Mireille et Mathilde (captaine Lili)
Gourdon, mardi 19 mai
Madame,
Votre lettre m’a trouvé alors que je venais mettre en ordre les affaires de ma mère. Je dois mettre en vente sa maison. La maison de mon enfance.
Ma mère est morte le 8 mai 2009. Agée de 94 ans. La coïncidence vous trouble-t-elle ? Mais je n’étais pas seul à l’enterrement… nous étions cinq. Avec moi, ma femme et nos deux adorables jumelles, un très vieil homme que je ne connaissais pas. Il m’a dit être inspecteur, devenu ami – caché – de ma mère au fil d’une longue enquête jamais résolue. J’ignore jusqu’où ont été les liens entre cet homme et ma mère, mais courbé devant la tombe fraiche il semblait avoir perdu un immense pan de sa vie.
Vous devez vous impatienter et vous demandez pourquoi je vous raconte tout ceci. Celle dont vous avez pris soin, c’est Mireille Icks. Pas Mathilde Germaine, ma mère, dont je sais si peu de choses. Le très vieil homme n’a pas voulu me raconter de quelle enquête il s’agissait. Il m’a seulement dit qu’elle était son échec, et qu’il fallait que je reprenne les choses à zéro, qu’ainsi, non influencé par ce qu’il avait cru trouver et ce qu’il avait manqué, je verrai peut-être d’autres pistes. D’autres pistes pour quoi, mystère ! Je ne sais pas ce que je cherche. Ma mère était-elle soupçonnée ? Ma mère était-elle victime ?
J’ai trié la maison. Ouvert les placards, les tiroirs. Tous ceux que je n’ouvrais plus depuis longtemps. Et ceux que je n’avais jamais ouverts. Je n’ai jamais osé fouiller du vivant de ma mère malgré toutes mes questions sur ses origines. Nos origines. J’ignore tout de la famille de ma mère. Mon père est moins qu’un fantôme. La seule réponse de ma mère était le silence, larmes dans les yeux et mâchoire crispée.
J’ai trié la maison et trouvé des carnets. Ma mère y écrit à une sœur jumelle qu’elle appelle Mireille.
Auriez-vous l’obligeance de me partager vos découvertes ? Peut-être y aura-t-il parmi toutes ces adresses celle qui fait le lien entre leurs destinées ? Accepteriez-vous de me rencontrer ?
Bien cordialement,
Olivier Caplin
Ci-joint ma carte avec toutes mes coordonnées. Je vous en prie, j’aimerais tellement en savoir plus… Votre madame Mireille ressemblait-elle à Mathilde Germaine, ma mère ?