Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le défi du samedi
Visiteurs
Depuis la création 1 052 308
Derniers commentaires
Archives
1 novembre 2008

La lettre (Papistache )

A cette époque,  Mamoune et moi habitions un appartement au huitième étage d’une tour qui en comptait neuf. Notre fille aînée se traînait à quatre  pattes sur la moquette du salon. La sonnette de la porte d’entrée avait retenti. J’étais allongé sur le tapis à chatouiller Audrey, celle que j’appelle Rosette dans mes papistacheries. Les samedis matins, les entrepôts Percherons étaient toujours fermés, je profitais des joies de la vie de famille. C’était le facteur. Il tenait une lettre à la main. Je devais acquitter une surtaxe pour affranchissement insuffisant. Un franc dix. J’avais payé.

Le facteur dansait d’un pied sur l’autre, ma lettre à la main.
— Elle est à moi, maintenant !
— Oui... c’est que...
Il a expliqué que la lettre avait dû rester coincée derrière un meuble... on avait dû la retrouver à l’occasion d’un réaménagement de bureau... la direction présentait ses excuses... pour le retard... enfin, voilà, le pli était arrivé à son destinataire.

Effectivement :

Monsieur Patrice Rachée,
3 rue Sully,
tour F, appartement 24,
284** N*g*nt-le-R*tr*u.

C’est mon état civil pour toute la planète. Papistache est un nom d’emprunt, en fait, on me surnommait déjà comme ça au collège. J’ai perpétué l’usage en pénétrant les blogs.

J’ai salué le facteur. Je me suis approché de la fenêtre, il pleuvait et l’appartement était assez sombre. Audrey avait saisi un Nouvel Obs et en tournait les pages. On aurait pu croire qu’elle se passionnait pour la politique.

J’ai appelé Françoise (c’est le prénom dans la vraie vie de Mamoune dite Épouse-Aux-Mille-Qualités).
Le cachet de la poste, presque illisible, semblait indiquer 17 août 1916. Le timbre, collé de travers était une Semeuse rouge à dix centimes. L’adresse paraissait libellée au crayon gris, comme passée par le temps, mais c’était bien la mienne.
— "C’est une blague qu’un de tes collèges te fait. Voyons, en 1916, le quartier n’était pas encore construit. Occupe-toi plutôt de la petite qui mange le programme télé. J’ai encore à faire et, cet après-midi, nous allons voir tes parents."

J’ai enfoui la lettre dans ma poche et ne l’ai ressortie que le soir, une fois la maison endormie. Une Semeuse camée sans sol, en usage de 1907 à 1920. Mon catalogue Yvert et Tellier était formel.  Rien n’empêche un collectionneur de coller le timbre que bon lui semble  sur une enveloppe fatiguée. Cependant, la supercherie était habile.

J’ai ouvert l’enveloppe. L’écriture du simple feuillet, arraché à un carnet, était la même que pour l’adresse. J’ai bataillé mais je suis parvenu à lire :

Mon cher Patrice,
Je ne te connais pas mais je doit (sic) te prévenire (sic) qu’on va venir te chercher, je ne sais pas quand, je ne sais pas qui,  mais je doit (sic) te dire de ne pas les suivre.
Je suis un lâche, je t’ai vendu, et je voudrais défaire ce que j’ai fait.
Je ne sais pas si tu me pardonneras, ne les suit (sic) pas !
Ton grand-père

 

Caporal Charles Rachée.

 


Mon grand-père était décédé d’un cancer des intestins, en 1972, sept ans avant que je ne reçoive ce courrier. C’était incompréhensible. Je n’ai rien dit à Françoise. Je suis allé me coucher.

J’ai relu la lettre des dizaines de fois pensant percer le mystère. Le cachet était trop effacé pour y lire le nom du bureau de départ. Des lettres manuscrites S & M se devinaient en haut à gauche, tracées à l’encre violette d’une main qu’on devinait rageuse et énergique, mais évanescentes.
Si Pierre ou Jean, mes collègues de l'entrepôt, avaient voulu me faire une blague, ils n’auraient pu résister longtemps sans vendre la mèche. Rien.

J’ai conservé la lettre dans mon portefeuille. Je l’avais reçue le 18 septembre 1979 et “ils” sont venus me chercher le 8 février 1980. Soudain, la température a baissé dans le bureau où je terminais un bilan comptable pour les entrepôts. Mon souffle se condensa au-dessus du cahier de comptes. Je me suis retourné. Un homme enveloppé dans un long manteau m’a montré la porte d’entrée, m’invitant du bras à sortir. Je n’ai pas eu la présence d’esprit de refuser. Je me suis retrouvé sur le palier du huitième étage sans me souvenir d’avoir tourné la clé dans la serrure de la porte. Un autre homme se tenait dans la pénombre. D’un geste lent, il m’a indiqué les escaliers.  A chaque palier, se tenait un nouvel homme rigoureusement identique au précédent. Je ne distinguais pas leurs traits.  Arrivé sur le parking de l’immeuble, un des hommes m’a tendu une lampe pigeon et m’a montré l’entrée d’un chemin creux dont j‘ignorais qu’elle se trouvait à deux pas de la porte de la tour F. Je me suis enfoncé dans la nuit. (à suivre*)

*Je ne voudrais pas abuser de votre temps, mon texte est trop long, nous avions pensé que le sort des textes longs serait d'être coupés et la suite reportée à plus tard dans la semaine, seules ceux ou celles qui auraient accroché à la lecture y seraient revenus. Je ne sais pas, ce soir, il est près de minuit et nous sommes le 31 octobre, combien de textes longs ont été mis en page ni le sort qui leur a été réservé. Je donnerai ma suite dimanche pour 9 h 00. Viendront ceux qui voudront !

