Q.Q.C.O.Q.P. (Papistache)
Ma chère Marie,
Je suppose que c’est toi ma fille ainée. Dans mon portefeuille, j’ai trouvé un petit bristol fatigué avec écrit, de la main de ta maman : “Les adresses de tes enfants”. Elle y a noté également des numéros de téléphone, mais, ici, je ne vois pas de cabine et je n’ai pas de monnaie, non plus, sur moi. Tu es la première de la liste, ta maman a certainement fait sa liste en commençant par l’ainée, c’est tellement dans ses habitudes.
J’ai dû me tromper de sortie sur l’autoroute. A Conflans-Sainte-Honorine on ne voit pas la mer. J’en suis sûr. On y voit des... je ne trouve plus le mot, tu sais, ces bateaux à fond plat qui transportent de lourds chargements. Enfin, ici, ce n’est pas Conflans. J’ai roulé longtemps. J’étais fatigué. Je me suis trompé de sortie. J’ai roulé longtemps. Je me suis envasé en voulant faire demi-tour. Ici, c’est pas Conflans.
Le moteur ne marche plus. Il fait froid dans la voiture. Personne ne passe. Ce doit être l’hiver. Devant moi, je vois une grande tour comme on aimait visiter quand tu étais petite. Tu sais, au bord de la mer. Une tour qui lance des éclairs, ce n’est pas une éolienne, mais un nom comme ça.
Tu ne diras pas à ta maman que je me suis perdu. D’ailleurs, elle doit déjà être fâchée contre moi. Elle n’est pas dans la voiture. On a dû se disputer. C’est peut-être pour cela que j’ai son alliance au petit doigt. Tu ne lui diras pas, n’est-ce pas ?
Tu verras, pour me trouver, c’est facile, des fleurs jaunes poussent devant le capot de la voiture. Ce sont des, Le nom ne me revient pas. Les copains du lycée horticole se ficheraient bien de moi. Tu te rappelles quand on se baladait, avec ton frère et tes sœurs, pour herboriser sur les dunes, pendant les vacances. Tu ne voulais jamais qu’on dérange les petits escargots qui se collaient aux tiges de ces fleurs...
Je ne vais pas la poster, la lettre. Je vais la laisser dans la voiture, sur le siège, à côté de moi. Ta maman devrait y être assise. Elle a dû sortir. Elle va encore revenir avec une tonne de moules à faire cuire. Mais elle n’a pas pris le bateau. Il danse sur les flots entre la voiture et le la tour. A son âge, c’est plus prudent, tu ne crois pas.
J’ai un peu sommeil. Alors, je vais attendre qu’elle revienne et nous serons chez toi pour le dîner. Ton mari doit aimer les moules, non ? C’est lui qui est douanier ou c’est ton frère ? Je ne sais plus. On sera là ce soir. Je vais dormir un peu en attendant ta maman.
Je t’embrasse, ma grande.
A ce soir. J’ai vraiment sommeil.
Ton papa qui t’aime.
Papa.