Romarin (Vegas sur sarthe)
Un soudain coup de vent venu d'un ciel d'encre aux étoiles éteintes
ouvrit brusquement le gros dictionnaire rescapé du cataclysme.
Hugo souffla sur la relique aux pages noircies de cendres et lut au hasard:
Pa...tri...moine : Ensemble des biens hérités des parents, des biens d'une communauté, d'une collectivité.
Il avait eu du mal à lire après le mot parents, sans doute à cause de cette larme suspendue aux cils et qui brouillait tout.
Alors le vent l'avait séchée avant de tomber, laissant place à ce
calme pesant auquel il s'était pourtant habitué; bien protégé sous un
cône de papier translucide, le petit pot de terre n'avait pas souffert
de la risée et il n'osait regarder de trop près son brin aux feuilles
verdâtres qu'il avait baptisé Romarin, de peur qu'il ne s'étiole rien
qu'en l'observant.
Il l'avait cueilli entre deux grosses pierres de
lave comme on recueille un trésor inestimable dont le parfum entêtant
lui faisait oublier l'odeur acide des vieilles conserves.
Il avait fait le plein des gourdes et calculé qu'il y en aurait assez pour Persil et lui pendant leur long périple.
Du
haut de ses sept ans il contempla l'horizon obscurci, ferma la lourde
porte de bois derrière lui et chargé de son précieux chargement, il prit
la route.
"En route Romarin, on a du boulot"