Ont consulté leurs f(r)iches
Laura ; Walrus ; Lecrilibriste ; maryline18 ; Kate ;
TOKYO ; Joe Krapov ; joye ; Yvanne ;
La maï capel. (Yvanne)
La maï capel – traduisez la mère chapeau – a fait partie des personnages insolites de mon enfance.
C'est ainsi que les gens du village nommaient cette veuve de guerre un peu folle. Nous les enfants changions le « p » en « m » et l'appelions « la mère chameau » ou bien la sorcière. En toute saison elle portait un galurin informe sur la tête. Elle usait jusqu'à la corde les chapeaux – tout comme les vêtements - qu'on lui donnait ou qu'elle récupérait aux ordures. Je ne vous dis pas la tête de Madame, la femme du Maire le jour où elle découvrit avec stupeur l'un de ses couvre chef hardiment planté sur le chignon sale de la Léontine. En vrai, elle s'appelait Léontine. Quel scandale ! Le Maire en personne vint récupérer le bibi de son épouse chez la bonne femme. Elle pouvait prendre tout ce qu'elle voulait dans les affaires jetées mais surtout pas ce qui avait été porté par Madame. Enfin tout de même ! C'est à cet incident regrettable que Léontine dut son surnom.
Léontine se le tint pour dit. Et la vie reprit comme avant. La maï capel donc, vêtue en toute saison d'un manteau noir – le deuil de son Marcel mort pour la France oblige – qui lui battait les jambes, chaussée de bottes en hiver et de sabots en caoutchouc le reste du temps se trouvait toujours où on ne l'attendait pas. C'est ainsi qu'elle surprenait les conversations, les disputes et les secrets des familles. Elle entendait tout. Et savait en jouer le cas échéant. Elle adorait mettre son nez partout, donner des avis qu'on ne lui demandait pas. Léontine avait l'art d'apparaître brusquement sans que l'on détecte le moins du monde sa venue. On ne pouvait pas dire pourtant qu'elle était transparente. Ça non. Plutôt une rude gaillarde. Et forte en gueule. De plus une vraie poissonnière ! Si certains accueillaient ses grossièretés d'un rire gras d'autres, dont les mères, poussaient leurs enfants devant elles dans les maisons pour préserver leurs chastes oreilles. Les grands-mères se signaient à la va vite pour conjurer les maléfices quand Léontine s'en prenait au Ciel ou au curé en blasphémant tout son saoul. Sa façon à elle sans doute de dépenser son trop plein d'énergie et de jeter sa hargne.
De fait, Léontine se faisait une joie mauvaise de débiter des cochonneries devant les gamins. Tout simplement parce qu'elle ne les aimait pas. Peut être parce qu'elle n'avait pas eu le temps d'en avoir avec son Marcel décédé peu après leur mariage en 1939. Aigrie sans doute, elle se vengeait de cette façon. Nous les enfants le lui rendions bien. Un coup d'œil rapide pour s'assurer qu'elle était absente et nous voilà à investir son jardin auquel elle donnait tous ses soins. Un jour, elle me surprit à arracher consciencieusement ses poireaux fraîchement repiqués. Vous imaginez la suite...
Bref. La Léontine n'avait pas que des défauts. On pouvait compter sur elle pour rendre service. Comme elle était forte comme un bœuf on lui demandait son aide pour les gros travaux. En échange on laissait ses chèvres pâturer dans les terres en jachère. Ses chèvres. Elle aimait ses animaux plus que tout au monde. Sa petite maison, son jardin et son bétail. Toute sa vie. Elle possédait aussi une vilaine bête vicieuse, bien encornée, mauvaise comme une teigne, un bouc nommé – allez donc savoir pourquoi – Degaule. Nous nous gardions bien de nous en approcher et nous contentions de l'asticoter et l'invectiver de loin. Il nous observait et, vif comme l'éclair fonçait sur nous. Ce qui nous faisait fuir en hurlant. C'était un de nos jeux favoris qui déplaisait bien sûr à sa patronne. Une raison de plus de nous en vouloir.
