Petit-déj, enfance et psychanalyse (Captaine Lili)
Sur le divan, paupières
closes, je divague.
Mon vague à l’âme se dissout dans le sifflement de la bouilloire rouge.
L’eau bout, posée sur la vieille cuisinière à bois qui ronronne, qui
s’essouffle, qui crache, qui gémit.
La chaleur valse avec les courants d’air clandestins, insinués entre les
mauvaises planches du chalet. Et ce n’est pas grave.
L’odeur âcre, de poussière et de bois humide, me grise.
Sur la toile cirée rouge de deux grandes tables, des vases improvisés pour
des brassées jaunes de coucous.
Le plancher craque. Les bûches éclatent. La bouilloire chante.
Je sais que tout près, il y a le grand champ à roulades, la forêt, la
rivière.
Sur le divan, paupières closes, je joue à la bataille de peluches et je
peux toucher le toit avec mes pieds.
Le volet est percé d’un sapin.
« Oui, docteur, vous disiez ? Vous n’êtes pas là pour les
images ricoré ? Vous voulez du drame, de la tragédie, des lapsus
révélateurs, de l’inconscient croustillant ? Là, ça fait trop cliché de bonheur ?
Ah ben je crois que vous vous êtes trompée de patiente… Comment ? Le salon
détente, c’est la porte à côté ? Oh pardon… je me disais bien qu’avec
votre tête de vieux grincheux… »