Publicité
25 octobre 2008

Thé DCXLIV (Papistache)

45 Mesdames et Messieurs les membres du jury,

87 J’ai l’honneur de vous présenter le fruit de trente années de réflexions matutinales.

74 Dans un souci pratique, écologique et magnanime, je me présente à vous.

93 Votre mine réjouie m’autorise à penser que vous n’êtes pas de ces tristes buveurs de kawa.

84 Je sens en vous la rubiconde santé des buveurs de thé, vert, noir, fumé ou épicé.

76 Chaque matin, vous versez l’eau frémissante sur le sachet choisi du jour.

85 Chaque matin, comme des millions — des milliards ? — d’autres buveurs d’infusion !

86 Chaque matin, des millions — milliards— de nos semblables hésitent et tergiversent.

86 Chaque matin, des milliards — osons le nombre —de sachets encombrent nos poubelles.

39 Stop ! Je vous apporte la solution !

98 Plus besoin de sortir, au risque de tacher la table, le sachet dégoulinant après trois minutes.

85 Plus besoin de presser l’objet au risque d’éclaboussures ou brulures invalidantes.

57 Après moult cogitations, j’ai conçu le sachet soluble.

86 Un sachet de thé qui, en fondant, libère les délicats arômes dont il est constitué.

82 Il est fabriqué d’une gélatine au gout neutre issue du dodomissinga équatorial.

84 Des arômes de vanille, agrumes, poivre, fruits rouges ou bigorneaux y sont mêlés.

88 Et… le petit carré de papier aux couleurs de la marque est remplacé par une sucrette.

60 Sucrette dont l’amateur d’amertume se passera volontiers.

69 Sucrette qui adoucira le breuvage pour les palais des becs sucrés.

88 Sucrette qui pourra se collectionner pour que les aïeuls gâtent leurs petits-enfants.

74 La ficelle, d’amidon de maïs, rejoindra les céréales du bol cérémoniel.

22 Rien ne se perdra.

27 Plus de sachet à jeter.

16 Plus de déchets.

49 La solution pratique, écologique et magnanime.

34 Je ne demande pas de royalties.

86 Que seul mon nom figure dans la pierre en quelque autel païen à Ceylan ou ailleurs.

81 Cher Monsieur, votre idée nous semble fort astucieuse, toutefois une question.

51 Que devient le contenu du sachet, l’avale-t-on ?

2000

18 octobre 2008

Alchimie (Papistache)

Grand-Père, Grand-Père, tu verrais resplendir ses cheveux d’or !

— Pyrite, mon petit, pyrite. L’or des fous.  Tu vas te bruler les yeux, la fausse richesse de sa chevelure va  te détruire.
— Grand-père, Grand-Père, ses yeux émeraude d’une eau sans pareille, tu verrais comme elle dirige ses regards sur moi.
— Cabochons de verroterie oxydée. Ses yeux te transpercent pour mieux voir, au-delà de toi, la ronde des mâles excités.
— Grand-Père, Grand-Père, ses dents de perles fines. Mon cœur jaillit hors de ma poitrine quand elle me sourit.
— Sacrifice barbare, elle veut t’immoler et ses crocs de silex tranchant déchireront et ton cœur et ta chair.
— Grand-père, Grand-père, ses lèvres de corail qu’encadrent deux fossettes qui s’épanouissent à mon approche.
— C’est pour mieux te leurrer mon enfant. Stratégies que tout cela. Ce que tu nommes beauté n’est qu’adaptation. Cette femelle n’échappe pas à la loi des espèces. Objectif numéro 1 : fertilisation. C’est à ta sève qu’elle aspire.
— Mais Grand-Père, justement, plus bas, ses seins d’albâtre que je vois  palpiter quand je lui prends le bras.
— Tromperie, pour dures qu’elles paraissent ses mamelles ne sont pas de pierre, ce sont des phares éphémères érigés-là pour appâter les phalènes dont tu es, mon petit.
— Grand-Père, ses hanches qui ondulent comme une mécanique helvète ...
— Hypnotique machine à étourdir les jouvenceaux, résiste, crois-tu que le mécanisme ne s’enclenche que pour toi. C’est réflexe en cette espèce.
— Grand-Père, Grand-Père, ce mystère enfin qui se cache au bas de son ventre, ces parfums capiteux que les ersatz du commerce ne parviennent pas à masquer quand je me laisse aller à marcher dans son sillage.
— Phérormones primaires, inventivité de la féminine engeance qui tisse sa toile pour empêtrer les nigauds de ton espèce.
— Grand-Père, Grand-Père, ce puits qu’on dit tapissé d’hydromel au fond duquel se cache la pierre philosophale.
— Obscur tunnel gardé par de sombres mygales, labyrinthe infini d’où tu ne ressors qu’hagard, perdu, vidé de ta substance...
— Grand-Père, Grand-Père... alors Grand-Mère...
— Ah ! Grand-Mère ! Sa peau de miel ! Tout un long mois, je ne me suis nourri que du sel qui perlait au creux de ses membres. Ni la faim ni la soif n’avaient plus prise sur moi. Nous nous sommes aimés sans discontinuer trente jours et trente nuits sans reprendre haleine.
— Mais Grand-Père, phalène...
— Ses seins, mon petit, taillés tout exprès pour tenir au creux de ma main. Joyaux d’une couronne que, mille fois, je fis écrin pour mon sceptre souverain.
— Alors Grand-Père, cette mécanique de précision...
—  Merveille de technologie intime, rubis enchâssés sur engrenages de platine, secrète exactitude, jamais prise en défaut. Un tremblement de ses hanches et la colonne de feu s’érigeait gourmande et dominatrice, faisant de l’ombre jusqu’au fond de la vallée que, depuis le promontoire rocheux que nous avions élu pour notre union, nous surplombions.
— Me diras-tu, Grand-Père, comment tu revins du combat contre ces araignées velues et  leur appétit féroce ?
— Mon petit, mon petit, mirage... mirage... quand je croyais trouver une bouche carnassière qui m’aurait englouti pour me rejeter exsangue et désarticulé, j’ai entendu, entendu, te dis-je la voix que mes rêves pourchassaient depuis toujours. Point de tunnel, mais une avenue de lumière écrasante, encadrée des âmes de mes ancêtres qui me guidaient vers l’incandescence que je devinais  à ma portée.
— Grand-Père, tu t’es donc brûlé à cette flamme ?
— Pas brulé, mon petit, pas brulé... au creux de son ventre Grand-Mère cachait une matrice nucléaire où sein de laquelle une fusion s’opéra. De deux, à partir de ce jour, nous ne fîmes plus qu’un.
— Grand-Père...
— Va, mon petit... va...

11 octobre 2008

Fin du défi de Tibo (Papistache)

L'humeur de Tania était à l'image du temps ce matin, mélancolique. Une mélancolie douce. Une mélancolie qui vous réexpédie dans ces moments tristes que vous avez traversés.
Elle se remémorait, à cet instant, devant sa tasse translucide la dernière discussion qu'elle avait eue avec Barney et Julien.
- Non franchement, vous n'y pensez pas. Le faire disparaitre... Quelqu'un le découvrira, forcément !
- Eh bien sans doute, mais s'il doit être découvert, qu'il le soit loin d'ici, le plus loin possible et surtout pas par lui.
- Non, de toute façon, nous ne pouvons rien y faire maintenant, mais le déplacer, franchement, ça ne changera rien à sa réaction !
- Parce que le laisser là, dans cet état, c'est la solution selon toi ???!!! Franchement, Tania, arrête de dire n'importe quoi, va t'occuper de ton fils, il ne va surement pas tarder à se réveiller, on s'occupe du reste !

