Houssomanie (Célestine)

Arbre et toile

 -Viens vite voir ! Incroyable !  Notre voisin, monsieur Frileux,  a accroché sur tous ses arbres de grandes toiles représentant ... des arbres! Il est tombé sur la tête ou bien?
-Il a certainement atteint la forme aiguë de sa houssomanie...regarde donc dans le dictionnaire médical!

Houssomanie, n. f., (de housse, et de manie)
Syndrome dont souffrent certains individus ( appelés houssomaniaques) après l'achat d'un matériel neuf ( table, canapé, voiture etc.) et déclenchant chez le sujet l'irrépressible besoin de dissimuler les choses sous une toile cirée, une couverture ou une housse.
Dans la forme aggravée de la maladie, c'est sa vie toute entière que le sujet met sous une housse.


-C'est grave, non?

-Non!  Enfin si!  Le monde est plein de gens comme monsieur Frileux...ils laissent consciencieusement les pellicules de protection sur les écrans et les fours à micro-ondes...ils protègent leurs sols en bois magnifiques avec un linoléum tout moche, ils ne sortent jamais leurs jolies assiettes de peur de les casser, ils passent des heures à choisir un magnifique sofa rouge, pour le recouvrir aussitôt et pour toujours d'une affreuse couverture beigeasse. Et les sièges de leur voiture restent désespérément neufs... pour le prochain propriétaire!
-C'est plutôt triste!
-Oui, tu as raison...Ils gardent aussi leurs beaux habits pour une hypothétique "grande occasion", laissent faner leurs fleurs au jardin sans jamais, surtout, en cueillir quelques unes pour éclairer leur table d'un bouquet, en somme ils vivotent à la petite semaine sans jamais vraiment profiter de la vie...ils regardent l’existence à travers des tissus de protection, des filtres, des écrans, des objectifs de caméras, mettent leurs beaux objets sous cloche, leurs papillons punaisés dans des cadres et leurs bijoux dans des coffres forts fermés à quadruple tour...Une vie de naphtaline, d'argenterie inutile dans des écrins qui se mitent  et de patins de feutre pour glisser sur les parquets…
-Moi, je serais sa femme j’aurais peur de me retrouver sous un drap blanc comme un meuble ancien que l'on ne sort que trois fois dans l'année !
-Muahaha ! Tu es drôle ! Je ne sais pas...mais pauvre Monsieur Frileux, tout de même! Comme si on pouvait avoir hâte de se retrouver dans un linceul, qui n’est jamais qu’une housse de plus, l’ultime housse…brr! C'est qu'en réalité, il est mort depuis trente ans, et il ne s'en est pas encore aperçu...Qui lui dira que la vie, c'est tout de suite? Ici et maintenant? Quand on en a envie...Qui lui chantera que la beauté des choses  étincelle, illumine le quotidien, et qu'elle n'a nul besoin d'être emballée dans un cache-pot?
-Et si on allait  dans son jardin décrocher les toiles?
-Et si on allait plutôt lui apprendre à décrocher les étoiles?

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Deux toiles (MAP)

Sur toile tendue

bel hommage à la Nature

     entre arbres complices ...

Sur toile tendue

 

Sur l'arbre accueillant

chevalet improvisé

Translucidité ...

 

Sur l'arbre accueillant

 

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Miroir, Miroir... (Prudence Petitpas)

Miroir, miroir, dis moi qui est le plus bel arbre de la forêt…Mais personne ne répondit à la question lancé en haut du ciel, juste les oiseaux qui chantaient de plus belle, les insectes qui papillonnaient, les feuilles qui tourbillonnaient du haut de leur branche ralentissant la course pour être la dernière à toucher terre… Miroir, miroir, reprenait un peu plus fort, le grand acacia du jardin, dis moi qui est le plus bel arbre de ce hallier ? Et le vent qui soufflait sa chanson, se moquant de la question, les nuages qui se bousculaient au dessus de la clairière laissant une trace blanche dans leur sillage, les oies qui planaient aux cimes des grands feuillus ricanant de les voir faire du sur place… Miroir, miroir, pleurait un peu plus le baliveau, dis moi qui est le plus beau ?

