Sois fait (Shivaya-warduspor)
Sois futile
te servira toujours un vers
Sois funambule
de shamp' sous la douche
Sois farfadet
l'aube pour être à l'heure à l'apéro
Sois fairplay
faire du stop sous cette chaleur, c'est la mort
Sois finaude
à l'amour, apaise les gorges chaudes
Sois fourmi rouge
et rien ne bouge, soit tea for two et l'addition, merci
Sois facétieux
trinque avec les étoiles
Sois frivole
un oeuf c'est l'anarque, soit wanadoo paie un coup
Sois ferrailleur
ici on tète à tout heure
Sois flibustier
li guipières ci dimodé
Sois fatale
mens ça dessèche
Sois féconde
fée blonde ou brune, mais fais quelque chose, fait soif
Elle a soif (cartoonita)
Elle ne pense qu’à ça
Ça ne la quitte pas
Non, elle ne survivra pas
Si le petit ruisseau ne coule pas
Il faut qu’elle s’abreuve
Mais il n’est plus là
Elle se regarde de haut en bas
Et amère, fait le constat :
Silhouette ratatinée, de ne plus être enlacée
Mains recroquevillées, de ne plus être menottées
Lèvres sèches, de ne plus être embrassées.
Sourire fané, de plus être frôlé
Peau racornie, de ne plus être caressée
Poitrine retombée, de ne plus être titillée
Mamelons rabougris, de ne plus être suçotés
Cuisses flétries, de ne plus être écartées
Lèvres sèches, de ne plus être arrosées
Mont de vénus aplati, de ne plus être conquis
Besoin organique de son eau de vit
Déchirant besoin de Lui
Elle se meurt, sans Vit
Cette sensation de vide
Ces entrailles arides
En manque, pas remplies
Glissade d’un corps putride
Saturé d’envies non assouvies
Descente dans la non-vie
Plus de vis-à-vis
Sans vit
L'inavouable potomanie d'Emma (Val)
Emma n’avait que faire des voitures. Elle se moquait ouvertement de ceux qui bichonnaient leurs engins de tôle. Pour elle, c’était le comble de la beaufferie. Elle raillait également ces pauvres mecs qui se sentaient forts et bien montés en volant de leur grosse et puissante voiture en érection. Elle pensait volontiers que les grosses bagnoles bien tape à l’œil étaient le pénis de substitution des impuissants et de tous les frustrés.
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Emma avait bien sûr une voiture, mais une toute petite, qui était simplement pratique. Pas jolie, pas rapide, pas équipée. Juste pratique. Ça tombait bien, c’était la seule chose qu’elle demandait à une voiture. Sa vieille Saxo avait le même statut que son robot de cuisine : une machine qui facilitait son quotidien. Une machine stupide, mais nécessaire. Ni plus, ni moins.
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Elle n’avait rien demandé, cet après midi là. Elle voulait simplement rendre service… Une voiture pour transporter des objets sales, elle en avait une : la sienne. Peu lui importait qu’on charge son coffre de terre ou de ciment. Une bagnole, c’est comme un robot, ça se lave ! D’ailleurs, elle avait du mal à comprendre que ses amis se refusent à charger des choses salissantes dans leur bagnole. Une voiture, ça sert à ça, après tout !
En échange, sans qu’elle ne demande rien, on lui avait remis le sésame. Elle avait décliné, mais les amis avaient insisté pour qu’elle la prenne, au cas ou elle en aurait besoin…
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Elle vit sa vieille Saxo partir, et regarda de plus près le robot dernier cri garé dans sa cour. Elle dut admettre que la « chose » était tout de même très belle, pour une bagnole. Une petite sportive allemande gris métallisé, aux lignes élégantes, mais un peu trop clinquante. Ses amis aimaient s’entourer d’objets de luxe qui faisaient leur petit effet. Elle faillit tourner le dos à l’engin avec dédain et rentrer chez elle lorsque soudain, elle fut prise d’une violente soif : il fallait qu’elle s’assoie au volant. Et vite !