 

Le souvenir de cette discussion, ce n'était pas la première fois qu'il remontait en elle... Et chaque fois c'était la même chose, elle se débattait avec ces images. Une larme, puis deux se mettaient à couler le long de ses joues blanches. Ce matin, l'une d'elle tomba dans la tasse. Cette tasse qu'elle serrait fort de la paume de ses deux mains. Pour se réchauffer ? A cause de la contrariété ? Elle ne le savait pas elle même. Elle serrait.
A la pendule, il était quasiment 7h00. C'était à cette heure que tout était arrivé. Devant cette même tasse, avec ce même thé fumant, cette même odeur d'agrumes. Cette odeur qui, tous les jours d'octobre à mars, lorsque les petits matins sont frais, parfumait la cuisine de Tania.

 

Puis, soudain, sans savoir pourquoi, elle portait la tasse à ses lèvres, elle avalait une gorgé de ce liquide brulant. Elle se sentait vivante, cette sensation de chaleur, de brulure... elle se sentait vivre. C'est souvent ce moment que choisissait Damien, son fils, pour faire craquer les marches de l'escalier. Ce matin encore, il lui poserait des questions, ce matin encore, elle n'y répondrait pas, inventant une fois de plus une histoire. Combien de fois l'avait-elle fait depuis ce maudit matin ? Ça ne faisait pas encore 10 jours que tout était arrivé, il lui semblait qu'elle se débattait depuis des mois avec ce secret... Plusieurs fois, elle avait failli lui dire... Plusieurs fois, elle avait été sur le point de lui révéler la vérité. Mais son regard croisait le sien, et non, décidément non, elle ne trouvait pas la force de lui éteindre l'étincelle d'espoir qu'elle voyait au fond de ses yeux. Des yeux bleus, des yeux pétillants, des yeux d'espoir, des yeux d'enfant. Alors, ce matin encore, elle ferait comme si, comme s'il y avait une explication, comme si une fin heureuse était possible, comme s'il finirait par revenir.


***



— Maman ?
— Non, mon grand ! Non... mais...
Tania posa sa tasse sur la table encombrée de la cuisine, en repoussant, du dos de la main, le désordre. Elle devrait songer à ranger. Elle y pensait. Elle le ferait. Demain ! Oui, demain, elle rangerait. D’ailleurs, c’était à cause de ce désordre. Elle remettait toujours tout à plus tard, comme pour  annoncer à son fils la...
L’éducateur de la DASS, si on le laissait entrer, écrirait sur son rapport que l’hygiène laissait plus qu’à désirer chez elle. “... des emballages de gâteaux jonchent la table, des bols vides et auréolés de chocolat s’empilent sur l’évier et des raviolis verdissent au fond d’une boîte sans couvercle...”
Elle savait. Ça ne datait pas d’aujourd’hui, ni de ce maudit matin, non...

— Maman ?
— Viens sur mes genoux, mon chéri.
Les cheveux de l’enfant étaient collés, par la transpiration, sur son front bombé. Des cheveux d’ange... Le sommeil lui avait laissé les yeux gonflés. Elle devrait passer chez le pharmacien qu’il lui donne ces gouttes pour empêcher que les paupières de l’enfant ne se collent. Elle irait... cet après-midi, ou après-demain en revenant des “Restos”.

Les “Restos” ! Ses yeux se mouillèrent. C’était bien à cause des “Restos” que c’était arrivé. Tous les jeudis matins, Barney et Julien venaient chercher la marmite norvégienne qu’ils avaient déposé la veille. Tania ne pouvait guère participer mais, pour rien au monde, elle n’aurait loupé son jeudi matin. D’autres qu’elle auraient pu préparer les vingt litres de thé qu’on servait aux bénéficiaires. Certaines avaient essayé. On lui avait vite demandé de reprendre son rôle. Un petit secret tout bête, quelques épices bien dosés, juste le temps nécessaire... pas plus, un secret, hérité du père du petit, qu’il avait rapporté  de ses errances, là-bas, dans les îles, avant de repartir en emportant son baluchon, comme ça, sans prévenir et en laissant son petit chien.

En évoquant le petit chien jaune à la queue coupée, Tania sentit un flux de larmes lui couler sur les joues.
— Maman ? ! interrogea le gamin en posant ses petites mains sales sur le visage de sa mère. Tu pleures...

Tania s’essuya, renifla et souffla :
— C’est le thé, je me suis brulée le palais.

Le petit lança la main vers un paquet de Boudoirs roses ramollis, en saisit un et le porta à sa bouche. Le sucre lui ourla les lèvres. Il semblait avoir renoncé à poser plus de questions. Il allait finir par oublier.

Pendant que le gamin pressait sa tête contre son sein, Tania revit la scène.
Barney et Julien étaient venus chercher la lourde marmite et l’avait ôtée de la gazinière. Le chien tournait entre leurs jambes. Les deux hommes avaient voulu poser l’énorme faitout sur la table pour visser le couvercle, Barney avait dégagé une main pour libérer un espace suffisant, Julien s’était trouvé déséquilibré, la marmite était tombée. Le chien était mort sur le coup, assommé et ébouillanté. les deux hommes avaient bondi sur le côté, ils n’avaient rien eu. Ils avaient épongé.

Tania sentait que le petit se rendormait. Tant pis, il serait en retard à l’école. Une fois de plus, une fois de moins, il était intelligent, il rattraperait. Mais, non, il ne dormait pas. Sans lever sa tête, il s’adressa à sa mère :
— Tu sais maman, il ne reviendra pas.
— Mais si, mais si, mon...
— Non, maman, j’ai bien vu que ça te faisait de la peine... alors, je t’ai rien dit... mais... tu sais.... Kévin, mon copain... son papa i’ ramasse les poubelles, eh ben, son papa, à Kévin... i’y a dit qu’il l’avait trouvé sur le trottoir derrière le hangar aux “Restos”... i’reviendra pas maman... sûrement un camion l’a écrasé... tu sais, i’courait toujours derrière les camions...

Une bouffée de  chaleur inonda le visage de Tania, elle se sentir ramollir, le petit releva la tête :
— Maman, au supermarché, i’vendent des animaux, samedi. C’est écrit sur le mur devant l’école. Kévin, son père, i’va y’acheter une gerbille. Tu crois que si j’casse ma tir’lire, j’pourrais aussi m’en ach’ter une, de gerbille, maman ? Barney, i’m’a dit que j’pourrais avoir la cage du cochon d’Inde à Lisa. Il est mort son cochon d’Inde à Lisa. Elle est grande maintenant, elle en veut plus des animaux, mais moi... maman... une gerbille, hein dis, t’en penses quoi ?