Une voix s’éleva dans les airs, une voix aigu, puissante, qui figea le temps, les oiseaux se turent, les insectes s’arrêtèrent de moustiquer, les feuilles tourbillonnantes restaient en suspension, le vent stoppa sa course, les nuages paralysés ramassèrent leur copie, les oies perdirent leurs ailes dans la foulée… la voix monta du plus profond du néant pour poser ces quelques mots à l’attention du quémandeur… « Monsieur l’arbre, vous êtes le plus beau de tous ces bois, mais à quelques lieux de là, pousse un arbrisseau, encore tout petit, mais qui sera MILLE FOIS PLUS BEAU QUE VOUS….d’ici quelques décennies… »

Puis le silence, un silence tendu, un silence froid, un silence de mort, le ciel s’obscurcit en plein après midi, le vent se mit à souffler sans chanter, les oiseaux s’affolèrent dans les branches… L’arbre qui avait posé La question se courba en deux, puis en trois, il perdit d’un coup toutes ses feuilles qui ne trainaient plus pour mourir la dernière sur le sol, les insectes en escadrons partaient dans tous les sens, le temps suspendu avait reprit vie mais comme après l’apocalypse… des nuages, déferla une pluie torrentielle, les oies courraient vers les pays chauds sans demander leur reste. L’acacia se mourait lentement, la jalousie venait d’entrer en lui comme un ver et ’empoisonnait sa sève. Il se redressa alors, prit sa respiration et poussa un grand cri énorme qui le laissa foudroyer sur place… il avait trop mal, il ne pouvait plus vivre, impossible de se déplacer jusqu’à l’arbrisseau pour le détruire afin de rester le plus beau… il n’avait plus qu’à mourir et lorsque les bucherons qui l’avaient repéré depuis plusieurs semaines, arrivèrent pour le tronçonner, il ne résista pas un instant, laissa ses branches se découper en mille morceaux et il ne resta de lui qu’un décalcomanie de son image collé sur le mur de la chambre d’un enfant tout petit, petit qui un jour deviendra si grand, si grand… comme lui…

 

pru01

 

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Papillon (Pascal)

Mon Amour, sur le vieil arbre au fond du jardin, il reste encore des papillons posés qui ne semblent pas craindre notre froid. Pourtant il s’est bien avancé, notre automne drômois. Les pluies en ont décimé un grand nombre ou bien ils se sont  envolés précipitamment avec les premiers vents soutenus. A l’évidence, les branches noircies se clairsèment et l’on devine aujourd’hui facilement la nudité précaire de l’arbre se découvrant de tous ses hôtes éphémères.  

J’ai passionnément assisté à toutes leurs mues successives, du précoce printemps jusqu’à maintenant ! Si tu avais eu ma vision de leurs parures, tous ces fondues aux verts si tendres, dans leurs bruissements de première éclosion ! Ils accaparaient le paysage avec toutes leurs dévotions dépliées, dédiées à notre Dame Nature. Chaque recoin de l’espace s’infestait de leurs simagrées de jeunes prétendants, encouragés par notre soleil retrouvé. Ils étaient si nombreux qu’ils s’amusaient à faire des ombres passagères dans le jardin !

Parfois un plus superbe qu’un autre dépliait ses ailes en grand pour inaugurer dans l’azur bienveillant d’autres dessins plus subtils, plus aboutis, plus grandioses et toute l’équipée de la branche l’accompagnait dans cette sublime contagion de couleurs incroyables !
Chacun d’eux avait ses propres nuances élaborées avec une infinie précision comme si Notre Créateur avait personnellement ajouté sa touche finale au pinceau de ses conceptions.

Tous les jours, il en arrivait d’autres ! J’ai pensé que cette belle saison était propice à leur migration car tous les arbres, les uns après les autres, se garnissaient copieusement de ces gentils hôtes multicolores ! Ils n’étaient pas farouches, non ! Ils se multipliaient comme une grégaire troupe bigarrée à l’assaut des arbustes. Ils envahissaient de beauté aérienne les alentours.

J’étais dans le jardin du matin au soir ! Je guettais les nouveaux arrivants même sur la plus petite des plantes ! Ils offraient leurs ailes ouvertes à notre soleil. Ils se réchauffaient avec leurs couleurs chatoyantes en opposition complice dans le décor du paysage,  modifiant même les apparences ! Ils bourdonnaient de plaisir quand un zéphyr se laissait prendre dans le labyrinthe des branches perchoirs. Ils chuchotaient des chansons de batifolage nocturne quand le crépuscule avait caché dans l’horizon les dernières lumières du jour.