Degaule était il paraît un excellent reproducteur dont la bonne femme vantait les mérites. Et on venait de loin pour que l'animal honore les biquettes qu'on lui présentait. Ce qu'il faisait sans se faire prier. Bizarrement c'était toujours les hommes qui amenaient les chèvres. Pendant le travail, Léontine et le propriétaire allaient déguster un petit remontant. Ce qui ne trompait personne. La maï capel avait peut être mis son cœur en jachère depuis la perte malheureuse de son Marcel. Pas son berlingot.
Le terme jachère pose un problème particulier (joye)
Le terme jachère pose un problème particulier : il a complètement changé de sens depuis deux siècles. Changement qui, lorsqu’il n’est pas pris explicitement en compte, entraîne les malentendus les plus graves. - Pierre Morlon et François Sigaut, Les Mots de l’Agronomie
Ah, ces maux de l’agronomie ! Ah ces mots de langue !
Ah, ces mauvaises langues !
Dans le langage courant aujourd’hui, « en jachère » est l’état d’une terre qui pourrait produire mais qu’on laisse temporairement à l’abandon. - Idem.
Alors, il a bien labouré le terrain, il a semé sa jactance partout, il a sarclé le tout manuellement et à l’aide des outils. Autrement dit, il a bossé dur.
Mais, pendant plus de 1000 ans et jusqu'en plein XXe siècle, les cultivateurs ont appelé jachère l'ensemble des façons culturales de printemps et d'été qui préparaient les semis d'automne, ainsi que les terres qui recevaient ces façons, et la période de temps qui leur était consacrée.- Idem.
Il fait alors son deuil, arrosant ces champs de ses larmes de dépit.
Car ceux qui se croient les propriétaires fonciers foncent,
et jalousent soigneusement leur othentique,
ils manient vicieusement leurs pioches.
Leurs charrues voraces ameublissent la confiance
et retournent la joie de se cultiver.
Mèfi donc au pissenlit.
C’est le barbare à la porte.
Mais il mourra bien, tôt ou tard,
surtout si l’on l’asperge bien
de poison.
Jachère (Joe Krapov)
Cette semaine où il fallait plancher sur le mot «jachère» mon imagination n’a rien donné. Rien n’a poussé.
Moi qui suis toujours prêt à mouiller la chemise dès qu’il s’agit d’élucubrer, eh bien cette fois j’ai eu le tricot stérile !
Et vous savez quoi ? Je me sens beaucoup plus en repos !
Et du coup je comprends pourquoi mon oncle Walrus si souvent botte (de foin) en touche ! |
Jachère (TOKYO)
Je suis en jachère, ma vie entière est en dormance.
Alors ce matin j’ai voulu me réinventer ;
Séchée, poudrée crémée, parée de sous vêtement DIOR couleur or d’une jupe Perry ELLIS noire mie longue et d’un pull Ralph Lauren bleu marine sur un chemisier de soie blanche je descends l’escalier pour affronter le soleil le vent et recevoir l’ensemencement du monde.
Et là nez à nez avec deux policiers en uniforme l’air très sérieux.
La première chose qui me traverse l’esprit , c’est qu’ils recherchent un violeur et qu’ils vont me demander de rester chez moi de fermer ma porte à double tour.
Bonjour ma petite dame me dit l’un deux.
Vous connaissez votre voisin de palier.
Avez-vous déjà eu des problèmes avec cet homme me dit l’un des policiers ?
Je n’allais pas leur dire que ce voisin en question me fournissait en champignons hallucinogènes
Depuis des lustres et que depuis je ne cessais de voir des écureuils sautillaient sur mon balcon.
Alors tout en candeur je dis non messieurs aucun problème.
Comme je vous l’ai dit ma vie était en jachère
Avec des
s
Écureuils trop bavards.