4 octobre 2008

Les aventures d'Anthelme Poustabosse : Épisode 537 (Papistache)

Résumé du précédent épisode : Anthelme Poustabosse, après s’être rendu au repaire de l’ignoble Dugommoi, savant fou, est lâchement assommé alors qu’il s’apprêtait à mettre la main sur le maroquin du professeur.

 

Un feu d’enfer incendiait littéralement la cheminée. Dos au foyer, Anthelme Poustabosse, chroniqueur au Petit XXIe et présentement ligoté sur sa chaise, sentait arder les flammes qui menaçaient à tout moment de faire exploser la bouteille de gaz que son ennemi juré, le professeur  Dugommoi, avait trainée en face de l’âtre.

 

Nu sur son siège, exposé au feu des buches amoncelées et comprimé par les cordes qui le liaient au dossier et à l’assise, Anthelme frissonnait. Sur ses cuisses, reposait une vipère du Gabon encore engourdie, que le professeur avait sortie d’un bac réfrigéré dans lequel somnolait le venimeux animal. Cependant, Anthelme devinait, aux légères ondulations du reptile, que la chaleur commençait à tirer le serpent de sa torpeur. Quand la vipère aurait recouvré ses esprits, il savait qu’un simple tremblement de sa part provoquerait l’attaque mortelle. Il respirait à petites lampées. La vipère reposait sur son bas-ventre et l’ignoble Dugommoi n’avait pas omis de glisser un DVD pornographique dans la fente idoine du lecteur avant de s’éclipser. Anthleme, les yeux clos, luttait pour ne pas entendre les gémissements des protagonistes ni les bruits humides des corps affrontés. La plus petite érection de sa part exciterait le serpent et lui serait fatale.

 

Sa chaise, dont les pieds de devant  reposaient sur deux gros dictionnaires, menaçait à tout moment de basculer en arrière. Tourner la tête lui aurait été funeste, il aurait entrainé dans sa chute la vipère à la morsure irrémédiablement mortelle et, la corde de piano, nouée d’un bout autour de ses parties génitales  et de l’autre à un vicieux mécanisme installé au plafond, se serait tendue, le soulevant du sol, précipitant sa gorge à la rencontre d’une lourde lame en acier de Tolède, tranchante comme un rasoir.

 

Il avait vraiment contrarié Dugommoi.  D’ailleurs celui-ci, n’avait pu s’empêcher d’injecter un poison à effet retard dans les veines du jeune reporter. Si l’antidote n’était pas administré dans la demi-heure, le cœur d’Anthelme se serrait définitivement et Dugommoi, jamais pris à dépourvu, avait pris soin, au moyen d’un fil de coton, avant de quitter son antre, de coincer l’ampoule salvatrice sous la porte. Ainsi, le premier qui la pousserait écraserait le précieux flacon.

 

Entrer par la fenêtre exposerait notre aventureux ami à une mort certaine. A peine le volet, soigneusement clos, serait-il ouvert, qu’une corde tendue et reliée à la détente d’un fusil au canon scié enverrait une décharge de chevrotines en pleine poitrine du malheureux journaliste trop entreprenant.

 

La vipère ondulait imperceptiblement. Anthelme s’attendait à tout moment à l’explosion de la bouteille de gaz. Les jeunes gens, sur l’écran à plasma dont le son avait été poussé au maximum, s’agitaient à l’unisson. La vipère ne devait pas être provoquée, sinon sa réaction fulgurante abrègerait et la vie de notre héros et ce récit. La chaise, en équilibre précaire, menaçait de précipiter la gorge du pantelant jeune homme à la rencontre de la lame acérée et un poison mortel roulait dans ses veines. À ce moment précis, la gueule noire du fusil lui paraissait un bien futile péril.

 

Dugommoi avait certainement alerté la commissaire Suzy Laguibolle. Connaissant la gaucherie de celle qu’il avait maintes fois  croisée au cours de sa tumultueuse — mais courte — vie à la recherche de la vérité quant aux agissements du monstrueux savant fou, Anthelme ne pouvait s’empêcher d’imaginer le craquement de l’ampoule contenant l’antidote sous la semelle des escarpins de l’officier de police. Son bâillon, fermement noué, l’empêcherait de proférer le moindre avertissement et le bruit du téléviseur allait couvrir ses gémissements.

 

Dehors, les crissements des pneus d’un véhicule équipé d’une sirène polytonale se firent entendre. Des talons hauts et effilés claquèrent sur le perron...

 

La semaine prochaine.
Comment le reporter du Petit XXIe réussira-t-il à se sortir du guêpier dans lequel il s'est fourvoyé ? Vous le saurez, en lisant le cinq-cent-trente-huitième épisode des Aventures d'Anthelme Poustabosse, un feuilleton rocambolesque co-écrit par le Papistache du Défi du Samedi et son prédécesseur  pour la consigne #29 du 4 octobre 2008.

Publicité
27 septembre 2008

Supports/Surfaces (Papistache)

— Épouse-Endimanchée, ce charmant musée des Beaux-Arts  nous attend !
— C’est que... j’ai aperçu Marie-Annick... à l’accueil... commence la visite, je te rejoindrai.

“... point d'échappatoire, car la surface, par les ruptures de formes et de couleurs qui y sont opérées, interdit les projections mentales ou les divagations oniriques du spectateur. La peinture est un fait en soi et c'est sur son terrain que l'on doit poser les problèmes.
Il ne s'agit ni d'un retour aux sources, ni de la recherche d'une pureté originelle, mais de la simple mise à nu des éléments picturaux qui constituent le fait pictural. D'où la neutralité des œuvres présentées, leur absence de lyrisme et de profondeur expressive.”


La guide, corsage jaboté de dentelles, longue jupe noire qui laisse deviner deux ballerines à la semelle étrangement fine,  entreprend de faire l’éducation d’un groupe de trente adolescents, à la frontière entre le collège et le lycée.

“Le groupe « Supports/Surfaces » fut un mouvement éphémère : La première exposition du groupe se tint en 1969 au Musée d'art moderne de la Ville de Paris. Elle regroupait des artistes privilégiant la pratique de la peinture qui interrogeait ses composants élémentaires.”

Whaoo ! Qui interrogeait ses composants élémentaires ? Si je m’étais douté qu’on pouvait interroger les composants élémentaires de la peinture. Les gamins boivent cela comme du petit lait. Une classe-Art, sans doute. Mais que fait donc Épouse-J’ai-Aperçu-Marie-Annick ? Elle saurait m’aider à suivre le discours de la guide dont les lunettes aux verres fumés reposent sur son opulente poitrine.

