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Le défi du samedi
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29 novembre 2008

La lettre de Fanfan (Poupoune)

Cher monsieur Jean-Marc,

 

Je vous écris parce que je suis bien copine avec Lulu qui m’a dit que vous pourriez m’aider.

 

Je me fais des cheveux pour une histoire un peu louche, au point que j’en perds le sommeil et déjà que dans ma branche, on dort pas beaucoup, je peux pas trop me permettre.

 

Je m’appelle Francine mais les gens m’appellent Fanfan ou, le plus souvent, ils m’appellent pas. J’ai connu Lulu du temps qu’on travaillait ensemble chez la Rolande, jusqu’à ce que j’aille finalement travailler chez Madame Suzanne. C’est pas que j’étais pas bien chez la Rolande, au contraire, mais faut dire ce qui est : la clientèle est plus chic chez Madame Suzanne et la turlute ouvrière, c’est sympa, mais ça paie moins que la gaudriole bourgeoise.

 

On est quand même resté en contact Lulu et moi et c’est quand je lui ai raconté mon histoire qu’elle m’a dit que je devrais vous en parler, rapport à votre métier. D’ailleurs, si je puis me permettre, vous avez bien fait de pas garder Jean-Marc De la Motte. C’est vrai que John MacDermott ça fait plus crédible, pour un détective.

 

Alors voilà. Chez Madame Suzanne, comme je vous disais, la clientèle est plutôt chic. A cause du quartier, bien sûr, mais pas seulement. Y a des petits extras que la clientèle de standing apprécie, comme le thé et les fruits que Madame Suzanne offre gracieusement, comme elle dit, et ça y avait pas chez la Rolande. Moi je vois pas très bien pourquoi ils trouvent ça tellement distingué de manger une pomme avant de s’envoyer en l’air avec une fille de joie, mais je suis pas de la haute, alors je dois pas pouvoir comprendre.

 

Toujours est-il que, donc, chez Madame Suzanne, il traîne pas trop de loulous des mauvais quartiers, c’est plutôt du beau linge, alors ça permet de travailler plus en confiance, vous voyez ? Je vous dis ça parce qu’on se méfie jamais d’un gars en complet qu’on appelle « Monsieur », hein, alors c’est pour ça que je l’ai cru, le petit mari , quand il m’a raconté son histoire…

 

Le petit mari c’était le voisin. Il habitait juste la maison à coté de celle de Madame Suzanne. Les filles l’aimaient pas trop, et moi non plus d’ailleurs, rapport à sa dame qu’on connaissait toutes. C’est sûr que ça mettait personne très à l’aise, cette histoire : on saluait la dame qu’était toute charmante et très enceinte et on savait qu’on aurait sans doute le petit mari entre les cuisses dans les trois jours, alors c’était pas agréable. On n’est peut-être pas très bien placé pour donner des leçons de morale mais en attendant, nous, on trompe personne. En tout cas personne qui serait pas au courant. Et puis pas sous son nez. Bref, on l’aimait pas, le petit mari. Mais c’était un client et le client est roi. Là-dessus, Madame Suzanne, elle est intraitable : on ne met pas dehors un client qui paie et qui se conduit correctement avec les filles.

 

Bon, toujours est-il que le petit mari, c’était un habitué et comme tous les habitués, il avait ses préférences. Au bout d’un moment, il demandait souvent après moi. Il était du genre à plier l’affaire rapidement, par contre c’était un qui causait. Avec moi en tout cas il causait et il me racontait des trucs que je vous jure bien que j’avais pas besoin de savoir ! Des trucs du genre intime, voyez. Le petit mari, il disait qu’il était pas heureux en ménage… Bon, ça, ils le disent tous, à croire que c’est une excuse valable dans leur milieu pour se payer une tranche de plaisir avec une professionnelle, mais le petit mari, lui, il s’arrêtait pas là. Bon, je vous passe les détails, parce que nous c’est un peu comme les curés, voyez, on a un genre de secret professionnel, mais en gros le petit mari il était prêt à tout ou presque pour disparaître, comme qui dirait…

 

Moi, au début, je faisais mine de l’écouter, par politesse et puis parce qu’il avait payé, de toute façon, et tant qu’il causait moi je pouvais me remettre en ordre tranquillement pour le suivant, mais au bout d’un moment il s’est mis à échafauder un plan et il voulait que je l’aide.

 

C’était franchement tordu alors j’étais pas trop partante, mais il a commencé à parler d’argent et vous savez ce que c’est, hein ? Moi, si on me paie… Notez bien, je suis pas vénale, mais les frais d’entretien, comme on dit, c’est à notre charge et de nos jours, un brushing ou une manucure, ça coûte une fortune, alors je crache pas sur une petite prime, voyez ?

 

Voilà l’histoire : il voulait que je l’aide à faire croire qu’il avait été kidnappé. Rien que ça ! Faut bien être de la bourgeoisie bedonnante et bien-pensante pour inventer des trucs pareils plutôt que de dire à sa bourgeoise qu’on s’en va, non ? Bref. Il disait qu’il était sûr qu’elle paierait même pas et qu’au pire, si elle payait, ça l’empêchait pas de disparaître, y aurait juste un peu plus d’oseille à partager… Alors bon, vu qu’il parlait de montants avec plein de zéros, j’ai pas trop chipoté non plus, voyez. Et puis s’agissait pas de faire vraiment quelque chose de mal : il voulait juste que je me déguise pour faire une vidéo, un genre de demande de rançon, et puis après quelques jours on devait se retrouver au bord du canal pour qu’il me donne la récompense qu’il avait promise.

