brûlot (Poupoune)
J’ai brûlé une première bougie en me disant que ça me ferait sûrement penser à l’amour qui a consumé mon cœur jusqu’à n’en laisser plus que des cendres. Ça n’a pas marché, j’ai seulement pensé que ça mettait drôlement longtemps à se consumer, une bougie.
J’ai essayé avec une deuxième, dont un peu de paraffine m’est tombé sur le doigt. Alors j’ai pensé que c’était étonnant que ça ne m’ait pas fait mal et j’ai joué avec les gouttelettes qui coulaient le long de la bougie jusqu’à me brûler. A partir de là, j’ai essentiellement pensé « putain de merde mais quelle conne ». Approximativement.
A la troisième bougie, je me suis souvenue de la question de ma fille deux jours plus tôt, qui me demandait pourquoi il y avait du bleu dans les flammes. J’ai pensé que je n’en savais foutre rien, mais que j’aurais pu lui répondre un truc bête comme « parce que ce sont les fleurs bleues qui brûlent d’amour ».
En allumant la quatrième bougie, j’ai pensé qu’il fallait absolument que je reste bien concentrée sur cette flamme et rien d’autre, pour que ça fasse naître de belles pensées. En la regardant brûler, j’ai pensé qu’il fallait absolument que je reste bien concentrée sur cette flamme et rien d’autre, pour que ça fasse naître de belles pensées.
Je ne vous ferai pas l’énoncé complet des pensées qui m’ont traversé l’esprit pendant la combustion des bougies 5 à 9, sachez simplement que la plus con était « tiens, mon frigo respire comme un ogre » et la plus profonde… non, oublions la plus profonde. Autant que vous puissiez croire que je suis effectivement capable de profondeur.
A la dixième, j’ai pensé que j’avais un sacré stock de bougies. Il faut dire qu’outre les « restes » traditionnels de l’anniversaire pas rond qui ne tombe pas sur un multiple de nombre de bougies dans une boîte, j’avais également un paquet neuf de bougies « princesses », acheté sans doute en trop lors des dernières festivités pour ma descendance. J’ai pensé aussi qu’il faudrait donc que j’en rachète pour son prochain anniversaire.
L’atmosphère commençait à devenir un peu étouffante. La fumée s’élevait, en volutes que je devinais élégantes à la faible lueur de mes bougies, mais mes pensées toujours pas.
J’ai fini par tricher en allumant deux bougies à la fois et j’ai essentiellement passé le temps qu’elles ont mis à fondre à me demander laquelle s’éteindrait la première. Mon incapacité absolue et très inattendue à me sentir inspirée par ces saloperies de flammes a commencé à me miner un peu.
Pour finir, il ne m’est venu aucune pensée digne de vous être donnée à lire ce soir. Aussi ai-je décidé, puisque je n’ai plus de bougies, mais qu’il me reste des allumettes, de m’immoler par le feu et d’essayer de vous envoyer mes pensées de l’au-delà.
Si ça marche, la prochaine fois, brûlez un cierge.