Hyppolite (Kloelle)
Bleu. Bleu c’est étrange. C’est une couleur que je n’ai jamais aimée. Le jour est doux. Je le sens à travers la fenêtre entre-ouverte. Je suis chez moi, mon odeur et plus encore inonde chaque réalité de cette pièce et pourtant ce bleu, ce bleu que je ne m’approprie pas.
Il y a cette douleur imprécise derrière ma tête et cette sensation d’étourdissement quand j’avance. J’aimerai atteindre la fenêtre pour voir mais je n’y parviens pas.
Les murs sont jaunes. Des murs jaunes, un sol bleu et pas un souvenir qui viendrait me parler de cette association de couleur hasardeuse.
J’entends les bruits de la rue, avec netteté. Fracas de freins et vrombissements de moteurs, voix claires et aiguë, entrelacement de conversations, nous sommes en ville. C’est ça, la ville et ses odeurs qui m’encombrent.
Je regarde autour de moi, je cherche des repères, des objets qui me parleraient de moi. Il y a bien ces grosses chaussures beiges devant la porte mais je suis persuadé n’avoir jamais eu à les porter. C’est comme cette veste qui pend sur la chaise, je la connais bien et pourtant je ne me vois pas épouser ses formes.
La table basse est encombrée de mille choses, un reste d’apéritif, deux rondelles de saucisson, quelques biscuits soufflés : ça tombe bien, je ne sais pas qui je suis mais je sais que j’ai faim.
Il y a des bandages aussi, et des onguents aux odeurs fortes. Voilà qui explique sans doute ce mal de crâne.
J’entends une clé qui tourne dans la serrure, et une voix veloutée qui vient vers moi.
- Hyppolite ?
Si c’est mon nom, je n’aime pas. Il faut espérer qu’elle ne s’adresse pas à moi. ..Raté… C’est vers moi qu’elle a tourné ses grands yeux bleus, bleus comme ce plastique mou au sol. Elle a du le choisir pour s’harmoniser avec son intérieur. Elle a une tête à avoir ce genre d’idées.
- Hyppolite…Tu es réveillé. Ne bouge pas. Mon pauvre tu es dans un sale état. Elle ne t’a pas raté cette voiture. Allez, couché mon chien., le vétérinaire viendra ce soir refaire tes bandages.