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Elle ouvrit la portière brusquement, s’installa à la place du conducteur, et sa soif était toujours présente. L’envie était trop forte. Il fallait qu’elle aille plus loin pour l’épancher. La clef lui brûlait les doigts comme une bouteille déposée sur une table nargue l’assoiffé. Presque malgré elle, elle l’enfonça et la tourna.
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Quelques secondes plus tard, elle réalisa qu’elle était sur la route au volant de la belle allemande , comme on est surpris parfois en portant son verre à ses lèvres et en constatant qu’il est déjà vide. Il était trop tard pour faire demi tour. Quitte à apaiser cette soif soudaine, autant l’anéantir complètement.
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Elle fit un tour en ville, et il fut plutôt décevant. Sa gorge restait sèche, presque douloureuse. L’eau tiède des ronds-points et feux rouges ne la désaltérait pas. Elle rêvait d’un verre d’eau glacée, rempli de glaçons, de ces gorgées qui donnent d’agréables frissons, mais aussi cette petite culpabilité de faire quelque chose de mauvais pour soi. Boire de l’eau glacée n’est pas très bon pour l’organisme, c’est bien connu. Mais c’est si tentant, quand on a soif…
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Elle suivit les panneaux bleus et se retrouva sur l’autoroute. Sa soif diminuait. Maintenant, elle buvait par gourmandise. Les cent cinquante chevaux hennissaient sous le capot. Eux aussi, ils étaient assoiffés. C’était un cri de complainte qu’ils poussaient à chaque accélération. « Plus d’eau, donne-nous plus d’eau. Plus fraiche, encore plus fraiche, l’eau ! ». Les pneumatiques aussi semblaient boire le bitume. La voiture entière avalait la route d’une gorgée. Et Emma frôlait la potomanie. Elle but beaucoup. Beaucoup trop. Beaucoup trop vite. Elle but comme boit un adolescent qui découvre les boissons alcoolisées. Elle but de l’adrénaline jusqu’à l’ivresse.
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La crise dura une bonne heure, et puis elle n’eut plus soif. Il fallait rentrer, à présent. La voiture avait beaucoup trop bu, et comme Emma tenait à sa réputation, elle avait pris soin de passer à la station service avant de rentrer. Elle rangea la belle sportive à l’endroit précis ou elle l’avait démarrée, eut la précaution de remettre le compteur à zéro et ferma la portière avec ce sentiment étrange qu’ont les fêtards les lendemains de cuite.
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Quand ses amis revinrent, elle leur expliqua, l’air détaché, qu’elle avait eu une course urgente à faire, et s’excusa d’avoir touché au compteur… elle s’était trompée de bouton !
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Le scénario, depuis ce jour, se répète régulièrement. Addiction honteuse, inavouable.
. La Saxo d’Emma, bizarrement, tombe très souvent en panne. Elle a de la chance, Emma, ces amis à la grosse sportive allemande lui prêtent volontiers la leur quand la sienne est immobilisée.
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Emma ne se désaltère plus du premier frisson, celui de l’eau plate, même très glacée. Sa soif est devenue plus exigeante. Elle invente et teste désormais mille cocktails différents pour l’apaiser. Son préféré reste le subtil mélange de l’eau de pluie et de l’épingle à cheveux. Elle prise également les chemins creux par temps clair, mais les preuves de son vice sont plus longues à dissimuler après la crise.
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Ses proches, ignorant son addiction honteuse, lui conseillent de changer de voiture, la sienne n’étant plus très fiable . C’est vrai quoi, une voiture qui tombe en panne tous les mois, c’est du jamais vu ! C’est pas qu’ils en ont mare de lui prêter la leur, mais la situation n’est pratique pour personne…
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Emma leur répond innocemment qu’elle changerait bien de voiture, mais elle n’y attache que si peu d’importance…
Une bagnole neuve et clinquante, c’est le comble de la suffisance ! Et encore plus si elle est puissante
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Non, vraiment, Emma préfère garder sa petite voiture pratique. Les bagnoles, c’est pas son truc. Elle, elle est si sobre comparée à ces insensés inconscients qui se croient invincibles, une fois au volant de leurs pénis en tôle…
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Eté 1976 (Berthoise)
Cet été-là, il faisait chaud. Dans la campagne, la terre criait sa souffrance sous le soleil plombé. La plaine d'ordinaire riche, nourricière, généreuse ne donnait qu'un maigre blé jauni et souffreteux. Les maïs parfois si hauts étaient restés au ras du sol comme nanifiés.
