Tarentelle pour un massacre (Tiphaine)
La première fois que je suis morte, j'avais
9 ans.
J'ai vu partir mon père, j'ai cru qu'il ne reviendrait
jamais.
J'ai vu partir ma mère, j'ai cru qu'elle ne reviendrait
jamais.
J'ai vu couler mon sang entre mes jambes, pour la première
fois.
Je suis morte bêtement : il paraît que j'étais devenue une
femme.
"Elle a vécu, mytho, la jeune tarentule."
La seconde fois que je suis morte, j'avais 18 ans.
J'ai quitté le
village pour la grande ville, j'ai cru que j'y trouverais la gloire.
J'ai quitté mes parents pour mes amants, j'ai cru que j'y trouverais
l'amour.
J'ai quitté mes illusions pour celles des autres, pour la
première fois.
Je suis morte fièrement : il paraît que j'étais devenue
une adulte.
"Elle avait cul, minot, la jeune tarentule."
La troisième fois que je suis morte, j'avais 27 ans.
J'ai vu
partir mes rêves, j'ai cru devoir les enterrer.
J'ai vu partir mes
amours, j'ai cru devoir en souffrir.
J'ai vu mentir les mots, pour la
première fois.
Je suis morte en hurlant : il paraît que j'étais devenue
une femme.
"Elle a vécu, miro, la jeune tarentule."
La dernière fois que je suis morte, j'avais 36 ans.
J'ai quitté mes
carapaces, déposé mon manteau au vestiaire.
J'ai quitté mon métier,
déposé plainte pour non assistance à personne en danger.
J'ai quitté
mon passé, déposé les armes pour la première fois.
Je suis morte en
riant : il paraît que je suis devenue moi-même.
"Elle a vaincu,
mille eaux, la jeune tarentule."