« Zen, restons zen ! »* (Mamido)
En ce moment, ma vieille maman est hospitalisée et j’apprends, grâce à elle, à rester zen en toute occasion.
Passés les premiers jours d’une légitime inquiétude au sujet de l’évolution de son état de santé, je subis, maintenant qu’elle va mieux, le chaud et le froid de son humeur changeante qu’elle fait souffler, du fond de son lit, au gré de mes visites quotidiennes.
D’abord, elle a refusé toute visite, ne souhaitant pas que l’on vienne, selon ses propres dires, « assister à sa décrépitude ». Elle a même fort mal accueilli une cousine qui, ayant appris par hasard son hospitalisation, avait voulu profiter de son passage dans la région pour la saluer. Celle-ci, tellement refroidie par cette mauvaise réception, n’ose même plus lui téléphoner de peur de subir encore ses remarques acerbes!
Mais quelques jours plus tard, bien pomponnée et discrètement parfumée, ma mère dissertait avec amertume sur l’indifférence de ses proches et amis qui avaient tôt fait de l’oublier et de l’abandonner dans la difficulté.
Zen, je me dois de rester zen !
Son séjour hospitalier se prolongeant dans une maison de repos, peu à peu, elle me fait déménager son appartement pour avoir auprès d’elle ce qui lui manque : un réveil, un châle, une jupe, une lampe électrique, des biscuits à la cuillère, une veste, un rouleau d’essuie-tout, du scotch, du sirop de fraise, un anorak, des bottes, un calendrier, du pain de mie, un rouleau de scotch, des ciseaux, du champagne, un bonnet, du papier, un pull, des bigoudis, une écharpe… viennent s’ajouter, jour après jour, aux traditionnelles revues et confiseries que l’on offre aux malades. Chaque matin, environ vers dix heures, j’ai sa commande par téléphone et je suis toujours surprise par ce dont elle peut avoir besoin.
Zen, je me dois de rester zen !
Son transfert de l’hôpital vers la maison de repos lui ayant occasionné une intense fatigue, elle a décrété à son arrivée qu’elle ne voulait pas que je communique son nouveau numéro de téléphone « à qui que ce soit ». « Tu sais, les gens sont pleins de bonnes intentions, mais il ne se rendent pas compte ! Ils te parlent, te parlent, te posent des questions sur ta santé, toujours les mêmes et c’est épuisant de leur répondre… » Message reçu.
Pas plus tard que le lendemain, elle s’étonnait du silence radio qu’elle subissait et me fournissait une liste substantielle de personnes qu’elle souhaitait entendre lui parler au téléphone.
Zen, je me dois de rester zen !
Un jour, on lui donne trop à manger, un jour pas assez et elle me demande de lui apporter des réserves qu’elle dévore en catimini la nuit, enfermée dans la salle de bain !
Un jour, le personnel soignant est dévoué, « charmant » et aux petits soins pour elle, le lendemain il est indifférent et brutal.
Un jour, le médecin lui a sauvé la vie, le lendemain c’est un incompétent qui ne comprend rien à son cas si spécial.
Zen, je me dois de rester zen !
Et je le reste, malgré tout ! Parce que ma mère est là, bien vivante, avec son caractère bien trempé et même si elle me fait souvent tourner en bourrique, j’emmagasine en mon coeur tous ces moments précieux passés à la dorloter.
Nous ne sommes dupes ni l’un ne l’autre, le temps nous est compté.
Ce que Maman traduit à sa façon, dans son langage imagé :
« Tu sais, ma fille, tout ça ne durera pas autant que le marché de Villefranche !!! »
*Refrain de Zazie