 

Moi, j’ai fait le truc et on a fait livrer la cassette à sa dame. Soit dit en passant, il avait raison, elle a pas payé. C’est dingue, non ? Et vous savez ce qu’elle a envoyé à la place de la rançon ? Un message qui disait « Gardez-le » ! Notez, moi, ça m’a fait rire, j’avoue, mais lui… Bon, c’est sûr que c’était pas le coup du siècle, le petit mari, mais quand même… c’est pas très moral tout ça. Enfin moi, ce que j’en dis… Toujours est-il que je suis allée comme prévu au rendez-vous près du canal et il est jamais venu. Il devait me donner mon argent et partir en barque jusqu’à je sais pas où, où il avait prévu de prendre une voiture. Ou un train. Ou je sais plus quoi. Tout ça, c’était plus mon affaire, voyez. Sauf que de petit mari y en avait point au rendez-vous quant à sa barque, ben elle flottait mollement sur le canal, avec personne dedans.

 

J’ai bien pensé que j’avais été drôlement naïve de croire à ses promesses et qu’il m’avait bel et bien roulée, mais pas deux jours plus tard voilà que la flicaille débarque chez sa dame et lui dit qu’il est mort, son petit mari… Je me suis renseignée un peu de-ci de-là, discrètement, voyez, faudrait pas que Madame Suzanne apprenne que j’ai fait ce genre d’heures supplémentaires, et figurez-vous qu’il se raconte que le petit mari serait mort d’un enlèvement qu’aurait mal tourné. Alors qu’on sait donc, vous et moi, qu’il a pas plus été enlevé que moi je suis pucelle.

 

Lulu elle dit que quand un mystère est insoluble, c’est là que vous êtes le meilleur, alors si vous êtes pas trop occupé en ce moment (mais Lulu elle dit que vous avez autant de clients en un an qu’elle en une nuit) ce serait bien gentil de voir si vous pouvez pas détricoter cette embrouille. Et au passage retrouver au moins une partie des sous qu’il m’a jamais donnés, feu le petit mari. Comme ça je pourrai même vous payer. A défaut je vous proposerais bien un forfait à l’œil chez Madame Suzanne, mais je sais ce que Lulu serait capable de vous faire alors je me doute que vous serez pas intéressé. D’ailleurs elle a insisté pour que vous passiez par elle pour me contacter si vous voulez bien m’aider. Elle doit avoir confiance, mais pas plus que de raison.

 

Je vous remercie bien par avance, Monsieur Jean-Marc, et j’espère à bientôt pour le travail. Le vôtre, pas le mien.

 

Francine « Fanfan » Delonges.

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Commentaires
P
Walrus ou le sens de la chute... ;o)<br /> <br /> Merci tout le monde et peut-être, peut-être, si un nouveau défi s'y prête, une suite... C'est vrai que maintenant moi aussi j'aimerais bien savoir qui a tué ce petit mari... ;o)<br /> <br /> Merci en tout cas pour tous ces com' qui font rudement plaisir !
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W
Moralité : faut être con pour espérer mener une femme en bateau !
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J
EXCELLENTISSIME !!!<br /> <br /> Un bouquet de tulipes pour Fanfan, BRAVISSIMA !!!<br /> <br /> :-)
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B
Elle est sympa cette Fanfan et a son franc-parler ! j'attends la suite alors..
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M
Extra de voir l'autre côté du paquet de Madame Suzanne. En prime j'avais la voix d'Arletty dans l'oreille pour me lire cette lettre
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T
sympa, l'idée d'écrire une suite au défi précédent... Et cette Fanfan se débrouille drôlement bien pour rédiger une lettre...
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T
Et alors... <br /> et alors...<br /> Qui a occi<br /> le p'tit mari ???
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P
J'vais vite lire le début ;-)
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A
Excellent ! Je me suis régalée, merci.
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V
MER-CI!<br /> Quel délice, ce texte qui fait suite à l'autre!<br /> Le début d'une saga? Il faudrait y songer car c'est rudement bien, et on en redemande!
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J
J'aime l'idee de la suite. Bien vu!
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C
Vivement dimanche! Non vivement samedi prochain. Ah ce p'tit mari, c'était pas son jour...
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M
Eh ben voyez, on se demande bien quelle sera la suite !<br /> :-)
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P
Elle écrit bien la dame. Je lui promets un best-seller pour ses Mémoires. Je comprends que certains clients puissent avoir une préférence, à ce compte.<br /> <br /> C'est une excellente idée de donner un prolongement au défi précédent. Et vous avez la grâce de tendre des perches à une suite éventuelle. C'est élégant.<br /> <br /> Bravo, Poupoune.
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J
Un feuilleton ! Avec des personnages récurrents qui se promènent d'un "atelier" à l'autre ! Et on commence à ne pas comprendre où est l'entourloupe dans ce boxon ! Je biche ! Je te reclaque deux bises, Poupoune, c'est trop drôle et ça fait trop de bien aux dos coincés le langage que tu prêtes Fanfan !<br /> <br /> PS Tu peux servir un whisky Breton à McDermott de la part d'Imogene et de la mienne !
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