À propos de Madeleine (Walrus)
Mais qu'est-ce qu'ils ont donc tous avec leur Madeleine ?
Car Marcel y met la Majuscule même s'il la qualifie de "Petite". Si encore elle avait été à la fraise, on aurait compris qu'il la ramène... mais non ! Un vulgaire petit bout de gâteau, trempé dans du thé de surcroît ! Ça se donne des airs d'aristocrate, se pique d'éclairer notre lanterne et ça se délecte d'une cuillerée d'infâme bouillasse tiède à quoi ça prête des allures de première gorgée de bière (et autres plaisirs minuscules) et voilà notre asthmatique qui plonge, en apnée comme le grand bleu, dans le monde subliminal pour tenter d'en ramener de vagues souvenirs... Mais ce mec se prend pour Delerm, ma parole !
Mais qu'est-ce qu'ils ont donc tous avec leur Madeleine ?
Remarquez, ça peut se comprendre. Dans mon édition d' "À la recherche du temps perdu", le passage incriminé se situe à la page numéro 44. On conçoit bien que quelques enragés aient pu parvenir jusque là. Il est par contre beaucoup plus improbable qu'ils aient persévéré jusqu'à la 2394ème pour nous donner en pâture la citation de Victor Hugo : "Il faut que l'herbe pousse et que les enfants meurent". Même ma chienne qui avait pourtant entamé le volume avec ardeur s'est, comme moi, endormie à l'ombre des jeunes-filles en fleurs (et, plus précisément à la page 461). Pourtant, avec un brin de persévérance, nous aurions découvert qu'à la page 511 (toujours de l'édition en ma possession), il est fait mention de "La famille du directeur du ministère des Postes". Lequel directeur sert lui aussi de base à une réflexion approfondie sur la mémoire et cette vocation qu'elle semble avoir à se lier à des détails insignifiants. Avez-vous pour autant jamais été sollicité de nous parler de votre "directeur au ministère des Postes de Proust" ?
Mais qu'est-ce qu'ils ont donc tous avec leur Madeleine ?
Ouais, me direz-vous, il est encore en train de botter en touche tout en vomissant, écrivassier laborieux, son aversion pour un des monuments de notre belle littérature française, monument qu'il a dû mal digérer au cours de ses études et dont il envie, en bon Belge à l'esprit étriqué, l'international retentissement. Bon, ben vous dites ce que vous voulez, hein, après tout cela n'engage que vous...
Mais qu'est-ce qu'ils ont donc tous avec leur Madeleine ?
Mais vous vous trompez, vous fourvoyez, marinez dans l'erreur la plus totale : j'ai très bien compris la question et même, je vous remercie de me l'avoir posée. Encore que moi, quand j'entends "Madeleine", je ne pense pas d'abord à Proust (ma chère) non, je pense à :
- Maurice Chevalier (Il pleurait comme une Madeleine, il pleurait, pleurait, pleurait...)
- Harold et Maude
- ce temple à la gloire des armées françaises voulu par Nabot Léon
- Victor Hugo et ses misérables
- Maria de Magdala improprement dénommée Marie-Madeleine
- la Lorraine, patrie du fameux gâteau (et à MAP dans la foulée)
- Brel qui ne connaît et n'attend qu'elle
J'en passe et de pires !
Mais qu'est-ce qu'ils ont donc tous avec leur Madeleine ?
D'accord d'accord, j'y viens, ne vous énervez pas ! Moi aussi j'ai ma Petite Madeleine de Proust : dès que j'entends son nom au Marcel, ce grand malade, je pense immédiatement à cette écluse située sur la Meuse au pied de la citadelle de Namur, renforcée par Vauban (la citadelle, pas l'écluse) et dénommée (l'écluse pas la citadelle) "des grands malades", écluse dont le barrage amène un peu de turbulences et de remous dans le cours des choses, en contraste frappant avec la fluidité morne et lassante de la brique du dit Marcel.