“...par un style particulier mais plutôt par une démarche qui accorde une importance égale aux matériaux, aux gestes créatifs et à l'œuvre finale. Le sujet passe au second plan. Au-delà de cette phase de brassage d'idées, chaque artiste évolua dans des ...”

— Enfin !  Je m’inquiétais.
— Je parlais avec Régis du contrôle des billets. On organise une tombola tout à l’heure.
— Régis ?
— C’est le mari de Solange, la...

Un “chutt” autoritaire cloue les deux vieux visiteurs. La guide ne souffre guère les papotages.

“désormais engagé dans une sorte de traversée des formes et de l’histoire de la peinture moderne qui lui fait élire comme figures magistrales...”

Une exposition  des peintres fondateurs du mouvement “Supports/Surfaces”, c’est un évènement  dans ce petit chef lieu d’arrondissement. Le couple, bras-dessous bras-dessous, s’approche d’un tableau qui interroge les composants élémentaires de la peinture.  François Rouan !

La classe opère une migration vers la toile gigantesque. La voix haut perchée de la guide s’enflamme :

“Le travail de François Rouan aboutit à un ordre du second degré qui laisse visible les conditions de son apparition tout en s’employant à disloquer un ordre légué par la tradition moderniste et l’histoire de la peinture. C’est sont ces déplacements et ces moments d’énergie que donnent à voir ses œuvres.”

— On dirait qu’il a découpé sa toile et qu’il l’a tressée ensuite.

“Comme monsieur ne peut s’empêcher de le constater,à voix haute, pendant ma conférence, François Rouan, par des effets résultants du tressage, travaille entre apparition et disparition. Il refuse les a priori d’une surface et démontre par le travail même – le tressage - qu’elle est une construction et que le plan est toujours pourvu d’une épaisseur, il nie le rationalisme d’une vision unifiée du monde et opère un déplacement lié à une tradition picturale dont il assume en même temps l’histoire.”

— Dis, Épouse-Enfin-A-Mon-Bras, tu connaissais  François Rouan ?
— Oui, avec Vincent Bioulès, Louis Cane, Marc Devade, Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Jean-Pierre Pincemin, Patrick Saytour, André Valensi et Claude Viallat, ce sont les membres fondateurs du groupe.
— Tu m’interloques.
— Hi, hi ! C’est Régis qui m’a donné la plaquette de l’exposition !
— Et... tu aimes ?
— J’aime bien Rouan. C’est...
— Chut, la dame nous regarde de travers !

"Ce sont ces déplacements et ces moments d’énergie que donnent à voir ses ...”

...................................................................................................................................................................................

Abrégeons.

La tombola désigne, vous l’aviez deviné, le brave élément masculin de ce couple  en goguette. Le conservateur du Musée insiste :
— Je vous assure, Monsieur, l’œuvre de votre choix. Allez-y, n’importe laquelle.
— Même de François Rouan ?
— Celle de votre choix... dégouline le conservateur.

Intimidé, le vieux monsieur se rend dans la salle d’exposition des artistes  “Supports/Surfaces” et décroche une toile, sans cadre, déstructurée, aux savants tressages de coton qui  induisent des applications ultérieures de couleurs. Dans le réseau serré des touches, des figures sont prises, qui à la fois se dispersent dans l’hallucinante fragmentation de la surface et qui en même temps paraissent la tenir tout entière en germination. Son épouse l’a laissé libre de choisir, Solange, Marie-Annick et Régis l’entretiennent des potins des vestiaires du musée. Photographies, poignées de mains, champagne tiède et petits fours Casino, gentiment le couple est poussé vers la sortie. Leur œuvre sous le bras du plus grand, les deux amoureux de soixante ans se dirigent vers le parking où leur antique Ami6 les attend.

— Ça fera si bien au salon, dit la vieille dame, en faisant briller ses prunelles.
— Oui, j’ai pris celle-ci parce qu’elle n’était pas trop encombrante. Je n’ai pas voulu qu’on soit obligés de rehausser le plafond.
— Tu as bien choisi, mon amour, comme toujours, cligna de l’œil la petite femme aux cheveux blancs.

Épilogue

La scène se déroule au musée.



— W'égis, je suis t’ès cont’a’iée.  Je ne t’ouve plus le pantalon de mon ma’i, celui que j’ai appo’té de la maison pour b’iquer les statues du musée. Un bon pantalon de coton ‘ep’sié  et usé mais qui faisait me’veille pour fai’e b’iller le ma’b’e des statues. Je l’avais acc’oché à un clou dans la g’ande salle. Il était vieux et couve’t de taches de peintu’e, c’est quand Toussaint a ‘epeint le couloi’ l’an de’nier, ce cochon, il m’en a mis pa’tout. J’ai jamais pu ‘avoi’ son pantalon que j’avais tout ‘p’sié au fil de coton DMC. Je vais le di'e à Monsieu’ le conse’vateu’, où donc il est le vieux pantalon à mon Toussaint ? C’est v’ai, avec quoi je vais fai’e b’iller les statues moi, déso’mais ?

Second épilogue

La scène se déroule dans le salon du couple gagnant de la tombola


— Chéri ?
—  Oui !
— Je ne sais pas pourquoi, mais... le tableau de François Rouan... me fait étrangement me souvenir de Papa. Il me bouleverse à chaque fois que je le regarde. C’est comme si Papa était là, dans la pièce, avec nous ! Tu as vraiment eu l’œil. Je t’aime.

20 septembre 2008

De l'ordre des priorités (Papistache)

lessing

13 septembre 2008

Faut-il poser sa fourchette avant de gifler les enfants pendant le repas ? (Papistache)

Onma souvent demande, quels que soient l’heure, le lieu, le jour.
Onma n’ouvre la bouche que pour demander.
Onma se sait rien, ignore tout, Onma enivre son entourage de mille questions sur la vie, la mort, le pourquoi, le comment, le et puis, et alors, et encore...
Onma ignore qu’elle joue avec les nerfs de son papa un peu bas de plafond. Ce n’est pas grave. Onma fait ses apprentissages, son apprentissage. Onma grandit, se forme.


Approchons-nous :

Papa, pourquoi je n’ai pas de petite sœur ? Pourquoi Fatima, elle a trois sœurs et aussi les jumeaux ? Pourquoi, papa ? Hein, papa, pourquoi, tu as vendu mes affaires, de quand j’avais cinq ans, au vide-grenier ? Hein, dis papa ?