L’été chaleureux fut toute une symphonie orchestrée au rythme magistral de leurs incandescents frémissements incessants. Ils étaient tellement nombreux que les branches pliaient sous leurs poids de plume ! Ils avaient soif, je leur donnais à boire…  J’en avais apprivoisé ! Ils se laissaient caresser ! Je pouvais les admirer de près.

Certains, précoces, ont commencé à changer doucement leur parure. Devenus adultes, leurs habits de fantasia se sont ornés de nouvelles couleurs plus chaudes, plus flamboyantes, plus en harmonie avec les premiers rayons obliques de notre soleil capricieux. C’était comme l’annonce imminente du grand bal de l’automne. Si tu avais vu tous mes beaux papillons volages se tendre sur leurs branches avec un empressement de grand voyage !
D’autres s’enroulaient rougissants comme s’ils étaient pris d’une grande pudeur à l’approche d’un aquilon puissant. C’est comme si l’arbre s’enflammait de tous ses papillons animés !

Un jour d’automne, un peu plus froid, avec quelques frissons, ils ont tenté de s’éparpiller dans le vent. Moi, j’aurais bien aimé les retenir ! Dans leurs robes de salon, ils ont commencé à s’envoler en tourbillonnant. J’avais l’impression que chaque arbre tutélaire avait sa propre symphonie pour se défaire de ses pensionnaires ! Un peu désemparés, un peu étonnés, un peu incertains, ils volaient ! Ils tourbillonnaient ! Ils valsaient… Ils se sont même retrouvés dans des spirales dansantes endiablées !

Si tu avais pu participer à l’émancipation merveilleuse, au vertige sidéral de toutes ces couleurs libérées ! Les rouges se mélangeaient aux ocres ! Les jaunes se remarquaient avec leurs arabesques conniventes avec les ambres ! C’était un feu d’artifice de couleurs ! Ils dansaient près de mes yeux mélancoliques ! Hé oui, je m’étais habitué à leur présence moirée !

Au moindre froissement, au plus petit chuchotement de la brise, à la rumeur d’un alizé, ils étaient aspirés dans le ciel ! Chaque papillon détaché avait son envol précieux ! C’est comme s’ils s’enivraient d’incessantes poursuites diaprées. J’en ai vu qui planaient dans des courants ascendants remplis de vraie certitude de haute voltige. Dans une bourrasque soudaine, il en partait des centaines ! Je suis sûr qu’ils s’enfuyaient à la recherche de terres africaines !

Au début de l’aventure, je comptais les absents ; maintenant, je compte les présents encore agrippés à leurs branches comme des naufragés sans espoir. Leurs ailes sont atrophiées, elles sont craquantes, mordorées comme brûlées par le temps et je crains pour mes papillons des desseins de chute sans évasion. Comme une naturaliste sauvage, la pluie chagrine en a collé sur le sol détrempé, le maudit vent emprisonnant en a grillagé des milliers dans ses filets de clôture et je soupçonne mon voisin de griller ceux qu’il a ratissés en tas morts.

Sur leurs ailes rabougries, les couleurs se sont éteintes dans une mixture embrouillée de mauvais peintre fou. Chaque matin, je dénombre ces quelques obstinés encore accrochés à leurs branches frileuses. Si je pouvais, je les garderais jusqu’au printemps prochain. Je ferais la nique à l’année, celle qui nous tue un peu plus, tous les jours fanés. Dis-moi mon Amour, où vont les grands papillons quand la saison de l’hiver les tue sans rémission ?...

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99 dragons : exercices de style. 25, Arrêt de justice (Joe Krapov)

DDS 297 Saint-Louis 3

Cour de Cassation
Chambre civile 2
Audience publique du 24 octobre 1257
N° de pourvoi : 57-11359
Publié au bulletin.

Président : Sa Majesté Louis IX, roi de France ; Rapporteur : M. Grand-Saint-Eloi ; Avocat(s) : M. Marron, la SCP Rina, Bühler et Tarinetta-Bella (arrêt 1), la SCP Sarcozoute Van Ty (arrêt 2) ; Avocat général : M. Castagnetas.

