Toutes les nuits (Val)
Je dors avec elle toutes les nuits. Même son mari n’a pas ce privilège. Chaque soir, c’est le même rituel : elle s’étend sur moi, se blottit tout près, tout près, m’entoure de ses deux bras nus, et sa joue vient se coller à mon corps.
Je suis le compagnon de toutes ses nuits. Ou presque. Elle m’a choisi imposant exprès, mes dimensions la rassurent. Elle dort nue, et j’épouse à chaque fois sa poitrine à la perfection, sans la sangler… je suis si doux…
Je suis le garant de l’équilibre de ses nuits. Quand elle est triste, elle me sert fort jusqu’à me déformer, et j’absorbe ses larmes en silence. Je respecte son chagrin, j’en bois les perles salées sans rien dire. C’est un pacte de retenue et de pudeur, que l’on a signé.
Je suis le spectateur impuissant de ses rages et de ses insomnies. En ami bienveillant et compréhensif. Je la laisse me malmener autant qu’elle en éprouve le besoin, me pincer un peu, me mordre parfois, me secouer souvent, me jeter avec fureur. J’aime autant qu’elle passe ses nerfs sur moi, je ne crains rien, je suis habitué. Tout lui est pardonné.
Je suis un voyeur discret et muet, le plus fidèle auditeur de ses soupirs de plaisir. Je suis un jaloux, je l’aime farouchement, et j’en tire une satisfaction orgueilleuse, je l’avoue, lorsque c’est moi plutôt que Lui qu’elle agrippe, dans l’abandon de ces moments-là…
Je suis un peu elle. Mes sens ne sont éveillés que pour elle. Je suis imbibé de tous ses parfums. Je connais l’odeur légère de son shampoing, celle, plus forte, de son eau de toilette, le parfum un peu passé de son déodorant, celui, plus discret, de sa crème de nuit. Je connais le goût de ses larmes, celui de sa sueur, le souffle de son haleine.
Je mesure la qualité de son sommeil au rythme de sa respiration, et les battements de son cœur, qui résonnent en mon intérieur, me disent si elle est bien ou non.
Je suis son docteur. Elle me fait toute confiance. Elle jure que je suis son meilleur remède contre la migraine, elle ne m’échangera pas.
Oh, parfois elle m’est infidèle. Elle découche à l’occasion. Si le séjour est court elle ne m’emmène pas. Qu’importe, je ne suis pas inquiet, elle revient toujours. Et puis, avec les autres, ce n’est pas pareil, ils ne partagent pas la même intimité, ils ne la connaissent qu’en surface. J’ai vu comment elle faisait… ailleurs, elle dort vêtue. Il n’y a que sur moi qu’elle s’endort nue. Je suis son préféré, je l’ai toujours su.
Non, je ne suis pas un vulgaire objet. J’ai un cœur… même s’il est en plumes d’oie.