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Le défi du samedi
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28 février 2009

Léo part en vrille (Joe Krapov)

- Et tu dis que c’est notre gamin qui a fait ça ?

- Oui. Chez la psychologue.

- Je ne te demande pas combien tu as payé la consultation ! Cher ?

- Cher. Mais ce n’est pas la peine de croupionner, Léo. Il faut bien issir de cette situation, non ? C’est toi qui as dit que ça urgeait de faire quelque chose !

Le père n’arrive pas à détacher son regard de la partie blanche au milieu de la feuille.

dds_49_tache_joe_krapov

- Cet enfant dessine très bien les artichauts. On dirait qu’il a godronné toute sa vie ! On pourrait peut-être en faire un jardinier, après tout ? Il dragonnerait, il paloterait…

- Cesse de dire des cochonneries devant le petit, Léo !

- Il n’est pas là pour l’instant et puis paloter, ce n’est pas peloter ou palucher. De toute façon, côté cochonneries, il en remontrerait à un régiment de bachi-bouzouks en goguette, le rejeton ! L’autre jour, quand il t’a répondu, à propos du champ de fleurs jaunes « colza mon cul, ma tête est malade ! »… A cinq ans ! Mais où a-t-il oringué tout ce vocabulaire de marin alcoolisée ? Qu’est-ce qu’elle en dit, la psy ?

- Rien. Que notre fils est un surdoué.

- Un surdoué ? Cet animal qui écrit à sa cousine qu’il aimerait sorguer avec elle, qu’il rêve de la tarmacadamiser, de lui béliner le joyau, de lui couvrir le rigondonne voire de la houssiner ? Un surdoué du vocabulaire égrillard, oui, voilà ce qu’il est, ce cochon !

- Elle a dit qu’il fallait juste le canaliser.

- Le psychanalyser ? Autant le bolchéviser ! Le vocabulaire des psys, ce sont toujours des mots qui n’existent même pas ! Ca ne veut rien dire, canaliser !

- Notre enfant déborde d’énergie mais il n’a pas encore trouvé le chemin de la sublimation.

- Ce qui est sublime, c’est qu’il ne fait que vétiller et folichonner ! Je te rappelle qu’on a dû le retirer de l’école parce qu’il avait commencer à ébousiner la petite voisine et qu’il avait appris à toute la classe les mots « caca » et « boudin » !

- Il est quand même surprenant que, de nos jours, ce deuxième crime soit jugé plus grave que le premier !

- Mais qu’est-ce qu’on va bien pouvoir en faire ?  Un rudenteur de colonnes Morris ? Un japonneur de poupées de salon ? Il serait capable de leur faire leur affaire, ce simili-zoophile !

Il retourne le dessin, mais ne semble pas convaincu du résultat non plus. Quoique…

- On ne peut pas le ramener à la maternité ? Est-ce qu’on nous l’a warranté, au moins ? On pourrait se faire rembourser du prix qu’il valait à la naissance ?

- Léo, tu dis n’importe quoi. Et puis tu devrais arrêter de licher autant de schnaps. Tu es encore plus moiti d’alcool que cette feuille de papier ne l’est d’encre. D’ailleurs, tu interprètes mal. Ce qu’il faut regarder, ce n’est pas le blanc, c’est la partie violette. Le petit y a vu deux dames de la société qui se font des révérences.

- La partie violette ? La partie violette ? Des révérences ? Ah ben zut, alors, c’est vrai ! J’ai été bien zibé, dis donc ! J’avais pas vu !

Du coup, le père est pris d’un doute.

- Où est-ce qu’il est, d’ailleurs ? On n’entend plus rien ! Il est pas encore en train de faire une connerie, au moins ? Gottlieb ! Gottlieb !

- Je suis là, papa !

- Mais qu’est-ce que tu fais là, malheureux, avec ta bouteille d’encre et cette plume d’oie ? Mon Dieu, Anna Maria ! Viens voir la catastrophe ! Cet enfant a complètement salopé ma partition de la Symphonie des jouets avec sa putain d’encre violette ! Il m’a foutu des pattes de mouches partout !

- Des pattes de mouche avec une plume d’oie ? » s’étonne la mère.

- Je ne l’ai pas salopée, Papounet chéri. J’ai juste chiadé un peu le changement de tonalité vers le si mineur du deuxième mouvement et ajouté un contrepoint de flûte avec des septièmes sur le passage avec crécelles.

- Petit crétin ! Je vais te donner du martinet pour t’apprendre à respecter le bien d’autrui. Viens-là, Schweinhund, sors des toilettes !

- Arrête, Léopold, veux-tu ? s’interpose la mère. C’est peut-être là un signe insigne du destin. Dis-moi Wolfie, est-ce que ça te plaîrait plus tard de devenir musicien comme papa ?

- Oh oui Maman ! J’adore chier des pizzicati et dégueler des ornementations pour des soprani à gros seins !

- Eh bien moi vivant, proteste le père, cela n’arrivera jamais ! Mon fils intermittent du spectacle ? Musicien à la solde de tous ces rois et archevêques emperruqués ? Non ! Ca suffit d’un, dans la famille. Il n’y a pas d’avenir dans ce job, crois-moi et tu feras autre chose comme boulot, mon fils, je te le garantis. Aussi vrai que je m’appelle Leopold Mozart !

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Commentaires
C
Quelle excellente et joyeuse symphonie !
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J
Un delice, ce texte!!
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P
Epatant, surtout quand on songe qu'il s'agit d'une traduction de l'allemand du XVIIIe.<br /> <br /> Joe Krapov vous avez des oreilles partout, c'est Beethoven qui serait content de vous en emprunter une paire.
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M
Ah excellente la chute, je me disais qu'avec une famille pareille c'était normal que le pauvre enfant est un vocabulaire un peu particulier, mais tout s'explique. Et le coup du colza, je dois dire que c'est la cerise sur le gâteau.
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B
Excellent Joe ! <br /> Elle est jolie cette tache à l'encre violette :)
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T
C'est "Mozart nous assassine", ta partition, vieux ! ;-)))
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J
Con fuoco ma non troppo. Bravo, bel canto !
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M
E P A T A N T (comme toujours !!!)<br /> Du grand art au pays de Mozart ! Une vraie symphonie !<br /> Je savais que tu ferais excellent usage de tous ces joyeux mots imposés Joe !
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K
Oh j'ai compris dès que tu as parlé de la symphonie des jouets.<br /> Langage fleuri ce jeune garçon...mais on lui pardonne.
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V
J'aime bien.
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T
Le commentaire de Walrus me fait rire... du coup j'oublie de féliciter l'auteur Joe pour ce texte bien amusant... et pour la magnifique tache...
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W
Nous assistons médusés à la naissance du gang des Wolf ! (ceux qui faisaient chanter les soprani aux gros nibards)
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