Notez que le narrateur vous offre une version raccourcie des propos instigateurs de la fillette. Marie-Chantal officie en cuisine — le fraisier exige encore quelques soins —  disons que le papa lit son quotidien en suivant distraitement les infos sur R.T.L. Le narrateur conciliant vous accorde, s’il vous enchante de le croire, une version avec tube cathodique et programmes idoines sur vilain papier au chlore. Le papa, distraitement pique de sa fourchette les ultimes nuggets du plat refroidi — pour une version plus culinaire, le papa picorerait les derniers farcis au basilic —.


Papa, pourquoi toi et maman vous dormez dans des lits jumeaux ? Hein, dis papa ? Pourquoi pas dans un grand lit comme les parents de Fatima ?

La gifle est partie. Onma tombe de sa chaise et hurle. Sa maman quitte la cuisine. Elle essuie ses mains sur son tablier :

Suzon-Marie, va finir tes pleurs dans ta chambre. Mon amour, je ne critique pas ton geste, certainement Suzon-Marie a voulu sa sanction mais tu aurais pu poser ta fourchette avant de gifler notre fille.

— Pourquoi ? Tu n’en as pas d’autres ?


Chers lecteurs, permettez que nous laissions ces deux adultes consentants arranger ensemble leur divergence familiale. Remarquez seulement que votre serviteur a voulu marcher dans les pas de Janeczka.



Mon histoire respecte la consigne de notre amie insulaire et notez l’effort que je fis pour lui montrer qu’on pouvait se passer des lettres qu’un accent couronne tout en usant d’une orthographe rigoureusement loyale au dictionnaire.

Je remercie Aude (laquelle ne se doute de rien) pour l’inspiration du billet et je maudis cette douleur dans la nuque qui me tint lucide au mitan de la nuit, laissant germer cette ineptie que, faute de texte plus abouti, je publie ce matin.
Je rappelle ici cette maxime : Tout homme, ayant atteint cinquante ans et plus, qui quitte le lit au matin et ne ressent aucune douleur doit se persuader qu’il est mort !

6 septembre 2008

C'est ballot (Papistache)

Val, Janeczka et Papistache sont dans un bateau.
Val tombe à l’eau.
Un requin, gros, qui les suivait depuis Saint-Malo, l’avale et rit.
La Valérie rit aussi ; le requin la rend.
L’Hareng (c’est, dans l’intimité, le surnom de Janeczka) trouvant le rôt du requin hilarant, rit à son tour.
Rita (le requin était requine) s’en veut, vomir une rouquine qui se teint, c’est triste destin !

Val, Janeczka et Papistache sont dans un bateau.
Janeczka tombe à l’eau.
Val, son sang ne fait qu’un tour, s’en émeut.
C’est vrai qu’elle n’était pas grosse, mais l’eau qu’elle écopait au moins les empêchait de couler.
Et  qui va écoper de la tâche d’écoper ?

Pas Papistache qui, sur le banc, ramassé, déjà rame assez.
Ainsi Janeczka est remplacée par Val qui écope, là où se trouvait l’Hareng placé.


Val, Janeczka et Papistache sont dans un bateau.
Papistache tombe à l’eau.
Qui l’a poussé ?
Janeczka nie, Val nie aussi.
Aussitôt grande sarabande en la barque qui trop tangue.
Les deux brunes amies, trop cool, coulent.
Eh ! Bécasses, à trop fêter le  naufrage du doyen en eaux basses,
trépasse la barcasse.


Val, Janeczka et Papistache sont dans un bateau.
Val et Papistache tombent à l’eau.
Janeczka, à Val, tend la main.
Papistache attendra son tour !
Trop lourde, l’ancre qui sèche au poignet de l‘Hareng, au fond, l’entraîne.
Ainsi périssent les trois marins,
Ah ! Si plutôt qu’une ancre, elle s’était fait tatouer un dauphin !

Val, Janeckza et Papistache sont  dans un bateau.
Janeczka et Papistache tombent à l’eau.
Val se marre, i’
Prenaient trop de place ces deux-là !
Des rames, Val s’empare et rame au nord.
Au port, Manu, qu’épousa Val, attend fort sa Valérie.
Dans ses bras gros et forts la Val se console
C’était, des trois, la seule qui lisait la boussole !

Val, Janeczka et Papistache sont dans un bateau.
Val et Janeczka tombent à l’eau.
D’au-delà de l’eau, tombe un mail divin sur le portable du plus sec des trois.
“Tes amies basanées, mais pas anisées, sont à l’eau.
Lance un filet et tire-les hors de l’eau !”
Mais trois décennies c’est trop !
Quand le sec eut lu son message,
Du fond de l‘eau, il ne remonta que les os.

Val, Janeczka et Papistache sont dans un bateau.
Les trois tombent à l’eau.
Aucun ne savait nager  (dans l’eau !)
C’est ballot !
Plutôt qu’apprendre à manier le stylo,
Ils auraient mieux fait de se rêver cachalots.

30 août 2008

Une vocation (Papistache)

Bruno Martin sort de la banque. 18 h 01. La quarantaine bedonnante, costume gris bien coupé, cheveux  courts, joues lisses, le pas assuré. Bruno Martin vit seul dans un petit appartement au rez-de-chaussée d’un vieil immeuble parisien du VIIe arrondissement. Il est entré à la banque après son BEP et y a fait carrière. Il est sous-chef de l’agence de la Rue des Polonais Sobres.

Ce soir, comme chaque soir, au retour du travail, il descend le petit escalier qui mène à la cave. Les cages sont posées à même le sol. Il y en a trois.  Ce sont des pièges. Un sourire illumine le visage poupin du banquier. L’une des cages est occupée.  Bruno s’en empare en la tenant éloignée ; il ne tient pas à souiller son costume.

Bruno se déshabille et prend une douche pendant que, sur sa gazinière, chauffe  une bassine d’eau. L’eau bout quand il sort de la salle de bains en peignoir éponge. Il se saisit de la cage et la plonge dans l’eau bouillante. Le rat ne se débat pas longtemps.  Bruno est content, c’est le second rongeur qu’il capture ce mois-ci et nous sommes le 12. Un vendredi ! Le meilleur jour.

Bruno quitte son peignoir. Nu, il se dirige vers le placard mural de l’entrée et en tire une grosse valise aux motifs écossais. Il en sort une tenue élimée et d’une saleté familière aux désœuvrés des quais de Seine, ceux qui dorment dans des cartons. Un bonnet de laine mité complète l’ensemble ainsi que des godillots éventrés.

