19 mai 2012
Deux voix au musée (AlainX)
— Tu vois quelque chose toi ?
— Non, il n'y a personne, c'est désert.
— Moi je vois !
— Et tu vois quoi ?
— Les plantes !
— Ah ben oui… Les plantes… Passionnant les plantes dans un musée !…
— Je vois qu'elles nous regardent, de leurs yeux verts. Elles nous fixent.
— OK ! Tu as encore fumé ! De l'herbe, ah, ah, ah ! Tu me fais marrer, tiens !
— Elles bougent !
— Arrête à la fin ! C'est la clim'… Tu ne ressens pas le courant d'air ?
— Je le savais bien, tu n'as aucune capacité à te rendre compte de la réalité.
— La réalité, c'est qu'on est arrivé bien trop tôt pour cette inauguration de l'expo. Tu es sûr que c'est aujourd'hui au moins ? Parce que, là, on est les seuls.
— C'est aujourd'hui, c'est maintenant. Mais toi tu ne vois rien. Comme d'habitude. Tu te fies à ce que tes yeux te montrent. Mais c'est pas ça un regard. Un Regard cette autre chose. Le regard c'est une vision, une perception subtile, qui donne accès à la vraie connaissance, à l'expérience pénétrante, à la fréquentation de l'entre-vue.
— L'entrevue ? Il doit y avoir une entrevue ? Entre qui est qui ?
— Décidément, tu ne piges rien. L'entre-vue, avec un tiret, ce qui se voit entre les choses, ce subliminal auquel tu n'accèdes pas. Comme les yeux verts des plantes qui d'ailleurs commencent à se poser des questions sur toi, ça se voit au froufroutement de leurs branches. Je t'assure il y a du mécontentement dans l'air.
— T'es vraiment débile ! Aucune amélioration.
— Ah ! Les voilà qui s'avancent.
— Qui ça ?
— Les statues du fond bien entendu. Elles arrivent. Je te l'accorde la progression est lente, mais certaine. Tu vas avoir des surprises.
— Le plus surprenant ici, c'est toi. Dis moi, tu prends toujours bien ton traitement, j'espère ? Parce que sinon…
— Sinon quoi ? Tu vas de nouveau me faire interner ?
— Il faudra bien ! Vu que tes hallucinations te reprennent. Car si tu étais normal, tu te rendrais vraiment compte de ce qui est en train de se passer. Tout le monde est parti. Le musée vide. Je vais te dire pourquoi, puisque tu as de la boue dans les yeux. Si tu étais normal tu aurais vu en même temps que moi que ce sont les colonnes qui bougent, elles tournent sur elles-mêmes, de plus en plus vite, et c'est ça qui est dangereux. Crois-moi, si on ne fout pas le camp tout de suite, tout va s'écrouler…
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