Suite de Pandora
Lila a fini ses cours, elle est dans le bureau du
directeur. Il lui demande ce qui s’est passé ce matin. Elle se demande où il
veut en venir. Il lui demande si elle se sent bien. Elle se demande quel temps
il fait à La Baule.
Lila pense à
la plage de galets, ceux qui sont si doux quand on les tient en mains. Le
directeur pense qu’il en a assez de se coltiner tous les cas de l’académie.
Madame Miel,
vous êtes avec moi ?
Lila sursaute,
non elle n’était plus là. Elle se demande ce qu’il a bien pu lui raconter. Il
se demande comment il va bien pouvoir d’en débarrasser.
Antoine
regarde sa montre. Il est déjà 17 heures, la pile de gauche est maintenant
beaucoup plus haute que celle de droite, l’objectif est presque atteint. Dans
quelques minutes Mademoiselle Corentin viendra le voir pour lui demander s’il a encore besoin d’elle
et il la libèrera. Il aime ces soirées où le service se vide et où le calme
revient. Plus de téléphone pour l’interrompre en dehors de rares appels directs
toujours problématiques. Le calme et la satisfaction d’une journée qui s’est
écoulée sans encombre. Sans surprise mais sans encombre. Antoine n’aime pas les
surprises.
Lila marche
dans la rue, son gros cartable en bandoulière. Elle ne sait pas si les cours y
sont encore ou si elle les a laissés sur son bureau. Ca n’a pas vraiment
d’importance. Elle rentre doucement chez elle, mais elle ne marche pas sur les
traits. Jamais.
Antoine enfile
son pardessus et prend quelques dossiers avec lui. Il regarde si son bureau est
bien rangé. Si les dossiers forment bien un rectangle parfait et si rien ne
dépasse. Si le téléphone est bien à 45° par rapport au sous mains et si le
stylo est à sa place. Il éteint la lumière et quitte le service en croisant la
femme de ménage qu’il salue au passage. Antoine est toujours courtois avec ceux
qu’on appelle le petit personnel. Il salue aussi le planton de garde à l’entrée
qui lui propose de lui appeler un taxi mais Antoine préfère marcher.
Lila s’est
assise quelques instants sur un banc pour regarder les pigeons qui volent. Et
les charmants enfants qui jouent. Ceux-là même qui vont se transformer en
horribles monstres quand elle les aura dans sa classe. Elle sort son roman pour
en lire quelques pages mais elle est interrompue par quelques gouttes et la
nuit qui tombent. Elle range le livre dans son grand cartable et prend le galet
qui est au fond pour le tenir dans sa main en rentrant chez elle. Lila n’aime
pas la pluie, elle n’aime que les embruns.
Antoine marche
et s’arrête au quatrième passage piéton. Il remonte le col de son pardessus
tandis que la pluie se fait plus épaisse. Une jeune femme pensive approche, un
cartable sous le bras et un béret duquel quelques boucles blondes s’échappent sur
la tête. Elle s’engage sur le passage sans regarder autour d’elle alors qu’un
camion s’approche à toute allure. Antoine se précipite tandis que le camion les
frôle dans un hurlement de freins et de klaxons.
Lila se sent
brutalement tirée en arrière et hors de ses pensées dans un concert de
décibels. Un homme en pardessus la tient contre lui et la regarde étrangement.
Elle a manqué de se faire écraser. Elle ne sait pas quoi faire, c’est la
première fois qu’un inconnu lui sauve la vie. Elle décide simplement de le
remercier.
Il hésite
entre la colère et l’attendrissement. Antoine n’aime pas les perturbations,
même quand il se comporte en héros. Il ne sait pas quoi faire avec cette drôle
de femme qui le regarde avec en souriant. Antoine n’aime pas perdre le
contrôle.
Lila ne pense
plus à la mer, ni aux embruns, ni aux galets. Elle caresse Chagall en pensant à
cet homme brun en pardessus qui lui a demandé si gentiment comment elle allait.
Et qui a insisté pour lui donner sa carte de visite.
Antoine
n’arrive pas à se concentrer sur ce que lui racontent Valérie et les enfants.
Il ne pense qu’à elle. Lila Miel. Un nom et un prénom qu’il se répète en
boucle. Antoine n’aime pas les imprévus qui perturbent sa vie. Mais
curieusement il commence à apprécier cette sensation étrange dont il n’a pas
l’habitude.
Lila rêve à Antoine, le prénom de l’Homme en pardessus brun. Elle a regardé la carte et elle sait qu’elle l’appellera. Bientôt. Lila sourit en dormant.