laura l’enchante, il a appris à nager avec elle au milieu des flots tumultueux de la cascade.
Les rosiers qui bordent l’eau sont là pour éloigner les curieux qui se seraient introduits par erreur dans sa chambre .
Le soleil comme une fine poudre d’or se fraie un passage entre la densité du feuillage des tilleuls.
Pétrarque embrasse Laure, celle-ci se sert de jasmin pour en faire des boucles d’oreilles, elle a cousu sur le gilet de soie de Pétrarque un coquelicot qui songe à la nuit.
Il faudra fonder la confrérie du jasmin et habiller toutes les jeunes filles les soirs d’été de la délicate odeur blanche de ces merveilleuses fleurs, filles des anges.
C’est ici la gloire de la jeunesse du printemps qu’on fête. Au vingt ans de Laure se mêle la jeunesse
De la cascade.
Même maltraitée par l’hiver la cascade irradie de lumière transportée par de fines gouttelettes d’eau que le vent ramène sur le visage de Pétrarque.
Pétrarque à choisi de vivre derrière la porte de sa chambre où coule une rivière.
Ce qui est invisible pour tous a une telle densité pour lui que Laure est née de ce paysage
Elle est arrivée une nuit alors que la neige était tombée encore fraîche sur le sol
Depuis ils ne se quittent plus.
C’est un savant mélange d’écorce d’arbre et de miel des abeilles qui bourdonnent dans leurs oreilles
Un violent orage d’été les pousse à se retrancher sur un rocher habité par une libellule.
L’insecte a tenté à plusieurs reprises de passer le pas de la porte de la chambre de Pétrarque en vain.
Elle voulait être dédommagée du chagrin causé par Laure et Pétrarque
On ne pénètre pas ici sans cadeau en retour, la libellule continuait à battre des ailes comme une prière.
Les deux enfants ne prêtaient pas attention à la beauté de l’animal. Ils grelottaient assis sur cette grande paroi.
La forêt les enveloppait avec bienveillance.
Devrais-je errer comme une âme perdue toute ma vie dit la libellule ?
Je voudrais vous suivre de l’autre côté de la porte. Qu'y a-t-il là-bas pour que vous vous absentiez longtemps sans moi ?
Il te faudrait affronter la mort qui maraude et qui prend souvent d’étranges allures dit Pétrarque
Tu devrais te défaire de tes ailes et ramper comme un ver de terre dit Laura en riant.
En quelques minutes la libellule s’était blottie dans le châle de lin de laure
Elle grelottait de peur, un lys pas étranger à la conversation se pencha vers la libellule
Tu ne connais pas le code des hommes, reste ici ils viendront souvent te voir.
Nous aussi nous ne voulons pas partir du paradis, tous les jours nous négocions avec les anges notre passage
Laure et Pétrarque, Pétrarque et laure, une simple libellule s’est infiltrée dans le jeu de l’enfance c’est la brèche de l’âge qui vous fait perdre la clef de la porte et regarder au creux de la serrure
Si vous les croisez en remontant la cascade bordée de roses trémières
Prenez quelques galets et griffonnez un poème sur le bord de l’un d’entre eux.
Ne négligez rien lors de cette rencontre soyez attentif à tout. Le chant du rossignol, le cou penché d’une aigrette
Et le soleil ... Griffonnez attrapez le zeste du vent