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Le défi du samedi
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18 avril 2009

Les patauds ivres (tiniak)

Des frugalités s’ajoutant les unes aux autres avaient fini par constituer notre copieux repas. Leurs reliquats nous encombraient le bout des doigts qui les titillaient compulsivement sans plus d’appétit, vraiment pas. Les fromages et les saucissons eux-mêmes ne prétextaient plus que nos verres fussent encore si bien remplis. Car nous ne buvions plus qu’aux fins de parfumer notre haleine bavarde, l’estomac bien assis, l’œil pétillant, une gauche mollesse au coude nonchalant.

 

Nous étions parvenus à ce moment du soir, qui se fait des manières d’alcôve, de boudoir, dans le frustre éclairage écharpé des bougeoirs, et prête aux confidences, aux délires, ou à certain espoir.

 

Et l’océan grognait, pas loin, au bout du long quai des clampins.

 

- Tu restes au rouge ?

- Ah, ça ! Je ne m’explique d’ailleurs pas que tes penchants anarchistes ne te portent davantage à certain intégrisme en la matière : le rouge, c’est notre affaire, à nous, les réfractaires !

- Ben, j’en bois, hein. Mais ça m’assomme.

- Attends ! Le blanc, sérieux, ça rend fou. C’est laid comme un col blanc, un blanc-seing, une vierge, même une belle…

- … Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelle… oui, oui.

- Ah, ne commence pas à me railler. J’ai écrit ça comme on chie un bon coup, voilà tout.

- Le saucisson.

- Pardon ?

- C’est le saucisson qui m’a converti au blanc.

- Ah… bon.

- Rouge alors ?

- Allez, verse !... "potache doué pour le canular", tu dis ?

- C’est ce qu’on a dit.

- Ouais… ça me va. C’est mieux que "génie adolescent", en tout cas (il s’esclaffe). Et de Paul ?

- Ah, Paul, c’est autre chose. Le privilège de l’âge, peut-être (nous gloussons) ?

(il s’étire) Ben, tu vois… il me plaît bien moi, ton sous-marin-sous-les-toits. Il a quelque chose qui me ressemble, non ?

- C’est pas un bateau, c’est un sous-marin !

- Oui, mais son capitaine lui aussi est ivre ; lui au moins (nous repartons à rire).

- La mer, c’est le large. C’est l’avantage.

- Ah oui ? Toi aussi t’as baisé ta mère en rêve ?

- Bwaah, t’es vraiment trop con, des fois (nous pouffons).

- Sans rire, t’y es passé aussi, non ? sur la mer dont le sanglot faisait mon roulis doux

- Oui, je me souviens d’un rêve étrange, mais pas pénétrant, en fin de compte.

- Riquiqui (il sourit) ?

- C’est ça, riquiqui (je souris).

- L’amère…

- Hein ?

- Non, je disais : l’amer-tume…

- Ah.

- Il en sue un peu dans tes vers, c’est ça qui colle bien avec ton optimisme aveugle et chimérique… et bordélique (il glousse) !

- Ouais, un vrai bordel aqueux (je glousse) ! Mais là, tu fais autrement plus bordélique que moi, quand même.

- Quoi ! La morale et la langue (…) réduites à leur plus simple expression, mon credo.

- On avait dit pas de gros mots (nous gloussons) !

 

Vint l’heure de s’aérer.

Comme lui bon marcheur, je le raccompagnais en faisant maints détours. Avec lui qui voyait très franchement une mosquée à la place d’une usine, une école de tambours faite par des anges, des calèches sur les routes du ciel, un salon au fond d’un lac, la nuit qui désertifie les bourgades, peupla de monstres et de mystères la petite ville portuaire où nous étions convenus de nous retrouver chaque fois que se ferait sentir le besoin de se faire voyant, par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens.

 

Avant de le quitter, de le rendre à son ombre, j’ai lassé sa chaussure.

- Eh ben, avec ce que tu tiens, à ton arrivée, pour sûr, tu vas te faire appeler Arthur.

