En fer et contre tous - Vanina
Laure a plutôt une imagination fertile, doublée d’un sens de l’humour parfois peste. Elle a surtout un caractère indépendant.
Suite à une lettre de candidature spontanée à laquelle elle a joint un CV, elle a obtenu un rendez-vous pour un entretien d’embauche.
Elle se rend donc le jour dit à l’adresse de la société, et se retrouve au pied d’un immeuble de la banlieue parisienne. Ses renseignements sont exacts, pas de marches, et l’ascenseur n’est pas en panne !
Arrivée à l’étage désiré, juste à l’heure, elle frappe à la porte du bureau que la secrétaire lui a indiquée. Elle ouvre la porte sur invitation et se présente en entrant. En retour, elle se prend en pleine tête une phrase pleine de reproche : « Vous ne m’aviez pas dit que vous étiez en fauteuil roulant. » Trouvant la réflexion mal placée à la limite de la discrimination elle répond du tac au tac en regardant son interlocuteur droit dans les yeux : « Vous ne m’aviez pas dit que vous portiez des lunettes ! »
Laure est souvent comme ça, plus pertinente qu’impertinente. Vexée, il lui arrive d’avoir la repartie assassine, lorsqu’elle arrive à surmonter sa timidité.
Sur ce, elle est partie, sans doute pour que personne ne voit les larmes qui montaient dans ses yeux. Elle n’a pas été retenue.
Ce soir là, en rentrant chez elle, furibonde, elle a commencé cette lettre de motivation qu’elle n’a finalement jamais finie, mais qu’elle garde précieusement sous le nom de fichier : motiv00.
« objet : candidature spontanée maquettiste-infographiste
Madame, Monsieur,
Je suis veuve et j’ai un enfant à charge, de plus je suis paraplégique, et pour compléter le tableau, j’ai décidé d’entrer dans la vie active ! J’ai fait de longues études, celles dont j’avais envie, j’ai élevé mon fils qui commence à être grand maintenant, il me reste donc à trouver un emploi.
Or, devant un écran mon handicap ne paraît pas.
En fait, ma différence fait ma force. Les trois mots-clefs tant prisés par les entreprises : adaptabilité, flexibilité et mobilité, je les vis au quotidien. J’ai des compétences, du sérieux et de l’originalité, il ne me manque que le travail qui va avec.
Alors pourquoi ne pas m’accorder un entretien ? »
Elle a finalement choisi la modération et a ajouté, à regret, une ligne à la fin de son CV :
Cela lui est égal de savoir qu’elle perd des chances d’obtenir un entretien d’embauche. Son problème finalement, c’est de vivre en « milieu ordinaire » et de ne pas se sentir différente des valides… valide comme elle l’était jusqu’à 16 ans.
Et comme elle le sera pour toujours dans sa tête.