Titrages et résumés : ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Indemnisation - Exclusion - Victime autre que le cavalier - Faute inexcusable.

Définition : Seule est inexcusable, au sens de l'article 4 de la loi n° 45-677 du 5 juillet 1245, la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience. Par suite viole le texte susvisé l'arrêt qui déduit l'existence d'une faute inexcusable des énonciations selon lesquelles, après avoir marqué un temps d'arrêt au signal "dragon prioritaire" et circulé ensuite sur une voie d’auto-défense, le chevalier Saint-Georges s'est engagé sur la voie réservée aux véhicules de livraison de moutons alors que survenait sur cette voie un dragon princessophage riverain et qu'il a ainsi manqué à l'une des obligations édictées par l'article R. 27 du Code de la route en caillasse en ne cédant pas le passage au dragon pourtant autochtone (arrêt 1). Viole également le texte susvisé l'arrêt qui déduit l'existence d'une faute inexcusable des énonciations selon

DDS 297 1000 bornes

lesquelles le chevalier Saint-Georges s'est engagé dans un combat sanguinaire sans respecter les obligations que lui imposait la présence d'un panneau "port d’armes prohibé" et que l'obligation de marquer l'histoire et de ne s'engager qu'après s'être assuré qu'il pouvait le faire sans danger, s'imposait d'autant plus à lui que, le parking du restaurant étant situé hors agglomération, les dragons peuvent jouer la carte «véhicule prioritaire» à une vitesse relativement élevée (arrêt 2) sans que le chevalier Saint-Georges ne dispose de la carte «camion-citerne», même pas dans sa manche, pour éteindre le feu craché par icelui.

ROYAUME DE FRANCE
AU NOM DE SA MAJESTE LOUIS IX

Sur le moyen unique :

Vu l'article 4 de la loi n° 45-677 du 5 juillet 1245 ;

Attendu que seule est inexcusable au sens de ce texte la faute volontaire, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ;

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que, dans une altercation, une collision-contusion se produisit entre M. Saint-Georges à cheval et le dragon géniteur de MM. Eliott, Ballzède et Coutainville, ici-plaignants, que celui-ci fut blessé, que ses descendants ont réclamé à M. Saint-Georges la réparation du préjudice subi ; que M. Saint-Georges, reconnu vainqueur, reprit la route avec indifférence ;

Attendu que pour exclure l'indemnisation des dommages subis du fait du chevalier Saint-Georges en retenant une faute inexcusable de la victime, l'arrêt se borne à énoncer que M. Saint-Georges s'est engagé dans le carrefour sans respecter les obligations que lui imposait la présence d'un panneau "Attention dragon" et que l'obligation de marquer l'histoire et de n’engager un combat qu'après s'être assuré qu'il pouvait le faire sans danger s'imposait d'autant plus à lui que, le carrefour étant situé hors agglomération, les vésicules empruntant la voie hépato-biliaire pouvaient s’enflammer à une vitesse relativement élevée ;

Qu'en déduisant de ces énonciations l'existence d'une faute inexcusable à la charge de M. Saint-Georges, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 22 mai 301, entre les parties, par la cour d'appel de Silène (Lybie) ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Vincennes pour un règlement du litige autour d’un échiquier avec obligation pour M. Dragon de jouer les coups suivants avec les noirs : 1.e4 c5 2.Cf3 d6 3.d4 cxd4 4.Cxd4 Cf6 5.Cc3 g6.

DDS 297 140501 068

(Photo prise à Barcelone le 1er mai 2014)

- Je ne comprends rien ! dit le roi. Si les faits remontent à 301, comment les plaignants peuvent-ils être encore vivants en 1257 ? Et surtout, n’y a-t-il pas prescription, avocat général Castagnetas ?

- Si fait, Votre Majesté. Si fait ! Excusez-nous, mais depuis que nous rendons la justice sous un chêne, des feuilles tombent parmi nos parchemins, surtout en automne, et celle-ci s’est trouvée mêlée à nos dossiers en cours.

- Vous pourriez faire le tri, quand même !

- Cela ne se reproduira plus, Majesté, nous vous le promettons. Passons à l’affaire suivante, voulez-vous ?

