es gestionnaires.... et vous la blouse vous la portez comment ? (Rsylvie)
Mr René Boirel Mme Katia Laipouls-Scière
Résident Aide-soignante de jour
Pour toujours Au Service du samedidefi@hotmail.fr
au Val Fleuri à la Résidence des Écureuils
61100 St Georges des Groseillers 28*** Berdoncière
Chambre arc-en-ciel,
Vendredi 22 mai 2009
Mademoiselle qui “Tentait d'esquisser le portrait d'une inconnue.”,
Vous êtes bien de ces personne qui veulent tout savoir et tout gérer de
la vie des autres, sous prétexte que vous portez une blouse blanche. Je
hais les blouses blanches. Et, si ma chère Katia ne vous accordait que
peu d’intérêt, c’est parce qu’elle aussi détestait les blouses de
quelle couleur que ce soit !
Elève au collège privé Notre Dame de Flers, il fallait aux jeunes filles de la bonne société flérienne porter, non plus l’uniforme de l’ancienne époque mais, une blouse de nylon beige pour ceux qui suivaient la filière technique ou en coton blanc, pour ceux qui suivaient la voix de l’enseignement général. Comprenez-vous le sentiment d’injustice et de rancœur en vers cette distinction de rang, due à la qualité d’un tissus, et surtout sa couleur ?
Le blanc qui représentait la pureté, la virginité, l’innocence, la loyauté, la beauté, la fierté….. Et le beige qui semblait une blouse mal entretenue, mal lavée, donc l’incapacité, l’ignorance, le mépris…D’où un refus quasi permanent de la porter. Et surtout de respecter le règlement qui demandait qu’elle soit fermée en permanence. Afin de ne pas inciter la frivolité de tenues extravagantes. Ou les regards trop insistants, sur une poitrine qui se dessine à peine. « Petits seins fiers et délicats qu’elle avait, d’ailleurs ».
Imaginez-vous l’été, sous une chaleur dépassant largement les 30°c… « oui, oui, petite demoiselle, à notre époque il y avait encore des saisons, bien marquées ». Alors, quand la température devenait trop chaude et étouffante, à peine était –il toléré de déboutonner le 1er bouton de la blouse. Qui, quand elle était en nylon, collait aux bras dénudés. « Qu’elle avait fort beaux d’ailleurs » !
Diplôme en poche « qu’elle a obtenu brillamment avec une mention TB, d’ailleurs » ! est venue, l’époque de chercher un travail. « Qu’elle n’eut pas de difficulté à trouver très bonne élève qu’elle avait été, d’ailleurs ». Rapidement elle fut embauchée à un poste de secrétaire dans une de nos grandes entreprises de Lille. C’est ainsi qu’une fois de plus, elle qui ne supportait l’injustice des préjugés, a connu l’époque des cols blancs et des cols bleus. Des dirigeants et des subissants. Des patrons, tout de chemises blanches guindés et des ouvriers, de bleus de travail costumés et le corps meurtri !
Bien sur, dans les bureaux l’on ne portait plus de blouse, mais d’horribles manches noires ou bleu nuit qu’il fallait superposer à celles d’un délicat chemisier de dentelles de Calais. Afin de ne pas les abîmer à force de les frotter sur le bois ciré d’un vieux bureau en chêne.
Elle a dû en passer des heures dans cette usine de montage de pneumatiques. Secrétaire sérieuse, elle a dû gravir les échelons de la hiérarchie pour…. Disparaître de ma vie, moi qui n’était qu’un p’tit ouvrier de bas étage. Alors quand il a fallu choisir entre le travail à l’usine et mon père bien avancé en âge, qui ne pouvait plus entretenir la petite exploitation familiale. Le choix a vite été fait. Je suis parti retrouver les miens à la ferme et nous ne nous sommes plus revus.
Je sais, je sais… « d’ailleurs je vous entends petite impertinente, toute de blanc vêtue »,
Oui, j’aurais dû lui parler de mes sentiments pour elle. Lui conter mes soirées à imaginer mes mains dans ses cheveux, ma bouche sur la sienne, mes bras autour de sa taille « qu’elle avait très fine d’ailleurs », de mes rêves les plus fous.. Mais je ne l’ai pas fait, j’avais trop peur qu’elle ne veuille de moi, simple paysan !
94 ans dites-vous ? Je ne connaissais même pas son âge. 3 ans de plus que moi, « qu’elle ne faisait pas d’ailleurs ».Allé petite demoiselle, tout compte fait, vous m’êtes sympathique. Ces souvenirs d’un passé bien lointain, m’ont permis d’oublier le temps d’un court instant la monotonie de ma vie de vieillard, las et courbaturé par le travail. Je suis usé et bien fatigué de tous ces hectares labourés. J’attends que vienne mon heure.
En fait, j’attendais sans trop savoir pourquoi, avec une certaine appréhension de l’inconnu.
Et bien maintenant, depuis la lecture de votre lettre par Mademoiselle Nathalie, une de nos gentilles blouses vertes, « couleur qui va mieux au teint que le blanc, d’ailleurs », qui m’a aidé à rédiger cette lettre. Je suis heureux de cet instant où mon heure sonnera. Car c’est sur, l’on ne peut se manquer une deuxième fois.
René Boirel
Vôtre obligé