This town is not big enough for both of us (Joe Krapov)
Ce Georges Pérec et ses émules, décidément, quels chieurs ce sont !
Celles et ceux d'entre vous qui me croient Breton se gourent lourdement, se mettent le doigt « in the eye until the knee » si je peux dire (M. Reverso et Mrs Joye me corrigeront si cette tournure est incorrecte). Je ne suis rien qu'un Ch'ti en exil chez les « Breizhou », un immigré presque intégré et je suis très heureux de me trouver ici où je vis et crèche depuis 1997.
Rennes ! Ses spécificités, ses délires, ses monuments, son côté « terriblement stérile » : « Rien n'y prend excepté le feu », dixit un supérieur de prêtres un poil ignifugé qui connut peut-être l'énorme incendie de 1720 et celui du toit surmonté d'emblèmes dorés sous lequel des gugusses en robe( et perruque ?) rendent un minimum de justice encore de nos jours.
Rennes ! Prenez pitié de moi ! On m'y torture en silence, on obtient de moi que je devienne une espèce de moine bénédictin rongé de chiffres, de listes et de procédures, on m'y trucide sous des tonnes de livres de comptes pour me fournir en retour, en un système de troc presque éternel, le peu de fric que j'utilise pour tortorer, nourrir mon épouse et quelquefois (souvent ? toujours ?) trépider du ciboulot. Oui, c'est ici que je vis et bosse et me meus tel un ongulé de première du désert.
Le bus n° 11 m'emmène, que l'on soit lundi, mercredi, jeudi, vendredi vers Cesson-Sévigné. Il tourne toutefois vers senestre et me dépose près du RU, entouré de jeunes gens peu réveillés qui s'en vont étudier toutes sortes de disciplines plus ou moins scientifiques.
Le week-end c'est une musique toute différente. Je me lève moins tôt, j'enfile mes godillots et je descends en ville humer les bonnes odeurs des commerces en extérieur des Lices, remplir de nourritures diverses une gibecière en osier puis je file en toute liberté zyeuter les merveilles et trésors qui m'entourent.
Rennes ! Que vous dire, sinon qu'une rivière coule en son milieu et qu'elle est bien plus jolie que le nom qu'elle porte. « Ouest-torchon » une institution du coin sise rue du pré-Botté pond moult lignes ces temps-ci sur ce sujet rigolo : on projette de doter d'un nom exotique les résidents de notre district : les Breizh-iliens !
Lorsque s'en vient le jour où le Seigneur se repose, je me promène souvent le long des péniches en file indienne qui semblent indiquer, telles les pierres du Petit Poucet sur le sentier du bois, le chemin du centre ville. Comment vous décrire mes coups de cœur, mes tours et détours, mes points de chute ? Que vous dire de cette ville que je chéris si fortement ?
Peste soit des Oulipiens, de leur liposuccion kilométrique et de leurs jeux cons-cons ! Mon lexique est restreint d'une voyelle rien moins qu'essentielle et c'est bien ennuyeux de devoir l'éviter ! Peut-être est-il plus simple d'énoncer poétiquement, en peu de sons, tout comme le font les poètes nippons, ces lieux qui me séduisent, ces coins de verdure qui me revigorent, ces étendues cernées de logis où l'on peut voir de jeunes mômes juchés sur des bêtes de bois, (cygne, lion, jument très Disney-Poppinsienne , bidet noir ou gris ou beige que, ni hic ni nunc ni oncques l'on n'entendit hennir ou gémir) ou bien grimpés sur des véhicules divers : gros truck rouge de pompier, zinc dénommé « Petit prince », etc ? (Goûtez-vous comme le périph' coupe le poil ici?)
Je commence donc cet énoncé de lieux "indicibles" de Rennes que l'on peut considérer, si on le désire, comme une suite de devinettes (très géocentrées, indeed forcément, beloved Joye !) :
Orphée pétrifié :
Hermès enlève Eurydice
Et court vers l'Enfer
Déesse des nuits
Ton chemin cynégétique
Epuise tes chiens
Un dieu et neuf muses
Se sont perchés sur le toit :
On joue « Othello »
Mère du Seigneur
Reine chérie des Bretons
Ce lieu t'est dédié
(On y vend de vieux bouquins,
Les mômes y tournent en rond)
Les rues sont désertes
Doucement le soleil pointe
Le bout de son nez
Tête découpée,
Victime d'un sculpteur fou
Rue de Coëtquen
Vénus dénudées,
Coloriées pour, nous dit-on,
Trouver nos voitures
(C'est nous supposer ivrognes :
On ne boit que du jus d'fruit !)
Volière importée
Edifice un peu chinois
Chez monsieur Bühler
Ici, sous le kiosque,
Combien de temps, les scottishs ?
Le biniou s'en fout.
Ce Georges Pérec et ses émules, décidément, quels chieurs ce sont (Sévigné) !
P.S. Le titre de ce texte fait référence à celui d'une chanson des Sparks. (On se venge comme on peut des consignes tordues de son voisin du dessus !).