Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le défi du samedi
Visiteurs
Depuis la création 1 053 282
Derniers commentaires
Archives
29 novembre 2008

Q.Q.C.O.Q.P. (Papistache)

Ma chère Marie,


Je suppose que c’est toi ma fille ainée. Dans mon portefeuille, j’ai trouvé un petit bristol fatigué avec écrit, de la main de ta maman : “Les adresses de tes enfants”. Elle y a noté également des numéros de téléphone, mais, ici, je ne vois pas de cabine et je n’ai pas de monnaie, non plus, sur moi. Tu es la première de la liste, ta maman a certainement fait sa liste en commençant par l’ainée, c’est tellement dans ses habitudes.

J’ai dû me tromper de sortie sur l’autoroute. A Conflans-Sainte-Honorine on ne voit pas la mer. J’en suis sûr. On y voit des... je ne trouve plus le mot, tu sais, ces bateaux à fond plat qui transportent de lourds chargements. Enfin, ici, ce n’est pas Conflans. J’ai roulé longtemps. J’étais fatigué. Je me suis trompé de sortie. J’ai roulé longtemps. Je me suis envasé en voulant faire demi-tour. Ici, c’est pas Conflans.

Le moteur ne marche plus. Il fait froid dans la voiture. Personne ne passe. Ce doit être l’hiver. Devant moi, je vois une grande tour comme on aimait visiter quand tu étais petite. Tu sais, au bord de la mer. Une tour qui lance des éclairs, ce n’est pas une éolienne, mais un nom comme ça.

Tu ne diras pas à ta maman que je me suis perdu. D’ailleurs, elle doit déjà être fâchée contre moi. Elle n’est pas dans la voiture. On a dû se disputer. C’est peut-être pour cela que j’ai son alliance au petit doigt. Tu ne lui diras pas, n’est-ce pas ?

Tu verras, pour me trouver, c’est facile, des fleurs jaunes poussent devant le capot de la voiture. Ce sont des, Le nom ne me revient pas. Les copains du lycée horticole se ficheraient bien de moi. Tu te rappelles quand on se baladait, avec ton frère et tes sœurs, pour herboriser sur les dunes, pendant les vacances.  Tu ne voulais jamais qu’on  dérange les petits escargots qui se collaient aux tiges de ces fleurs...

Je ne vais pas la poster, la lettre. Je vais la laisser dans la voiture, sur le siège, à côté de moi. Ta maman devrait y être assise. Elle a dû sortir. Elle va encore revenir avec une tonne de moules à faire cuire. Mais elle n’a pas pris le bateau. Il danse sur les flots entre la voiture et le la tour. A son âge, c’est plus prudent, tu ne crois pas.

J’ai un peu sommeil. Alors, je vais attendre qu’elle revienne et nous serons chez toi pour le dîner. Ton mari doit aimer les moules, non ? C’est lui qui est douanier ou c’est ton frère ? Je ne sais plus. On sera là ce soir. Je vais dormir un peu en attendant ta maman.


Je t’embrasse, ma grande.
A ce soir. J’ai vraiment sommeil.

Ton papa qui t’aime.
Papa.

