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Le défi du samedi
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17 avril 2010

selles de crime (Poupoune)

Contrairement à d’habitude, les curieux ne semblaient pas vouloir plus que ça saloper la scène de crime pour voir le macchabée. Et par « curieux », je veux aussi bien dire les badauds et le voisinage que toute la ribambelle d’agents et officiels de tous poils qui ne manquent jamais de venir coller leurs empreintes de pieds et leurs cendres de cigarettes partout, quand c’est pas pire… A l’heure des tests ADN, des fichiers automatisés d’empreintes et des analyses infaillibles de poils de cul et crottes de nez, on croit qu’une enquête se résume à ramasser de la poussière sur les scènes de crime, la mettre dans des tubes à essai et tapoter sur un ordinateur, mais on oublie toujours qu’avant tout sur une scène de crime, y a des gens qu’ont rien à y faire. Bien souvent, le temps que les gars du labo fassent le tri et arrivent à isoler les saloperies qui éventuellement pourraient être en lien avec le crime et pas avec les pollueurs de passage, l’enquête est bouclée. Un jour, comme ça, croyez-moi si vous voulez, il a été retrouvé sur une scène de crime de « la matière fécale », comme ils disent, qui appartenait, tenez-vous bien, à l’épouse du premier inspecteur arrivé sur les lieux. Et elle a été très vite innocentée. Elle avait simplement laissé traîner par mégarde un peu de merde sur son mari qui l’avait malencontreusement déposée près d’un cadavre. Allez comprendre…
Mais là, pas d’agitation à proximité des rubans, pas de foule qui passait et repassait dessous et tout le monde se tenait bien sagement à l’écart. Assez inédit. Une bonne surprise. J’ai senti en approchant que ce serait sans doute la seule. Je l’ai vraiment senti, au sens propre. Ça ne sent jamais bon, un cadavre, sauf exception – comme cette fois où le corps avait été camouflé sous des pétales de roses tout frais, camouflage pour le moins saugrenu et surtout raté au fond d’une ruelle pavée – mais là l’odeur était particulièrement âcre et agressive. Et on était encore relativement loin du corps – on ne l’avait même pas encore en visuel. Je suis allée vers l’agent qui semblait surveiller l’entrée, tout en snifant du baume du tigre par pur snobisme. Il était d’usage d’avoir une quelconque solution mentholée dans les poches pour qui bossait en contact fréquent avec la mort, mais le baume du tigre, c’était juste pour me la péter un peu. J’en avais ramené un stock d’un voyage en Thaïlande des années plus tôt, mais je me contentais de le sniffer alors mon stock était intact et les gens pensaient que j’arrêtais pas de voyager en Asie… ou chez les frères Tang.
J’ai demandé à l’agent – qui s’était carrément rempli les narines de coton imbibé de menthol – de me briefer rapidement avant d’entrer :
- Ben… c’est assez… euh… enfin…
- Oui ?
- Cradingue.
- Ah ?
- Oui.
- Mort depuis longtemps ?
- Ben c’est dur à dire, en fait j’ai pas bien vu le corps et…
- Ouais mais bon, à l’odeur…
- Oui, alors en fait, l’odeur…
- Quoi ?
- Ben quelqu’un a… euh… déféqué, en quelque sorte.
- « déféqué en quelque sorte » ?
- Voilà.
- Où ça ?
- Ah, ben… sur la scène de crime.
- Quelqu’un a fait caca ?
- Voilà.
- Rassurez-moi : quelqu’un qui n’a rien à voir avec la police ?
- Ah non ! Quelqu’un qu’a fait avant qu’on arrive !
- Ah…
- Oui.
- Bon. Rien d’autre ?
- Comme ? Pipi ?
- Ou comme « le corps a été découvert par untel », ou « le légiste a été appelé » ou des trucs comme on dit quand on découvre un corps, voyez le genre ?
- Ah oui, pardon… alors personne a découvert le corps, en fait, on a été appelés à cause de l’odeur… et je me renseigne pour le légiste.
- Bien… merci.
J’ai passé les rubans pour accéder à la scène de crime proprement dite. Je me suis refait une sniffette de baume du tigre, ça refoulait vraiment sévère… et effectivement, ça sentait la merde plus que la mort. Maintenant je me rendais bien compte. J’ai poussé la porte…
Quelle chierie ! De la merde par-tout ! Du sol au plafond, étalée sur les murs, en tas de-ci de-là et en quantité autour, sur et sous le corps. Au moins on aurait de l’ADN et probablement une idée assez précise de tout ce que le chieur aurait mangé ces… combien ? huit ? dix ? quinze derniers jours ? En tout cas, notre assassin avait une sacrée chiasse. Ou alors il avait préparé longuement sa mise en scène… à moins qu’on ait affaire à toute une bande de tueurs chiatiques. Le légiste, en arrivant pendant que je replongeais le nez dans mon baume du tigre, a très bien résumé le fond de ma pensée :
- Et ben… on n’est pas dans la merde !
J’ai commencé à ricaner bêtement et je comptais répondre par une réplique au moins aussi fine, mais quelque chose m’a attiré l’œil et mon bon mot est resté à l’état de bonne intention. Un coup d’œil au légiste a confirmé que j’avais bien vu ce que je croyais avoir vu. Son expression s’était figée entre le sourire et l’étonnement.
- Il est… ?
- Ouais.
Notre cadavre respirait.
Perspicace, l’agent qui avait alerté la Crim’ et le légiste. J’ai sorti mon téléphone pour appeler l’ambulance en invitant d’un geste le légiste à s’approcher du merdeux. Après tout, c’était lui le médecin, hein. Je me suis approchée aussi, il fallait bien le questionner s’il était conscient, et il a semblé se réveiller… je lui ai demandé ce qui s’était passé et il a répondu :
- Y a plus de papier.
Une affaire vite torchée, en somme.

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Commentaires
T
Ben merdre alors quelle chute:-) En tout cas bravo Poupoune
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C
Terrible la chute. Heureusement que je n'ai pas lu l'histoire à voix haute, mes toilettes en auraient fait des cauchemars... ;-)
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W
On a du mal à ouvrir, dit le flic de garde, la matière fait cale !
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P
Quelle montée en puissance. Votre écriture est de celles qui retiennent captif. Bravo, Poupoune.
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K
Du grand art !
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Z
en même temps que je vous lisais jee cherchais à me souvenir où j'ai rangé mon pot de baume du tigre . poupoune vous voilà une fois de plus en odeur de sainteté parmi nous !
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O
... ben merde alors !
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T
! sort de ce corps Patrick Süskind !<br /> Poupoune où "Le parfum de la dame en noir" version Grands détectives, c'est chié !
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C
Un vivant chez Poupoune ! Bon, d'accord, vivant mais... :-)<br /> (ah Monk devant une telle scène de crime...)
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V
fort heureusement tu n'envoies pas le scénario à monk .Avec sa névrose obsessionnelle il ne pourra pas jouer la scène . <br /> <br /> mais tu suis ton bonhomme de chemin je te souhaite de marcher dans la merde ça te portera bonheur
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A
bien écrit, drôle, amusant et ... euh... on s'y croirait ;-)
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J
Manque de pot !<br /> <br /> ;-D
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