Consigne 65 (Stipe)
Au
moment où le réveil a sonné, j'ai regretté d'avoir accepté ce voyage. Faut dire
aussi que présenté comme ça l'était, je ne me suis pas vraiment posé la
réponse.
Ils
m'ont proposé la chaise électrique ou ça. Encore, ils m'auraient proposé le
fauteuil capitonné électrique, je dis pas que j'aurais pas poussé un peu la
réflexion. Mais là non, on est mal assis, on vous fout un chapeau ridicule puis
on vous regarde vomir la cervelle par les oreilles. J'ai donc opté pour le
choix n°2, cobaye d'une expérience dont la teneur ne me serait révélée que plus
tard. Une fois que j'aurais fait ce choix, par exemple…
Bon,
je sentais bien se profiler l'entourloupe et je me doutais qu'on n'allait pas
me demander d'aller regarder péter les poulpes ni de tester si le noir est
soluble dans le ricard. Vu que je ne suis pas noir.
On
m'a expliqué que je serai le premier à fouler le sol d'une planète hyper
éloignée. Ah par exemple, rien que ça !
On a
pris mes mesures et sur elles on m'a confectionné une combinaison en peau de titane.
Avec un chapeau ridicule. Puis on m'a expliqué que d'après des analyses
réalisées en soufflerie sur Wikipedia, cette planète semblait présenter des
conditions de mort proche de la nôtre.
J'ai
suivi un entraînement bidon pendant au moins plusieurs minutes puis le réveil a
sonné mon glas.
Ils
m'ont enfilé la combi de trucnaute, m'ont vissé le casque sur la tête tout en
m'expliquant enfin ma mission, vu que toutefois je l'avais acceptée.
Je
devais me poser sur la planète, faire quelques photos souvenirs, prélever des
échantillons du parterre et me barrer. Ils m'ont avoué qu'ils n'étaient pas
sûrs que ma fusée soit capable d'assurer les quelques siècles-lumière que
compte l'aller-retour. Puis ils m'ont chanté l'hymne et m'ont conduit à mon
véhicule.
Dès
le début du voyage, j'ai déconnecté tout ce qui était susceptible de me donner
la notion du temps. J'ai aussi débranché la radio qui m'assurait le contact
avec la base.
J'ai
dormi des tonnes de fois. Je serais bien incapable de dire combien de temps a
duré le voyage, mais au bout de la dernière nuit j'ai commencé à apercevoir la
planète par le hublot. Ils avaient été sympas de ne pas me prendre une place
côté couloir.
Je me
suis posé quelque part. J'ai ouvert la portière de ma fusée et ai posé le pied
au sol. Dans une merde. Un petit pas pour l'homme, un grand pas d'au moins un
mètre.
Le
temps que je m'essuie la chaussure et que je prélève quelques photos du sol, et
on m'avait piqué la fusée.
Puis
un bonhomme en bleu s'approcha de moi et me demanda de lui présenter mes
papiers.
J'avais
donc pris double perpète, j'étais condamné à vie et ma sentence était sans
rappel : j'allais passer le restant de ma mort à vivre sur Terre.