Tandis que l’avocat général entame la lecture d’un autre parchemin, le roi Saint-Louis se tourne alors vers son voisin et lui confie :

- On n’est vraiment pas aidés, Grand-Saint-Eloi ! Parfois j’ai l’impression d’être à la tête d’un royaume habité par des glands !

DDS 297 Saint-Louis et les glands

 

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Participation de Venise

J’ai coupé plus d’arbres en AMAZONIE qu’un alcoolique boit de bouteilles dans une vie.

Mais depuis le remords est si puissant que je ne peux m’éloigner d’eux plus d’une journée.

La lenteur des arbres a des manières de guérisseurs la nuit

Quand ils marchent vers nos maisons.

J’ai passé des étés dans leur chapelle de feuilles fraîches.

Il m’arrive souvent de repeindre leur visage et il prend alors une teinte d’icône.

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DANTE descend l’enfer comme moi qui descends chercher des bûches dans la cave.

Aujourd’hui j’entends leurs cris d’arbre au fond de mon jardin et accablé déprimé comme un pauvre diable je dessine leurs feuilles larmes sur le bas relief des défiants du samedi .

 

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Auprès de MON arbre (KatyL)

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Je suis à tes pieds mon chapeau posé à côté de moi, je te contemple accroché à l’arbre que je préfère du jardin.

Je t’ai dessiné et peins sur une toile de nylon pour laisser entrer le jour et la lumière au travers de ce fin tissu, j’ai pensé  que la transparence pourrait se jouer de mes teintes neutres pour cette fois.

Tu es mon âme, tu es ma vie, tes feuilles sont mes chemins, tes fruits mes réussites…

Je ne cherche pas à plaire à quiconque mais à être en paix avec moi-même.

Tout à l’heure j’ai vu des oiseaux  venir tout près de la toile et frôler la soie en un bruissement d’ailes qui pour moi sont comme les « je t’aime » que je n’ai jamais reçu !  Ces furtives envolées me donnaient le frisson de l’amour.

Je suis bien face à toi, apaisée, ressourcée, légère dans ma robe blanche je te respire comme je hume cette nature qui m’enveloppe bienfaitrice, tu voles au vent d’été comme un sourire.

J’ai posé mes pinceaux sur la table du jardin, ma palette encore chaude des rêves que j’y ai puisé, et je te contemple, mon désir de peindre ne sera jamais assouvi je le sais, c’est une chance inouïe que de pouvoir le faire, j’en tire une joie profonde et infinie.

Merci tissu vaporeux du bonheur qui m’inonde en cet instant fugace ! J’ai fini avec toi, mais j’ai tant d’autres toiles encore à peindre, des jours de pluie et d’hiver, des nuits de solitaire affamée de couleurs, des messages à déposer pour ceux qui veulent les voir.

Tu sais que les tableaux ne sont plus à moi une fois accrochés au regard des passants, aussi je te regarde une dernière fois en guise d’adieu, ils vont t’accaparer, te fixer, en faire chacun une histoire, et c’est bien ce que je veux, les donner, les partager.

Tu peux voler jolie toile tu emportes avec TOI  un peu de moi.

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Nos Feuillantines (Epamine)

Nos Feuillantines

 

Cousins, sœurette et moi, nous étions tout enfants.
Grand-maman disait: "Jouez, mais je défends
Qu'on arrache les feuilles de mon beau chèvrefeuille!"


J'étais l'aînée et je veillais sur les petits
Sous le feuillage du verger, l'après-midi,
Quand les abeilles fouillaient les trèfles à quatre feuilles.


Le matin, Mamie étalait la pâte feuilletée

Pour les tartes du déjeuner et du goûter

Ou sortait une recette de son grand portefeuille.


Le repas fini, elle prenait sa feuille de chou,

Cherchait feuilleton et funérailles de chez nous

Et nous lisait tout haut comment la vie s'effeuille.


Dans la vieille salle de classe qui fut salle de jeux,
Nous feuilletions les livres couverts de papier bleu

Et dessinions le monde sur rames et mains de feuilles.


Sous l'appentis-cabane, du matin jusqu'au soir,

Comme feuilles d'automne, s'envolaient nos histoires

Et nous jouions des heures à ciseaux-pierre-feuille!