Jachère amère (Kate)
- J'attends, ma chère
Que votre coeur sorte de sa jachère
Puisque je sais que j'ai eu l'heur
En dansant tout à l'heure
De vous plaire
- Mais Jacques, duc de Nemours
N'avez-vous pas promis votre amour
À la reine d'Angleterre
La Cour n'en fait pas mystère
Et j'en suis si amère
- J'affirme, très chère
Que je vais devoir défaire
Cette fausse rumeur
En temps et heure
Et libérer en retour
Mon coeur si lourd
- J'assume que votre beauté extraordinaire
Cher Duc, s'accorde avec votre galant caractère
Que je ne suis qu'une passion passagère
Qui s'évanouira dès que la chair
Sera repue, mystère aussitôt disparu
J'atteste que je préfère
Mon amour trop cher
Mener une vie austère
Mon coeur ainsi faire taire
À jamais mis en jachère
Dans son inaccessible désert
Plutôt que plaire
Au risque de déplaire
Défi #719, douze ans plus tard, même inspiration que pour le Défi #99...
Merci à tous pour votre merveilleux accueil !
La terre en jachère (maryline18)
La terre se repose,
Hôtel aux portes closes,
Pour qu'un tubercule ose
Le saut d'un virtuose .
Aucun ne s'y oppose,
Pas même, les diseurs de proses .
Elle risque la sténose,
S'assèche et s'ankylose,
Sans qu'il ose... La myose
Et puis la toxicose
Ferment son iris rose.
La terre fait une pause.
Quand elle se surexpose
Espérant la symbiose
Elle récolte l'écchymose .
Quelle âme trop myélose !
Quand elle se sous-expose
Alors sa tête explose,
Craquelle, vient la névrose
Et la voilà morose.
Ma Jachère insolite (Lecrilibriste)
Dans l’angle de ma cervelle en jachère
Des mots se sont posés résignés
Tout Tristes de ne servir à rien
Mais cette jachère insolite
Colorée comme les maisons
De St Pierre et Miquelon
N’attend que le défi du samedi
Pour surgir tout à fait indocile
Prompte à rêver, Difficile à dompter
Pour couvrir des pages encore inexplorées
De coquelicots et de calicot
De centaurées et de censuré
De cosmos et d’éros
De gypsophiles et chlorophylle
De fleurs de lin et de fifrelins
D’aneth et de clarinettes
Et après avoir explosé
Comme une grenade dégoupillée
En mille couleurs
En mille rimes
En mille odeurs
Tous s’en retournent rêver
Dans l’angle de ma cervelle en jachère
En attendant de ressurgir
Et de rosir de plaisir
D’ encore s’entendre interpeller
Dans cet incroyable glossaire
Crévindiou ! (Walrus)
Jachère, maintenant !
Parie qu'il est même pas foutu de faire la différence avec "friche" !
Mais c'est pas ça qui va l'empêcher de nous la coller dans les gencives !
Qu'on la lui laboure sa jachère !
De la jachère au potager ou les haricots magiques (Laura)
Le propriétaire de notre premier appartement commun avait un terrain attenant en jachère. Un jour, mon mari et notre voisin et meilleur ami demandèrent l'autorisation de travailler cette terre avant d'y semer. Un autre voisin qui avait aussi un terrain, nous avait dit qu'une terre qui n'avait pas été travaillée depuis longtemps devrait bien donner. Ce fut le cas. Je ne goûtais pas les tomates car j'y suis allergique. Par contre, nous eûmes une belle récolte de haricots verts. Mon mari partait le lundi, rentrait un soir de la semaine puis repartait et rentrait le week-end. En son absence, notre meilleur ami et moi, nous mangions des haricots verts chez lui ou chez nous: le midi, le soir, le midi, chauds, en salade, chaud etc. Ils étaient excellents mais ça lasse quand même. Alors quand mon mari rentrait et qu'il était impatient de manger nos bons haricots, nous nous mettions à rire tous les trois.