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Le défi du samedi
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27 mai 2009

(Berthoise)

C'est l'histoire d'une attente.

Je t'attends, mon amour.

C'est l'histoire d'une attente qui se termine bien. Une histoire du quotidien. C'est l'histoire d'une angoisse. 

Je t'attends, mon amour. 

Dans la nuit. L'automne, il fait vite nuit. Tu sais bien que l'automne me pèse. Que la nuit m'est pénible. En automne. C'est la nuit. Je suis dans la cuisine. Je marche dans la cuisine. Je fais les cents pas. J'attends. J'attends ton retour, mon amour. J'ai préparé le dîner. J'ai dressé le couvert. Les enfants ont mangé. Je les ai baignés. Je les ai bercés, embrassés, couchés.

« Papa viendra quand il rentrera. »

J'attends. J'attends dans la cuisine ton retour. Je guette par la fenêtre. J'ai coupé la radio, l'égrènement des heures m'était insupportable. Savoir qu'il est vingt heures et que tu n'es pas là me ronge de l'intérieur. Je vais dans le couloir, je rejoins le bureau, je me plante devant la fenêtre du bureau et je regarde la nuit. Rien. Le passage des phares éclaire succinctement la route. Les arbres à la lumière des réverbères prennent des allures inquiétantes. Leurs branches dénudées agrippent l'obscurité. Je t'attends. J'ai pensé que tu avais du travail, beaucoup de travail. J'ai pensé c'est la pluie, quand il pleut, on va moins vite. Je t'attends. J'ai pensé qu'à cause de la pluie, il y a des accidents. Je t'attends. J'ai pensé...non, je ne l'ai pas pensé. J'attends.

Il est tard maintenant. Je regarde le réveil qui me dit qu'il est tard. Depuis longtemps déjà, j'attends ton retour, mon amour. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas possible, ces idées qui me traversent l'esprit. Des idées tristes et sombres comme la nuit. On ne s'est pas disputés. Tu ne vas pas me quitter. Rien ne laisse présager une rupture soudaine. J'attends.

Je ne veux pas penser à cette idée terrible de grand choc, d'hôpital. Je n'y ai pas pensé. 

Il n'y a plus de voitures qui passent maintenant sur la route. Seul le vent anime la nuit. Je guette par la fenêtre en marchant. J'arpente le couloir. Je passe de la cuisine au bureau, je regarde la nuit et repars d'où je viens. Je pense à notre vie. Nos habitudes, nos plaisirs, aux tics qui nous agacent, à cette façon que tu as parfois de ne pas répondre. Je t'attends. J'ai essayé de prendre un livre, de l'ouvrir, de suivre des yeux les mots. Rien. Tout mon corps est tendu vers la nuit où tu es, où tu vas, où tu viendras vers moi. J'attends ton retour mon amour.

Plus tôt, j'ai ouvert le portail. Pour t'accueillir. Pour gagner du temps. Je guette par la fenêtre.

J'entends. J'entends le bruit de ta voiture. Je sais que c'est toi. Je vois les feux qui s'avancent . J'entends le crissement des graviers dans l'allée. Ton pas lourd dans l'escalier. Je suis debout dans la cuisine. Je regarde la porte. Je te vois.

À travers la vitre, tu souffles, tu t'ébroues puis me souris. Tu ouvres la porte et me serres dans tes bras. Je pleure. Tu me serres contre toi. Dans ton vêtement mouillé par la pluie de la nuit, je verse toutes les larmes de mon attente. J'entends ton cœur qui bat. Je me serre contre toi. Après un long moment de silence où tu me caresses les cheveux, tu t'écartes en souriant.

« Bonjour mon amour. »

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Commentaires
J
Je viens justement de lire "Irish hotel" de William Irish. La première nouvelle est sur le même thème, en bien plus noir. Un peu angoissantes, ces musiques, on dirait, non ?<br /> Très belle écriture ici en tout cas. Classe.
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C
Très prenant. Et musical : on entend le vent, la pluie, les phares, le coeur...
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T
Super! J'ai eu peur jusqu'à la fin... Ouf! Il revient... Ton texte est magnifique Berthoise!
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J
C'est vraiment magnifique et tres bien ecrit.<br /> Bravo Berthoise.
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Z
très beau texte <br /> cette répétition qui rythme j'aurais vu le deuxième morceau il a un aspect angoissant au milieu et le premier à la fin<br /> attente "universelle"de ceux qui aiment et s'inquiètent. j'ai vécu la même
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C
C'est un texte magnifique !<br /> Ce "je t'attends mon amour" qui revient comme une plainte, comme une angoisse ou comme un espoir, au fil du temps
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B
Bonsoir, c'est la première musique qui m'a inspiré ce texte, Papistache, vous avez trouvé.<br /> Je vois en vous lisant que cette attente est universelle comme le dit Valérie.<br /> Merci à tous pour vos com'.
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B
Qui n'a pas connu cette attente puis cette angoisse !! c'est exactement ça Berthoise.. bravo !
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P
Comme MAP j'ai attendu et frémi. J'ai attendu un amour femme évidemment...
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P
Extraordinaire, vraiment.
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P
Toujours aussi peu doué pour deviner le morceau qui a suggéré cette angoisse qui monte, je tente "My heart is so loud."<br /> Peu importe. C'est bien rendu. Je suis le premier "garçon" a commenter, moi aussi je me retrouve, j'ai vécu ces moments d'attente où peu à peu la raison s'affole sans que rien ne puisse l'apaiser.<br /> Vous vous ficheriez le cafard, Berthoise.<br /> Et si pour me venger, je ne publiais les billets de demain qu'à 17 h 02 ? ou 17 h 05 ? ou 18 h 02 ? ou 19 h 02 ? voire 23 h 00 ?
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V
Ton texte me sonne comme un coup de poing tant il est beau et proche de ce que j'aurais dû faire : rentrer, et dire je t'aime.
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V
Oh, Berthoise, je l'ai vécu mille fois, ce scénario. C'est très très réaliste et très bien raconté, je m'y revois. <br /> Alors comme ça, je ne serais pas la seule? Peut-être même que cette attente stressante est universelle? <br /> Merci, Berthoise!
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M
Je crois que j'ai attendu et frémi en même temps que toi Berthoise tellement je suivais ton récit !!! Un grand Bravo !!!
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J
Excellentissime, pour tant de raisons, mais j'en relève une seule : les répétitions dans ton texte sont comme celles d'une musique. Terrible refrain : je t'attends.<br /> <br /> Bravo, bravo, bravo, bravo !!!
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