La balançoire (Venise)
La balançoire prendra son élan au loin pour amorcer le mouvement des saisons.
Elle sera moins frileuse au printemps quand la jonquille pointera son nez.
Bonne fille, elle donne à l’enfance ses premières joies, ses premières frayeurs.
La balançoire chante du haut des mes cinq ans dans ma jolie robe narcisse.
Elle prendra à rebours ma mémoire endormie par le gel.
Elle me jettera sur un chemin d’herbage comme une aristocrate une ombrelle à la main avec mon cou si frêle et mon visage poudré ; je recevrai en même temps les premières confidences en plein centre, en plein cœur.
Mieux qu’au jardin on la découvre entre les photos d’un journal intime ; elle est à son affaire, un pétale de corde qui attend et démêle la haute coiffure des filles
La balançoire est l’éternité de la jeunesse ; elle est le liseron de nos réminiscences. La jeune égarée embarquée dans la bande des sauvageons
Et dans cette folle équipée de corsaire, elle affiche sa candeur.
Elle vous regarde de tout temps en face sans sourciller et se pare des privilèges de la fragilité du temps qui passe ;
Près d’elle on rit, on s’étouffe, on pleure, mais l’ingénue perverse ne frémit pas.
C’est le jeu le plus rustique où pousse à ses pieds le chèvrefeuille.
On aurait pu choisir la liane, mais elle seule reste la vedette des soirs d’été
C’est en somme une fausse modestie qui s’accroche au ciel de l’enfance rampe dans nos mémoires et suscite toujours autant d’émoi.
Moi la kamikaze ai pactisé avec elle pour l’éternité.