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Le défi du samedi
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20 septembre 2008

Coming out - Caro_Carito

Dans le prestigieux studio d’enregistrement de « entre les guillemets », Alain Gentel, figure emblématique de l’audiovisuel français, officie dans son rendez-vous mensuel. Une tension palpable règne dans les locaux.

Septembre. Effervescence d’une rentrée littéraire.

A l’opposé de l’équipe qui s’agite et arpente en tout sens le plateau télé, le patron affiche une décontraction presque indécente. Son invité, il l’attend de pied ferme. Il a réussi à imposer à sa direction férue de sondages son auteur fétiche. Une rentrée sans goncourisé alignant des best-sellers à répétitions et des reportages sur leur refuge germanopratin, c’est une première. Il s’est délecté toute la semaine à annoter livres et interviews. Il a visionné des enregistrements télé et radio jusqu’à plus soif. Il est fin prêt. Sa mine réjouie fleure le plaisir de celui qui va se régaler une heure de direct durant.

Il ajuste sa cravate, nettoie ses lunettes. Il s’autorise à tailler une bavette avec les téléspectateurs invités et se dirige vers son fauteuil. Louis Lemal arrivera deux minutes avant l’émission, un brin de superstition n’ôte rien au charme de cet auteur et à la richesse de ses propos.

Il arrive enfin, ses yeux clignant sous la clarté des projecteurs. Une chemise immaculée sur un jean noir, l’allure juvénile malgré sa crinière blanche et sa peau striée de petites rides. Un sourire et une poignée de main. Il s’installe.

Alain Gentel attrape ses fiches fébrilement. Instant fatidique avant de plonger dans une partie de ping pong racée où chacun des joueurs aligneront bons mots et réflexions plus profondes. Une pensée peu poétique le traverse. Ce soir, il va casser la baraque, il le sent.

- Cher Louis, bonjour. C’est toujours un plaisir de vous recevoir ici. Et un privilège.

Louis Lemal sourit.

- Votre roman, « Rendez à César » a, comme toujours, rencontré son public et été accueilli avec enthousiasme par la critique…

Un silence. Son interlocuteur hoche la tête. Diantre, il l’a connu plus loquace. Une angine ? Pourtant le temps est doux. Il attrape un de ses fiches, légèrement déstabilisé et embraye sur le commentaire suivant.

- En aparté, je dois vous dire que votre style est une pure merveille. Une phrase et me voilà transporté dans la Rome antique avec une profusion de détails et cette légèreté qui nous rend immédiatement l’intrigue familière.

Et c’est là que devant le regard stupéfait de Alain Gentel, personnage chevronné du PAF, et un public ébahi que Louis Lemal regarde ostensiblement sa montre et annonce :

- J’ai un train pour Londres à prendre. Vous m’excuserez, n’est ce pas. Voyez-vous, il me faut aujourd’hui rendre à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu et à Edwige Laumonnier ce qui est à Edwige Laumonnier. Depuis 15 ans, c’est elle qui se cache derrière ma signature et je n’ai pris ce rôle que suite à une soirée un peu arrosée et aussi… Parce que, Edwige, tu me pardonnes, Edwige est du genre réservée, nous avions passé un pacte un peu enfantin, je l’avoue. Mais il est temps de mettre fin à cette amusante mascarade. Edwige.

Louis Lemal se lève et s’avance vers une femme menue à l’allure de souris. Il attrape sa main, l’assoit d’autorité à sa place et quitte le plateau non sans avoir serré la main d’un Alain Gentel interloqué. A nouveau cette pensée traverse l’esprit du présentateur vedette mais avec un brin de sarcasme et de déception : c’est sûr ce soir tu vas casser la baraque.

Il pose ses fiches et d’une voix douce s’adresse à sa nouvelle interlocutrice : « Chère Edwige, nous allons mettre de côté ce coming out qui va bousculer, à n’en pas douter, le microcosme littéraire français. Je suis impatient de connaître qui est cette personne qui manie la langue française avec autant de doigté. » Il s’interrompt. « Dîtes-moi tout, Edwige, je peux vous appeler Edwige, car j’aime tant vos romans, je les ai tant lus et relus, que j’ai l’impression de vous connaître. Oui, racontez-nous… Cette part féminine qui est une constante dans vos ouvrages…»

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Commentaires
C
J'avoue un élan de sympathie pour ce pauvre animateur pour qui tout semblait bien s'annoncer et qui essaie de se rattraper aux branches.
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M
Pour une chute, c'est une chute, mais le journaliste se reprend bien
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C
Je reviens de WE et merci pour vos comm. Je vois que tiphaine avait repéré le réemploi d'Edvige. On se venge comme on peut...<br /> <br /> Bon j'ai encore qq jours pour découvrir les autres textes.
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P
J'adore l'aplomb du journaliste!
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J
Etait-ce la le negre de Walrus?<br /> Belle adaptation de ta consigne!
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J
Ainsi pendant 15 ans Laumonnier s'est abritée derrière Lemal pour répandre la bonne parole ?<br /> Et Edwige, feue hier, espère brûler les planches aujourd'hui ? Mais où va -t-on , franchement ? Bientôt on va nous dire que le silence qui suit un concerto de Mozart n'est pas de Mozart mais de Mireille Mathieu !<br /> <br /> Sacrée (?) Caro Carito ! Tout cela est diablement bien mené ! Bravo !
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M
Itou comme Teb !<br /> Bravo !
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T
Beau scoop et jolie récupération ...
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K
Formidable Caro ...!!!!
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B
Bravo !
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J
Excellente description de la scène, qui nous met en contexte, et aussi, tout simplement, l'histoire. Le tout est super bien raconté, j'admire férocement, surtout parce que c'est quelque chose que je dois, en principe, éviter car pas au niveau. Mais toi, très haut niveau ! Bravo Caro !!!
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B
C'est vrai qu'on imagine très bien la scène... un coming-out en direct, ça va faire de l'audience !!
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A
Excellente idée, bravo!
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T
Ah, c'est vraiment bien raconté!
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T
Décidément, Edwige et ses fiches sont bien inspirantes ! Très beau ce coming out, j'aimerais beaucoup y assister "pour de vrai".
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V
Comme c'est classe, ce qu'il a fait!<br /> Bravo, Caro! J'ai pris beaucoup de plaisir à regarder cette émission. Oui, j'ai eu l'impression d'avoir la scène sous les yeux. <br /> <br /> Tu fais honneur à ta consigne !
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P
Que de talents réunis sous ce titre !<br /> Elégance de l'usurpateur.<br /> Style de l'auteure.<br /> Professionnalisme de l'animateur télé.<br /> Et vous, Caro, vous qui étiez là, pour saisir cet instant unique, pour nous le restituer, afin que nous partagions avec vous la naissance d'une nouvelle bête médiatique.<br /> <br /> Bravo.
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