 

Vrais héros des feuillets d'un nouveau "Clan des Sept",

Nous imaginions de savantes recettes

De soupe de terre fine, de cailloux et de feuilles.


A Noël, quand les froids flocons tombaient sans bruit,

On tremblait comme des feuilles en attendant minuit,

En faisant la fête autour de l'arbre sans feuilles.


Pour Hugo, le bonheur fut aux Feuillantines.

Pour nous, ce fut sous les feuillus de la colline.

Dites-le bien à ceux qui sont durs de la feuille!

 

Ep'

C7_vieux_moulin_ill_4866021641 - Copie

 

 

 

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Une feuille de trop (EnlumériA)

Elle était si pleine de vie. Si parfaitement conçue de… l’incréé. J’allais dire… de l’en-deçà ? Je ne sais pas si le concept existe. À vrai dire, je ne sais même pas si le terme existe. Mais il est vrai que la consigne m’a été donnée de nommer chaque parcelle de la Création. Désigner chaque chose, chaque plante et chaque animal par un nom qui lui est propre. Alors pourquoi pas un concept. L’en-deçà, ça sonne bien. En attendant l’au-delà.

Elle était si belle, la femme de ma vie. À mon époque, ce n’était pas un vain mot. Les Veilleurs racontent que dans les générations futures, chacun rencontrant sa chacune dira : « Voici l’homme ou la femme de ma vie ! » Tant pis s’ils ne se connaissent que depuis quelques jours et qu’ils n’ont aucune conscience de leur avenir. Tant pis s’ils construisent leur existence autour d’autres mots comme : égoïsme, colère, haine, divorce ou trahison. À l’instant où ils le penseront, ils seront sincères.

D’ailleurs, nous non plus n’avons aucune conscience de notre futur. Même ce mot n’existait pas il y a un instant. Je viens de l’inventer. Au commencement était le Verbe. Et moi, je ne suis que le vocabulaire. Tiens ! Vocabulaire ? C’est quel espèce d’animal ça encore ? 

Elle était rayonnante, Hawwah*. Chaque regard que je lui lançais était une offrande, une caresse, une grâce. Et elle me le rendait bien. Je me souviens qu’un matin, alors que je procédais à mes ablutions dans la fontaine de Jouvence, celle qui prend sa source sous l’arbre de vie, j’ai ressenti une tendresse furtive oindre mes épaules. C’était Hawwah qui m’observait, avec ce petit sourire radieux qui illuminait son visage ceint d’une chevelure dorée comme un soleil de mai. Parfois, il semblait que des rayons jaillissaient de ses iris bleu azur pour traverser les microcosmes à la découverte de tout mon être, comme si celui-ci faisait l’objet d’une perpétuelle création. Chaque fois qu’elle me regardait, j’avais l’impression d’être plus beau qu’un oiseau de paradis, plus adorable qu’un petit mars changeant**, plus resplendissant qu’un diamant vert sous une lune d’équinoxe.

Elle était resplendissante, mon Hawwah. À chaque instant du jour, son rire pressentait toutes les musiques à naître jusqu’à la fin des temps ; la courbe de ses reins, la rondeur de ses hanches et le galbe de ses seins invitaient à la célébration de l’amour ; la lumière de son regard inspirait tous les matins du monde et chacune de ses paroles proclamait une éternelle poésie.

Nous étions le Grand-Œuvre de la Création.

Et puis, ils sont arrivés avec leurs anathèmes et leur pudibonderie. Confits d’aigreur et de frustration, parés comme des clowns tragiques avec leurs stupides coiffes qui ne servaient qu’à grandir encore leur incommensurable ego, ils nous ont désignés de leurs mains desséchées.

Méprisant le décret du Créateur, imbus de suffisance, ils ont accusé mon Hawwah des pires turpitudes et ont chargé ses frêles épaules du poids de leur propre perversité. Non contents de nous accabler d’un prétendu péché originel, ils nous ont livrés à l’opprobre et affublés de cette absurde feuille de vigne qui ne sert qu’à celer ce qu’ils craignent le plus. La source de la vie. 

 

 

Hawwah : Ève en arabe et en hébreu.

** Le petit mars changeant est un papillon de la famille des Nymphalidae.

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