D’un geste sûr, Bruno triture, au fond d’un bol, une mixture faite d’eau, de farine et d’argile verte du docteur Hausmann. Il s’en badigeonne le visage, le cou et s’en frotte les mains. Tout à l’heure, quand la pâte aura séché, elle se desquamera en plaques du meilleur effet.

Le rat mort dans sa poche, Bruno quitte son appartement sans allumer la lampe du couloir.

La file d’attente pour “Barry Lyndon” est impressionnante.  Carl est en permission ; sa petite amie, étudiante à Jussieu, lui a proposé un ciné. Carl a acquiescé même si la chambre de bonne de la demoiselle lui aurait mieux convenu après ces trois semaines  de promiscuité masculine en Alsace.

Sur le large trottoir, un clochard déambule. Il tient sa main droite enfoncée dans sa poche. Un couple, bras-dessous, bras-dessus, déambule. Le clochard, d’une saleté repoussante et visiblement atteint d’une vilaine maladie de peau, psoriasis ou pire, brandit brutalement un immonde rat crevé sous le nez de la jeune femme qui pousse un cri d’horreur. Son compagnon, recule en croisant le regard illuminé du clochard. La file d’attente du cinéma tressaillit légèrement. Le couple s’éloigne.

Une femme seule portant un cabas qu’on devine lourd s’annonce. Le manège du clochard se reproduit. La femme saute littéralement en l’air et pousse un cri. La file d’attente esquisse un sourire. Le guichet n’ouvre pas encore. Le rat crevé est sorti vingt fois de la poche du manteau aux reflets verdâtres. Maintenant, la file d’attente anticipe les réactions des passants accrochés par le jeu du malheureux. Parfois un homme tente de porter un coup à l’ignoble mais renonce quand il aperçoit la peau de son visage.

Le guichet va bientôt ouvrir. Le rat regagne la poche fatiguée du caban malodorant. L’homme s’approche de la tête de la file d’attente et tend la main. Carl calcule que trois cents personnes sont rassemblées sur ce trottoir, si chacun ne donnait qu’un franc même, à ce pauvre hère, il gagnerait en une demi-heure autant que lui en quatre mois de solde. Au fond de sa poche, les pièces jaunes qu’il a économisées pour payer les deux places de cinéma ne pèsent guère. Il refuse l’aumône au piteux amuseur. Le rat jaillit de la poche. L’amie de Carl se blottit dans ses bras. Le clochard hurle en brandissant son hideux trophée :
Quand on n’a pas les moyens, on reste à baiser dans sa piaule !
La tête de la file d’attente s’ébranle. Le montreur de rat poursuit sa quête. Derrière Carl et son amie, personne n’ose refuser sa pièce au vilain.

Le vendredi, en général, Bruno parvient à se faire ainsi jusqu’à cinq files d’attente. Au départ, il voulait économiser pour s’installer à son compte comme conseiller financier dans une ville balnéaire. Il aurait largement de quoi maintenant, mais il n’imagine plus de vivre sans cette montée d’adrénaline que lui procure son petit jeu, et puis, quelle autre ville que Paris peut lui offrir rats, discrétion, et aussi nombreuses et longues files d’attente ?

23 août 2008

A deux, c'est mieux (Papistache)

— "Petit-Époux-Au-Corps-Chaud, j’ai froid sous la couette, viens me réchauffer."
N’obtenant pas de réponse, Épouse-
Frileuse-Quand-Ça-L’arrange se leva, enfila son peignoir mirabelle et s’approcha de son vieux mari dont les yeux rougis fixaient l’écran blafard de l‘obsolète ordinateur familial.
Un court dialogue s’ensuivit duquel il  ressortit que l’inspiration fuyait les sombres méninges lasses de l’écrivaillon voûté.
— "Veux-tu que je t’aide ? lança l’épouse en dégageant, sans attendre, les paperasses éparses qui encombraient le tabouret voisin de l’ergonomique siège du patriarche amoindri.
— MAP nous a pondu une consigne d’écriture, pour nos défis du samedi, qui me paralyse :

Samedi : grande Brocante au village.
Qu'allez vous acheter ?
Pourquoi ce  (ou ces choix) ?
Glissez obligatoirement le mot "viking" dans votre participation.

— Diable, toi dans un vide-greniers ? MAP n’épargne pas ta santé ! Allez, commence, je vais t’aider."

Jean-Daniel avait accepté de suivre son épouse au vide-greniers de Saint Germain Des Petites Bosses. Il avait trop esquivé pendant ces vacances ; il avait senti, que cette fois, il devait se plier à l’invitation. Pourtant, Stéphanie ne pouvait ignorer combien ces expositions misérables le plongeaient dans une noire déprime. Il rangea sa voiture près du mur de l’ancienne fromagerie et surjoua l’enthousiasme. Son épouse frétillait.

— "C’est pas mal. Un peu trop autobiographique, mais pas mal. Là, tu pourrais placer le mot viking.
— Comment cela ?
— Tu écrirais : “surjoua l’enthousiasme, le sang viking de ses ancêtres roulait dans ses veines gonflées d’excitation...”
— Trop tôt et trop téléphoné. J’ai peut-être une autre idée.
— Vas-y ! Est-ce que ça t’embête si je passe ma main sous ton tee-shirt ?"
Sans attendre de réponse, son épouse s’exécuta,  Jean-Daniel se redressa, la main était glacée.

Toutes ces vieilleries, chargées de sombres histoires familiales avaient le don de l’agresser mentalement. Il recevait, comme autant de coups, les durs épisodes que révélaient là, une marque sur le bois d’une table basse quand un enfant de deux ans s’était ouvert  le front après que son père bourru l’eut repoussé violemment, ici, le dernier verre d’une série de douze, rescapé d’une longue succession de querelles ivrognesses  au sein d’une cuisine crasseuse et  nauséabonde.

— "Mon chéri, tu t’égares. C’est vraiment ce que tu ressens quand tu me suis aux brocantes  du coin ?
Frissonnant, le vieil homme biaisa :
— Non, tu as raison, je reprends.
— D’autant que je te vois mal parvenir à placer “viking” dans cet univers à la  Zola."

Toutes ces vieilleries, chargées de sombres histoires familiales, le déprimaient au-delà du possible. Toutefois, pour complaire à sa compagne, Jean-Daniel s’engagea, d’un pas de chineur dans l’allée cernée par les étals approximatifs. Était-il possible que quiconque ait envie d’acheter ces assiettes ébréchées, ces clous rouillés ou ces godillots hors d’âge et suppliant de toutes leurs béances un ensevelissement décent et urgentissime ?

