Maille après maille, au fil du temps… (Mamido)
Je suis issue d’une longue lignée de tricoteuses.
Mon arrière-grand-mère tricotait, à la fin du dix-neuvième siècle, de délicats ouvrages à l’aiguille ou au crochet dont il me reste quelques pièces pieusement conservées dans une boîte, pliées dans du papier de soie.
Flo, ma fille, les a découvert il y a peu et a crié au scandale : « Comment ! A quoi bon tenir cachées de telles merveilles ? Ne pas les rendre à leur usage premier relève du crime !... »
Sur ce, elle s’en est emparé et les a emmené chez elle, tous ces jupons aux fines dentelles, ces caracos aux bretelles brodées, ces couvre-lits finement ajourés et ces rideaux aux délicats dessins dentelés. Sauf que les lits d’il y a deux siècles étaient bien plus petits que ceux de maintenant et que les fenêtres d’aujourd’hui sont bien plus grandes que celles d’hier et du coup, rien ne va plus pour ces vieilles dentelles ! Sans compter que les volumineux jupons ne sont guère pratiques ni bien adaptés à la vie moderne. Restent les caracos…
Ma grand-mère tricotait des chaussettes et des chemises de laine ou de coton, selon la saison, avec des aiguilles si fines qu’elle s’usait les yeux à l’ouvrage. C’était magnifique à voir, de vrai chef-d’oeuvres, vaporeux et légers comme des plumes. Mais les chemises de laine, à même la peau, qu’est-ce que ça grattait ! Et les chaussettes, non seulement elles grattaient mais impossible de les faire tenir haut sous le genou, elles tirebouchonnaient toujours lamentablement au-dessus des chaussures et on avait en permanence les jambes glacées.
Maman a toujours tricoté utile : pulls, robes, vestes et manteaux de laine. Mais elle y joignait l’esthétique en créant des modèles originaux, en variant les formes et les couleurs, en utilisant des points compliqués tels que le jacquard ou les torsades. Des ouvrages magnifiques, confortables, solides et intemporels que plusieurs générations se sont transmis. Ainsi les pulls tricotés pour mon frère Jean-Louis (cinquante ans à l’automne dernier) sont actuellement portés par mon petit-fils Louis (quatre ans au prochain printemps). Entre-temps, ils auront réchauffé d’autres épaules, celles de mes enfants et de mes neveux et nièces également.
Je me considère comme une piètre tricoteuse. Pour moi, petits ouvrages, points les plus simples possibles. Je me cantonne dans le point mousse et le jersey et quelques-unes de leurs variantes, les plus basiques. Je suis la reine des mailles endroits et envers et l’adepte du tout droit, sans augmentation ni diminution, ou le moins possible.
Côté taille, j’en reste à la layette et ne me risque jamais au-delà du trois ans. Quelques écharpes ou plaids tricotées avec les plus grosses aiguilles possible. Faut que ça aille vite !
Mais, je suis la championne du chausson, tricotés à quatre aiguilles, s’il vous plait ! J’en ai plusieurs modèles très « mimi » et cela reste mon cadeau de naissance préféré.
Flo a découvert le tricot sur le tard après avoir longtemps refusé de s’y intéresser. Elle a appris toute seule dans les livres et m’a d’ailleurs reproché à cette occasion de ne pas lui avoir appris. Reconnaissons là la mauvaise fois caractérisée des enfants et leur ingratitude à notre égard !
Comme moi, ma fille est une tricoteuse qui a du mal à terminer ses ouvrages. Chez elle, c’est le manque de temps qui en est la cause. Chez moi, ce serait plutôt de manque de velléité : je me lasse vite.
Le dada de Flo, ce sont les longues écharpes multicolores, qu’elle offre à Noël à toute la famille. Chaque année un modèle original. Belles-sœurs et belle-mère, frère, neveux et nièces, grand-mères et mère tout le monde y a droit. Et tout le monde les attend.