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Commentaires
T
tiniak+virgibri+tiphaine à la colle ?<br /> ça va 'core jaser dans l'coin.
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V
J'adhère j'adhère à ce que vous dites, Tiphaine et Tiniak ! ;-)
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T
y en a pas deux que j'aurais plus souhaité avoir à la file venant commenter ce texte, en en faisant, si sobrement, amicalement, le plus exhaustif procès d'intention.<br /> <br /> merci les deux J.<br /> (prononcer : lé2djè-poïnte)<br /> ;o)))
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J
Total foutrac... et c'est bien. :)
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J
Sous-marin sous les combles ou pas, il n'y a que Tiniak pour tutoyer ainsi les étoiles.
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T
Allez, je peux bien mettre un s de plus à donnerai, il est peu probable que je passe un pacte avec le diable...
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T
ça va mieux, oui, merci !<br /> Le plus souvent, je ne suis pas "prof de français", mais quand je lis un texte comme le tien, je ne peux pas m'empêcher de l'être un peu, et ce n'était absolument pas une critique cachée. Ma formation, que je ne peux pas renier, m'oblige à remarquer tes allusions, tes clins d'œil et tes jeux avec les mots. Je m'en réjouis plutôt que de m'en plaindre, et je n'en tire aucune fierté particulière. Si j'ai indiqué que j'étais prof ce n'est pas dans l'idée perverse de te rabaisser, ce n'est pas mon style et je suis bien plus directe quand je n'aime pas, mais pour essayer de dire que ma lecture était forcément déformée. Je préfère les lectures "naïves", qui laissent l'émotion libre et, tu as raison, c'est ainsi dans ce lieu, pour notre plus grand bonheur.<br /> Je donnerai cher pour retrouver l'esprit de mes lectures d'enfant...
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T
pour ce qui est de l'amertume, je la consomme volontiers en confiture.<br /> <br /> lignée littéraire, oui oui.<br /> mais je me garderai bien de trop en souligner l'aspect communautaire... trop lourdement connoté ces temps-ci, et qui viendrait contredire l'esprit même de ce lieu : ouvert, sympathique, ludique et audacieux.<br /> <br /> (ça va mieux ?)
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V
Doit-on y voir une critique amère ? Les vieilles lettreuses n'en sont pas encore à radoter, je crois...<br /> Et je faisais pour ma part un clin d'oeil à une lignée littéraire plus qu'à un passé qui ne me réjouit pas forcément.
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T
AVERTISSEMENT AU LECTEUR IMPROMPTU :<br /> "Le défi du samedi" N'EST PAS le rendez-vous d'une amicale de lettreux nostalgiques de leurs oraux datés... teu teu.<br /> En réalité, si vous le demandez gentiment à votre souris, elle devrait vous le confirmer en récitant l'adage intrinsèque à cet ESPACE D'ECRITURE LUDIQUE : ici, aucun risque que la khâgne stagne.<br /> <br /> à joyeux scribouilleurs, salutatoires zibouilles.
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V
Si si, c'est bien le même Rimbaud, selon moi : celui aux figures multiples, fugaces, changeantes...<br /> Magnifique de brio et d'allusions subtiles.<br /> La prof de français ancienne khâgneuse s'en ébahit. ;-)
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Z
très beau ce texte bravo<br /> j'ai aussi remarqué "j'ai lassé sa chaussure" une histoire à la petite semelle?(désolé je ne résiste pas...)
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S
beuverie rimbaldienne... c'est excellent, bravo!
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T
... (c'est moi, et alors ?) se réjouit que tu aies relevé cette dernière allusion aux semelles. merci Tiphaine.
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T
La prof de français (c'est moi, pardon!) se réjouit de la beauté du texte, des inventions, de l'hommage, et elle sourit quand elle lit ceci : "j’ai lassé sa chaussure". Oui, les semelles usées, les semelles de vent... Un très beau texte Tiniak, bravo !
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C
Paul, quoi Paul ? Il est où le problème avec Paul ? <br /> Sinon, c'est un texte qui a du mordant (et très crédible si j'en crois "Ô Verlaine!" de Jean Teulé)
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T
@Joye : comme quoi, 'faut prendre le temps de lire, hein.<br /> ceci dit... au loin, mais pas trop, il y a en effet mes deux amours de jeunesse (John Lennon et Paul McCartney)... en fond sonore...<br /> <br /> @les admins défiants : fiou! ce fut laborieux, hein (bon, reste que les sauts de ligne... mébon). merci de tous vos efforts.<br /> <br /> @poupoune : il l'est, nest-il pas ?<br /> <br /> @valérie : ... que Virgibri ? son opposé même, alors - j'assume.<br /> <br /> @MAP & Papistache : l'amitié, c'est bien ce qu'il reste à saucer dans l'assiette après un bon gueuleton, non ?
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J
Ahhhhhhh, okay, le Bateau îvre. Mais j'avais vu Paul, sous-marin, et je me disais mais pourquoi n'aurait-elle pas invité John Lennon, c'est lui le plus intéressant des Beatles. ;-)<br /> <br /> J'aime beaucoupissime ton texte, tiniak. C'est sympa de lire ta prose, elle est comme ta poésie, un cheval sauvage, mais un qui porte volontiers une petite bride.<br /> <br /> Bravo, très classe !
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P
Une version terrienne, proche de la réalité, qui ne fait que renforcer le concept du génie, comme une grâce qui tombe où elle a choisi sans qu'on ait rien fait pour la mériter.<br /> Sinon, également un beau portrait ou l'amitié transparait.<br /> <br /> PS : Le souci c'est Word, qui entre en conflit (mais pas toujours...) avec l'éditeur de canalblog.com. Quand on copie colle un doument Word on copie colle des informations (police, taille, alinéas, etc...) non désirées. <br /> Mettre le texte dans le corps du message n'est pas non plus toujours la panacée, Tiphaine en avait fait les frais la semaine dernière ou la précédente. La vraie solution s'appelle WALRUS, c'est devenu un expert..<br /> <br /> Sinon, Valérie, ma solution : Je copie le texte du document Word puis je le colle dans un traitement de textes plus basique (version 1995) de works) et là, les informations parasites disparaissent. Le texte redevient plus facile à placer dans l'éditeur de canalblog.
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M
Tout y est ! On s'y croirait !
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T
c'est quoi le problème ?<br /> l'envoi en mode "normal+web..." ?<br /> <br /> je peux vous envoyer ça en .rtf dorénavant, ça se converti ad lib. (just let me know)
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V
Papistache faudra me dire comment vous faites. je me suis battue avec ce texte hier soir.
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P
J'ai remis en page. Est-ce assez ? Je reviens commenter plus tard.
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V
Qu'elles soient, même.
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V
Bon voilà... c'est pas top mais déjà on peut tout lire...Il y a toujours un soucis avec word grrr! D'ailleurs, moi, j'aime bien quand on envoie les textes dans le corps des mails (je dis ça, je dis rien ). <br /> <br /> Un autre Arthur que celui de Virgibri... chacun imagine ses idoles comme il a envie qu'ils soient. :)
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V
Mince, y'a un soucis de mise en page que je n'arrive pas à régler!
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P
Génial!
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