Dans les pâtures, les bêtes broutaient une herbe sèche et rare, on avait même abattu quelques pommiers pour qu'elles puissent trouver un peu de verdure dans le feuillage. Les arbres gisaient au milieu des prés, triste paysage.
La rivière dans son lit avait baissé, découvrant des berges d'abord boueuses puis craquelées en grosses mottes de terre compacte et dure. Les mares avaient disparu, laissant derrière elles un fond nauséabond où pourrissait avant de sécher un mélange végétal et animal aux relents méphitiques. Les chemins tourbillonnaient de poussière à la moindre brise...
Devant les maisons, le sol des cours se craquelait. Aucune fleur n'égayait les plates-bandes. Le village, tous volets fermés, semblait muré dans un silence vibrant, car personne n'affrontait la chape qui étreignait la vie. Chacun essayait de se préserver, les mouvements étaient ralentis et réduits à l'indispensable. Le moindre effort provoquait la transpiration et l'impression douloureuse d'être agonisant. Quand le soir venait, tard, quand le soleil enfin acceptait de mettre un terme à son œuvre de chauffe, l'obscurité ne changeait rien ; on continuait à souffler. Dans la nuit, les insectes entonnaient un chant qui agaçait. Les draps poissaient au contact des corps en sueur. Le sommeil fuyait jusqu'aux enfants qu'on entendait pleurer par les fenêtres ouvertes.
On espérait la pluie.
Soif (Alice)
Soif de tes mains Soif
Soif de ta peau Soif
Soif de ton corps Soif
Soif de tes mots Soif
Soit de tout toi Soif
Soif
Ma bouche orpheline
Soif…
L’As des As (Tiphaine)
Il était une fois quatre amis qui vivaient en harmonie dans une maisonnette au cœur de la forêt des Cartes Oubliées. Quiconque passait par là remarquait immédiatement l’impressionnant toit qui était couvert de tuiles décorées aux quatre couleurs. La petite porte d’entrée était surmontée d’une plaque en céramique qui indiquait à l’éventuel visiteur les formalités à accomplir pour en franchir l’accès :
Maison des As, Règlement :
1. Enlever son chapeau,
2. Ne parler que quand on y est invité,
3. Déposer armes et parapluies sous le paillasson,
4. Jokers, s’abstenir.
Les quatre As n’aimaient pas les visites imprévues et souhaitaient se prémunir à tout prix des bouleversements dont ils n’étaient guère coutumiers.
Un beau jour, en réalité, nous pouvons bien vous le dire, il faisait toujours beau dans la forêt des Cartes Oubliées mais c’est une sorte de convention littéraire que nous nous devons d’appliquer… Un beau jour, un étrange personnage apparut au bout du sentier. Un drôle de bonhomme, qui avait l’air d’hésiter à chaque pas et paraissait même parfois sur le point de rebrousser chemin. Bon gré, mal gré, il arriva enfin sur le seuil du logis et lut la pancarte avec une application touchante. Il enleva son béret rouge et son épée puis les déposa comme convenu, sous le paillasson. Débarrassé de ses attributs, il semblait encore plus intimidé…
Après quelques minutes, il se décida enfin à frapper. La porte s’ouvrit et l’individu sus non nommé pénétra dans un salon au milieu duquel une chaise avait été placée probablement à l’intention du visiteur. Il marqua un temps d’arrêt et son visage montra tous les signes d’un intense questionnement. Tandis qu’il se perdait en tergiversations, une voix l’interpella soudain en l’enjoignant de décliner identité et motif de la visite.
