Liste de courses poètique de Papistache
Je marchais dans la rue, sans but précis, juste histoire de dérouiller mes muscles jugés trop oisifs par Épouse-Sautillante quand une jeune femme, téléphone portable visé à l’oreille, me double — autrefois, personne ne parvenait à me dépasser, c’est terminé — en parlant haut.
J’allonge ma foulée et me mêle — voyeur-cavaleur-indiscret — à la conversation. Un don du ciel, Val & Janeczka accepteront-elles d'en publier la transcription, pour leur défi du samedi ?
“ Ah ! Alexandrin, mon barde chéri ! Je te rappelle que ce soir nous recevons à dîner tes amis de l‘harmonie municipale, je veux bien être votre muse et préparer le repas, mais tu te charges des commissions. Ne me sors pas ton éternelle chansonnette, j’en ai ras la strophe du sempiternel refrain. Pour une fois, tu ne vas pas nous pondre une tragédie, sonnet quand même pas la mer à boire de faire les courses, épigramme de merde alors !
En rentrant de ta ballade, pour l’apéro, achète des vers, un litre d’oxymore, poète aussi un autre de pastorale pour les fans d‘anisette.
Je crois qu’il reste des hémistiches au frigo, tartinées sur des tranches de quatrains grillés, cela suffira, au pire on poêlera un hexamètre de boudin, coupé en rondeau et cuit à point, je te dis pas le cantique.
Pense également à commander des ritournelles fraîches au poissonnier, on fera des sushi au haïku, avec les sourates au roquefort ce sera suffisant.
On pourrait faire une fondue, j‘adore voir filer les métaphores, césure que ça va plaire. Il ne reste plus de vin blanc, prends-en une anaphore à la cave viticole.
Pour le dessert, je verrais bien une allitération au chocolat au lai ou une fable aux amandes. Surtout pas d’anacoluthe au rhum, l’épopée de la dernière fois m’a suffi quand tes amis trouvères bon de vider la bouteille jusqu‘à la lied.
Ne dépense pas trop quand même, tu sais que satire un peu en ce moment au niveau des comptines.
Permets que je te stance un peu, ne psaume pas la moitié des courses en route, je connais la rengaine.
A ce soir, mon Alexandrin d’amour, je donne cet après-midi une aubade avec mes copines Ode Élégie mais je serai là, fraîche et prose, pour la réception.”
La jeune femme a raccroché puis elle a accéléré l‘allure ; si j’avais eu un portable, j’aurais appelé Épouse-Je-Suis-Pas-Les-Pompiers pour qu’elle vienne me chercher. Je suis rentré en claudiquant.