au train où vont les choses… (Poupoune)
C’est pitié d’voir ces rails à l’abandon. Vrai, ça m’crève le cœur… j’suis pas réfractaire au progrès, hein, faut pas croire, mais quand même, une bonne vieille micheline, ça t’avait une autre allure que leurs foutus TGV qu’on sait même pas par où ils passent vu qu’on n’en a jamais vu un par ici… Non, sûr, c’est plus pareil. Et puis avant, on a beau dire, le métier tenait un peu de l’art, de la science même… Fallait pas s’louper ! Déjà il en passait pas tous les quarts d’heures, des trains, alors fallait bien choisir son moment. Et puis c’était pas l’tout : fallait encore positionner, surveiller… Non, parce que si tu faisais pas gaffe, tu pouvais te r’trouver à courir après ton paquet sur des kilomètres sans qu’il s’passe rien ! Si t’avais la chance de l’récupérer, t’avais plus qu’à tout recommencer, mais sinon t’avais gagné des semaines de planque en attendant qu’ça s’tasse. Non, y a pas à dire, c’était autrement plus compliqué… et puis au moins t’avais le plaisir du travail bien fait, quand une fois ficelée et positionnée soigneusement sur les rails ton affaire se réglait bien comme il faut… On était des artisans, de mon temps ! Alors que de nos jours, ils se posent plus de questions : un gus qui prend un TGV dans la gueule, tu peux l’retrouver répandu sur des kilomètres, mais vivant, jamais, aucun risque ! Non, c’est sûr, ça dévalorise le métier…