Publicité
Commentaires
C
J'ai un peu de mal avec ces vies qui finissent comme cela peut-être parce que nous le vivons en ce moment.
Répondre
P
Marie, je comprends que vous soyez touchée. <br /> <br /> Mon grand-père paternel, ma grand-mère maternelle sont passés par là. Mon père qui a 81 ans est atteint et je le vois à chaque visite doucement évoluer. Son frère ainé est plus touché que lui. Mon père, lui, est toujours à la maison, ce n'est pas toujours facile pour Maman. Je sais que je le rejoindrai un jour, j'en ai toujours eu le pressentiment.<br /> Je m'attends à ce qu'un matin, il m'appelle papa, il m'a déjà dit que je ressemblais à son père. Ce jour-là, je l'attends, je sais déjà que je l'appellerai par son prénom, ce que je n'ai jamais fait.
Répondre
M
Je m'appelle Marie. <br /> Mon père ne me nomme plus depuis longtemps pas plus qu'il ne se nomme. Personne ne peut le rejoindre là où il erre.<br /> <br /> - Vous êtes charmante Mademoiselle, vraiment, je suis toujours ravi d'avoir de gentilles visites.<br /> - Papa, je suis Marie, je suis ta fille, ton premier bébé, tu comprends, le premier ?<br /> - Comment, j'aurais eu des enfants et personne ne me l'aurait dit ? Vous devez faire erreur Mademoiselle. <br /> <br /> J'ai 59 ans et ce n'est pas pour rire même si parfois il arrive que ce soit drôle. <br /> Parce que c'est la vie comme elle va-comme elle vient, simplement.<br /> <br /> Touchée au coeur par ce texte.<br /> <br /> Marie
Répondre
P
Des frissons à l'intérieur, Val ? C'est exactement là que je voulais les placer ! Mais reconnaissez que je ne joue pas à chaque fois avec les mêmes fibres.<br /> <br /> Justement, MAP, comme on a tous un papa ou un tonton ou un parrain, on se sent un peu concerné.<br /> <br /> Ma définition de la mort, en effet, Alice, le disparu vit en nous.<br /> <br /> Thétis, je pensais à moi, cela m'a rendu la tâche facile, je suis ma plus personnelle source d'inspiration.<br /> <br /> Pas sûr, Tilleul, je trouve que finir ainsi est très doux, tendre...<br /> <br /> Je vous entends donc, Janeczka.<br /> <br /> Pandora, votre émotion passe, c'est bien.<br /> <br /> Je sais, Teb, je sais...<br /> <br /> Merci, Joe, mais pas trop d'ors, ce n'est qu'une lettre de départ.<br /> <br /> Brigou, je sais pour Teb, pas pour tous, mais je devine, je devine...<br /> <br /> Tilu, ça va passer, ce n'est qu'une fiction, vous savez, une simple fiction...<br /> <br /> Poupoune, allons, ne pleurez pas... c'est pour de faux...<br /> <br /> Véron, merci, une main tendue. Après tout, sur la plage, quelqu'un peut encore passer... vous ?<br /> <br /> Déchirant, mais doux, Joye, doux...<br /> <br /> Joye, QQCOQP, c'est un truc mnémotechnique donné aux apprentis journalistes pour leur permettre de vérifier que leurs articles sont bien écrits.<br /> Une petite check list en somme, une grille de relecture, comme le suggère Walrus.<br /> <br /> Merci, Ondine, c'est gentil de passer.<br /> <br /> "L'homme du Picardie", Walrus, je crois qu'il captivait les chaumières, au temps où il n'y avait qu'une seule chaîne, peut-être déjà deux ?<br /> <br /> Bon, Berthoise, les larmes, je les ai un peu cherchées. Je crois que je vais raconter, chez moi, la génèse de ce texte, vous allez rire. Si, si !
Répondre
B
Comme les précédents lecteurs, je suis émue aux larmes.
Répondre
J
Walrus, merci !<br /> <br /> Je n'y voyais que Occupé, mais je trouvais le cul-cul un peu praliné...
Répondre
W
Poignant.<br /> Pour tenter d'échapper à l'atmosphère, je dirais : "Conflans-Sainte-Honorine" et finir enlisé sur une plage de Picardie, ça me rappelle une vieille série télévisée, mais je suis peut-être le seul assez âgé pour m'en souvenir (pour l'instant).
Répondre
W
Joye, je suppose Qui.Quoi.Comment.Où.Quand.Pourquoi.
Répondre
O
L'errance en soi est magnifiquement traduite. Bravo!
Répondre
J
À propos, je n'ai pas saisi le sens du titre, peut-on m'aider ?
Répondre
J
Déchirant, papistache. Une douleur exquise.
Répondre
V
.... moi aussi je suis émue .<br /> Je ne peux rester là sans rien vous dire , je veux vous aider . En douceur .Des mots pour rebrousser chemin.<br /> sonchus oleraceus .... ? sonchus .... un petit effort , ça ne vous dit rien ?
Répondre
P
ffffiouuuuu...<br /> ouah.<br /> Que dire?<br /> <br /> Oh la la.
Répondre
T
.....
Répondre
B
Il est de circonstance ce texte pour moi... et ce sont avec des larmes aux yeux et la gorge bien serrée que j'ai lu !
Répondre
J
Présenté hors compétition. Méritait un Prix spécial du jury ou la Palme d'h(or)s. Tout le monde flageôle sur ses Cannes.
Répondre
T
fffffffffffffffff (gros soupir)
Répondre
P
Tendrement émouvant...je ne sais pas quoi dire de plus
Répondre
J
Je sais pas quoi dire, alors je dis rien, mais je vous laisse un commentaire pour vous le dire quand meme.
Répondre
T
Papistache, c'est tellement émouvant... nous sommes les spectateurs d'un papa perdu dans sa tête... mais tellement attachant... C'est triste de vieillir comme ça!
Répondre
T
Très émouvant, bouleversant même... Je suis aussi au bord des larmes... J'aime cette errance narrée sans conscience... La tendresse qu'inspire ce papa est très profonde...
Répondre
A
Une belle mort et il n'y en a pas tant.<br /> On ne ressort pas intact de la lecture d'un tel texte. Votre "papa" reste en moi. Une belle résurrection.
Répondre
M
Un texte qui vous remue !<br /> Emouvant ce Papa tout perdu qui signe Papa à sa grande fille !<br /> Oui, c'est vraiment très bien écrit !<br /> J'ai songé à mon Papa à moi ...
Répondre
V
Papistache, déjà hier soir (oui je sais je triche mais c'est pas nouveau) ce texte m'a mis les larmes aux yeux. Et ce midi, c'est le même, il ne s'est même pas adouci durant la nuit!<br /> <br /> Je n'aime trop pas ce texte parce qu'il me laisse comme un malaise, une sorte de gène bizarre, une drôle de tristesse... <br /> <br /> Brrr, un peu comme des frissons, mais à l'intérieur. <br /> <br /> Mais, forcément, il est très bien écrit comme d'hab'. Bravo, Papistache.
Répondre
Newsletter
Publicité
Le défi du samedi
Publicité