La Môm' Confitur' (Papistache)
Han ! I’ fait déjà jour ? J’ai l’impression d’avoir dormi sur un’ planche. Où c'que j'’ai passé la nuit ? J’étais si fatiguée, si fatiguée, hier. J’me souviens plus comment j’suis arrivée là. J’ai faim ! J’AI FAIM !
J’entends du bruit... des voix...
— “Bon, ma petite Ginette, tu sers Madame Brouet, tu t’occupes de Madame Verdon et après tu fais la chambre numéro 6.
— Oui, Madame Serge !”
Hum ! Ça sent bon ! La Ginette aussi è’ sent bon... un' odeur d' lavande ! J’aim’ bien la lavande. Ell' dépose un plateau devant un' vioque qui roupille encore. La mère Brouet, sûr ! pis un autre à côté du grand corps maigre, ça qui doit être la Verdon. Et moi ? J’ai pas d' plateau r’pas ? Hey ! Vous m’oubliez Ginette ! GINETTE ! Ell' est sourde. Eh ben, GINETTE, vous oubliez Madame... Nom d’un' marguerite ! j’me rappelle plus mon nom. V’là bien ! Oh ! Ginette ! J’ai la dalle ! GINETTE ! Tiens ! Parl' à mon Jules ! Ça f’rait l’mêm' effet !
Quelle nuit ! J’étais p’êt’ soûle hier ! Mais... c’est pas une raison pour m’priver de bectance ! La vioque Verdon, a pas cor’ remué un cil. J’y piqu’rai bien sa confiot’ ! Purée qu’è sent bon, sa confiote ! Quand j’aurai bouffé un' tartin’ ou deux, ça ira mieux ! J’m’ tir’rai d’ici et basta, mais enfin, j’aim’rais bien savoir pourquoi qu’on m’sert pas d’plateau r’pas, à moi. Faut-y que j’déclin’ mon identité ? Ma faut’ à moi, si j’ai oublié mon blase ? J’étais si fatiguée, hier ! J’sais pas c’que j’ai fait. J’ai les paluches dégueulasses, j’ai dû m’traîner jusqu’ici et finir au pieu à côté des vieilles grabataires de l’hospice. Purée, y z’auraient pu m’passer à la douche !
Bon, la Ginette a s’est tirée passer la wassingu' à côté ! Moi, la vioqu' Verdon, j’y bouff’ son casse-dall'. On verra bien si la mémoire m’revient. Hummm ! Hummm ! J’ador' trop la confiote aux z’abricots, si ça c’est pas du bonheur ! Ça m'frétill' dans l'abdomen ! Tant pis, j’y vais avec les paluches, c’est trop bon. Si Bezzito m’voyait, y’s’rait chocolat. Bezzito ? C’est’y qu’ la mémoir’ è’ m’reviendrait. C’est l’sucre à la confiote à la mère Verdon. J’lai toujours dit, l’sucr’, c’est bon pour la souvenance. Cor’ un peu avant de m’tirer. J’vais bien finir par m’rapp’ler qui j’suis ! J’me fais vieille ! Ça m’s’rait pas arrivé cor’ la s’maine dernière, c’tt’ affaire !
— “Eh bien Ginette ! Tu as encore laissé Madame Verdon toute seule. Tu sais bien qu’il faut la faire manger à la cuillère ! Et regarde, il y a une guêpe dans sa coupelle de confiture. Ma fille, je vais en parler à Monsieur le directeur !”
Une guêp’ ? Une guêp’ ? Non mais, est-ce que j’ai un’ taill’ de guêp’ ? Ah ! Ça m’revient ! J’suis un’ abeill’, eh, gourdasse ! Purée, j’ai les ailes qui poissent, j’peux p’u m’envoler, tu vas voir qu’la Gin...
Schriiiccchhht ! Oh ! Tout ce cirque pour une mouche à miel ! Voilà, c’est réglé ! De toutes façons, la mère Verdon, elle aime PAS la confiture aux abricots !