Il s’exécuta fébrilement en expliquant qu’il avait pour nom Tudinaire et qu’il était le valet de la Reine Denim (fort connue pour ses djinns mais là n’est pas la question). Cette dernière priait les quatre As de bien vouloir déterminer rapidement lequel d’entre eux était l’As des As car la forêt des Cartes Oubliées souffrait de plus en plus d’un cruel manque d’organisation. Il lui fallait un chef, d’urgence…
Dans la pièce voisine, planqués derrière un miroir sans tain, les quatre As regardaient leurs reflets en chiens de faïence… L’heure était grave… L’instant tant redouté venait de se produire… Il leur fallait élire un chef…
Le plus petit d’entre eux prit alors la parole :
- Tudinaire , voilà ce que tu diras à ta maîtresse. Il nous est impossible de choisir, nous avons déjà retourné la question plusieurs fois depuis plus de mille ans, chacun d’entre nous a l’étoffe d’un manageur de première main, c’est le peuple de la forêt des Cartes Oubliées qui devra trancher par l’intermédiaire d’un vote. Il aura lieu dans huit jours, sous le grand chêne, à midi pile…
La voix se tut subitement. Le Valet Tudinaire attendit un moment. En vain. La porte s’ouvrit et il crut comprendre que c’était là la réponse qu’il attendait. Il finit donc par partir, non sans avoir hésité à de nombreuses reprises…
Huit jours plus tard, les habitants de la forêt se réunirent au lieu convenu. Ce n’étaient que bruissements inquiets et frôlements de papiers à mesure que la rumeur enflait et que l’heure du vote arrivait... Placardée sur l’immense tronc, une affiche indiquait aux électeurs les quatre programmes des quatre candidats.
Pour mettre fin au suspense qui vous étreint indubitablement, nous vous livrons sans attendre les slogans tels qu’ils étaient accrochés sur les quatre branches du grand chêne.
- Votez pour l’As Ticot ! Vous serez dans le dico !
- Avec l’As Sassin, plus besoin de médecin !
- Avec l’As Pirine, vous aurez bonne mine !
- Votez pour l’As Oif ! Ouaf ! Ouaf ! Ouaf !
Les habitants de la forêt des Cartes Oubliées n’étant pas cabots, ils votèrent en masse pour Oif, son slogan ayant fait mouche.
C’est ainsi, chers amis des défis, que l’As Oif devint l’As des As ce qui illustre parfaitement le vieil aphorisme pékinois que d’aucuns attribuent à Confucius lui-même :
« Tire Li Pin Pon Sur Le Chihuahua ! »
Tantale (Pandora)
Il a l’impression que sa langue occupe toute sa bouche, et il peine à respirer. Elle est tellement grosse qu’il ne risque pas de l’avaler s’il tombe inconscient. Sauf s’il la mâche avant. De toutes façons, ils ne le laisseraient pas leur échapper en s’évanouissant. Ils seraient vite là à le ranimer. En lui donnant des coups de pieds dans les côtes. Ou un seau d’eau glacée… De l’eau… Oui, ce serait tout à fait leur genre, lui balancer de l’eau glacée à la figure pour le regarder laper avidement les quelques gouttes au sol, comme un chien. Non, on traiterait mieux un animal, même dans ce pays. Boire…
Ils lui ont pris ses vêtements et il git nu dans sa pisse et ses excréments. Il n’a même plus la force de tenir accroupi et la hauteur de la cellule ne lui permet pas de se mettre debout. Au moins il n’urine plus, il n’a rien bu depuis… Combien déjà ? Sans fenêtre, c’est vraiment difficile de se rendre compte du temps qui passe. Il a tellement soif.
Ses lèvres craquelées lui font mal mais sans salive, il ne peut plus les humidifier. A quoi bon d’ailleurs? Il a peur de ne plus réussir à rentrer sa langue s’il la sort. Il pleut dehors. Un orage tropical. Il entend les gouttes qui martèlent la tôle ondulée du toit de sa cellule. Il boirait même de l’eau croupie…
Tantale !
En sept lettres. Supplice du bras trop court. C’est le mot qu’il cherchait. Quand il faisait ses mots croisés à la terrasse du café, juste avant que ces hommes ne l’emmènent et ne l’enferment.
Si au moins il comprenait ce qu’ils veulent de lui.