Haïti mon ami (Venise)
J’étais devenu une infirmité mortifiante, sous les gravats du monde.
Je n’arrivais plus à me représenter un oiseau, l’air marin de ma plage
Et le visage de ma mère.
Une mélancolie heureuse montait de la poussière de l’école qui s’était écrasée
Sous ma peau. L’heure était-elle matinale depuis le bruit assourdissant de la terre
De ma terre haïtienne qui tremblait encore sous mon corps gisant.
Je pensais que toutes les montagnes avaient douté de nous.
Je regardais dans cette obscurité mes pieds écrasés par les poutres du plafond de ma classe
Je soupirais à fendre l’âme, quand une MAIN effleura mes cheveux.
Je n’existais plus et soudain cette main m’appelait à la vie.
Je luttais contre une terrible envie de dormir, mais je saisis cette main gravée dans ma rétine. Voilà, pensais-je, à quoi mènent les études à être enterré vivant jusqu’à ce qu’une main grosse comme la silhouette d’un moineau vous tire d’affaire.
Cette main d’une pompier étrangère faisait le pont entre deux mondes.
Une main libre et fourbue et la mienne rongée par le désespoir au cœur d’un monde qui m’appelait à vivre et qui me criait courage.