Le canard médecin (Mamido)
Le patient est entré, il est passé rapidement devant moi, en disant : « Brrr, il fait un froid de canard, ici ! »
Puis, il a contourné mon bureau et s’est assis dans mon fauteuil.
« Alors, quoi de neuf, docteur ?! Que puis-je faire pour vous ? Je vous trouve la mine blême et le teint jaune… Mais asseyez-vous, asseyez-vous… Et dites-moi ce qui ne va pas. »
J’ai obtempéré, me percevant soudain comme un vilain petit canard dans mon propre cabinet médical.
L’animal avait l’air si sûr de lui, si à sa place à la mienne que je me suis senti brusquement patraque comme il me l’avait si bien fait remarquer. Et je me suis entendu lui demander, adoptant, dans mon inquiétude, la voix nasillarde du palmipède :
« Que me conseillez-vous, docteur ? »
« Je vous sens surmené. Vous êtes trop sensible à ce que vous disent vos patients à longueur de journée… Laissez glisser, laissez glisser… comme l’eau sur les plumes du canard ! » a-t-il ajouté, en ouvrant large le bec, hilare.
« Vous savez, faut pas vous biler, ce que disent ces gens, la plupart du temps, ça ne casse pas trois pattes à un canard. Allez, rentrez chez vous, installez-vous dans un coin (coin ?) tranquille, pour y lire votre canard préféré. Un bon petit café, un pousse-café, peut-être, rien de tel que de tremper un canard pour vous revigorer et vous faire prendre la vie du bon côté… Demain, il n’y paraitra plus et vous pourrez reprendre le boulot ! »
Là-dessus, il m’a raccompagné jusqu’à la porte, m’a serré la patte et a crié : « Au suivant ! »
Sur le trottoir, je me suis dit que Michel Audiard se gourait en déclarant « qu’un canard* c’est plus con qu’un dauphin, d’accord… mais ça vole ! »
Celui- là était très intelligent et il m’avait piqué ma place.
- J’ai triché avec la réplique de Michel Audiard, extraite du film « Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages », en fait c’est « Un pigeon, c’est plus con qu’un dauphin, etc… » Mais, avouez que « canard », ça allait mieux dans mon histoire, non ?