Le temps (Berthoise)
Si j'avais le temps, je participerais. C'est un peu court, n'est-ce pas ? Mais le temps court, s'enfuit, jamais ne pause. Et moi qui cours après le temps qui court, je ne me pose jamais, c'est ça l'ennui. Si j'avais le temps, je ferais des vers. Je rimaillerais, je béerais aux corneilles, la plume trempée dans l'encre de l'inspiration. Au lieu de ça, je rage, je peste, je bâcle et j'expédie. Et vous voilà les réceptionnaires de peu de mots, alors que j'aimerais vous bercer d'une longue litanie de mots choisis et susurrés. Si j'avais le temps, je vous dirais des mots qui roulent, qui vous remplissent de joie et vous nourrissent comme un festin. Si j'avais le temps, je jouerais, je jouerais avec les mots, je les tournerais dans tous les sens, dans des sens inattendus pour faire sonner l'incongru. Je prendrais des mots jolis, des mots qu'on n'entend guère, juste pour leur faire prendre l'air. Je m'en gorgerais, imbibée comme une éponge de sonorités vibrantes et étonnantes. Si j'avais le temps, encore plus de temps, je les déclamerais, ces mots qui courent dans mes veines, j'en ferais des rubans pour cacher les peines, des faveurs pour orner les chagrins. Si j'avais le temps, je deviendrais poète. Avec le temps, viendrait le talent, peut-être.