— "Ouais ! Guère plus engageant, mais là tu places “viking” ! Humm ! Des godillots qui semblaient avoir appartenu à Rollon, le fier Viking. Non ?
— Je ne crois pas. J’attends encore un peu.
— C’est toi l’auteur. Je peux... l’autre main ?"
Heureusement, elle n’en avait que deux !

Jean-Daniel eut un haut-le-cœur. Un relent âcre de barbecue alimenté à la graisse de porc lui sauta aux narines. Une musique qui sentait les frites accompagnait le nuage agressif : “Et, viva España !”
Sept à huit adultes braillaient le refrain dans une cacophonie insupportable.

— "Là, là, place viking. Tu sais, les banquets pantagruéliques après les batailles.
— Ce n’étaient pas plutôt les Gaulois ?
— On n’est pas à l’école ! C’est toi l’auteur !"
Les yeux du pauvre homme lentement réfrigéré par sa moitié faillirent lui sortir des orbites. Comment pouvait-elle réussir ce coup-là ? Tout en se collant à lui, elle avait glissé son pied droit dans la jambe de son pantalon et en appuyait la plante sur son mollet glabre. Sa température chuta comme sous l’effet d’un anticyclone brutal. Néanmoins, il reprit son écriture.

Étourdi par la vison cauchemardesque qui venait de s’imposer à lui, Jean-Daniel allait passer le stand horrifique quand il aperçut, à peine plus haute que la planche chargée d’hétéroclites ordures en sursis, une magnifique tête auréolée de blondes tresses vikings. Une petite fille, de huit ans  pas plus. De grands yeux bleus tristes, comme s’excusant d’appartenir à la lignée brutale qui se trémoussait en arrière plan, tout en s’arrosant les lèvres de graisse porcine, le fixaient. Le choc le cloua sur place. Il ne pouvait se détacher du regard de la fillette. Un ange. Un ange, né au sein d’un tribu primitive du nord ouest de la France. La souffrance de devoir partager l’existence de ces braillards avinés se lisait  dans la pupille de l’apparition. Jean-Daniel plongea la main dans  la poche  de son pantalon. Qu’importe ce qu’il achèterait, il fallait qu’un sourire naisse au coin de ces yeux. Il tendait son billet de vingt euros vers la  petite marchande quand son épouse le tira par le coude :
— "Oh ! Des rideaux en filet. Viens avec moi !"
Entraîné par le bras ferme de Stéphanie, Jean-Daniel se sentit arraché à sa contemplation. Tournant la tête, il vit une dernière fois les tresses dorées et les yeux clairs de l’enfant avant qu’une matrone en robe à fleurs ne les lui cachent. Son billet était tombé sur un cendrier publicitaire  recollé, avec force bavures, à l’Araldilte jaune. Vingt euros ! Vingt euros l’apparition d’un ange. Ce n’était vraiment pas cher payé !

— "Eh, tu vois, à deux, c’est mieux !"
L’écrivaillon fatigué éteignit son ordinateur, déplia sa carcasse et  comme aux jours fastes de leur vie commune prit son épouse dans ses bras et la porta vers le lit. Cinq mètres... c’était encore du domaine du possible. Les yeux aigue-marine de l’amour de sa vie ne luisaient-ils pas d’une promesse familière ?

9 août 2008

L'amour à la plage (Papistache)



“Jessica rejeta ses longs cheveux blonds en arrière d’un élégant mouvement de la main. Elle aimait le soleil et il le lui rendait bien. Cette petite plage à l’écart de la cohue des grandes cités balnéaires de la côte atlantique les avait séduits. Une journée à lézarder, sans se prendre le chou, comme aimait à répéter le bel éphèbe qui paressait à ses côtés, allongé sur une serviette d’un rose fuchsia assorti au vernis à ongles de la superbe femme dont la cinquantaine radieuse aimantait tous les regards masculins  en cette matinée resplendissante.

Une voix chaude et caverneuse émergea des bras croisés sur lesquels reposait la tête brune et bouclée de David.
— Darling ! Tu me passes de la crème ; tu fais ça si bien !
Jessica sourit. Elle aimait qu’il l’appelle Darling. Elle dévissa le capuchon du tube, acheté la veille au drugstore, et déposa de petites meringues de pâte odorante sur le dos bronzé de son amant.
Le jeune homme gémit :
— Hummmm !
Jessica s’appliqua à faire pénétrer le produit dans l’épiderme souple. Ses ongles traçaient de nombreuses volutes compliquées qu’elle imaginait comme autant d’arabesques de plaisir. David jouissait du moment en forçant un peu ses feulements. Sa compagne irradiait. Elle ferma les yeux et poursuivit son lent massage. Sa main droite descendit vers les reins du garçon quand, soudain, la colonne vertébrale  fléchit sous la caresse. Déséquilibrée, la pulpeuse quinquagénaire tenta de se redresser en appuyant son coude droit sur les fesses musclées qu’enserrait un maillot de bain de couturier. Son bras s’enfonça sans rencontrer plus de résistance que s’il avait plongé dans un  flan aux œufs. Elle ouvrit les yeux et lança sa main gauche vers les omoplates du garçon pour enrayer sa chute. Sa main disparut dans le corps couleur miel de châtaignier. Elle tomba le buste en avant. Affolée, elle battit des bras, cherchant vainement une prise ferme à laquelle se retenir. Elle pataugeait dans une mélasse chaude. Ses épaules, sa tête s’enfouirent dans le magma. Elle retint sa respiration. Il lui semblait qu’un marécage putride l’engloutissait sans qu’elle ne puisse rien faire pour arrêter l’aspiration. Deux mains rugueuses se posèrent brutalement sur ses fesses, contractant ses abdominaux elle essaya de se redresser. L’inconnu qui l’avait saisie aux hanches la maintenait dans son humiliante prosternation. Elle imagina sa croupe rebondie offerte à tous les regards. Ses bras continuaient à brasser dans le corps de son amant. D’un coup sec, les mains étrangères lui arrachèrent son maillot. Jessica hurla. Sa bouche, sa gorge et sa trachée s’emplirent d‘une bouillie infecte et grouillante, une vive douleur lui ...”

— Mais qu’est-ce que c’est que ce bouquin que tu m’as pris ? C’est répugnant !

Sébastien se redressa sur les coudes. Bien qu’il ne soit encore que dix heures du matin, il transpirait abondamment sous le parasol prêté par Belle-Maman. La petite boutique au bord de la plage n’offrait pas un grand choix littéraire, il avait pensé que Monique aimerait ce livre à la couverture noire et rose. Un titre prometteur “ L'amour à la plage” dans la collection Frissons et Gargouillis.

Monique, d’un geste exaspéré, jeta le livre de poche qui acheva sa course entre un os de seiche et une pelote de posidonies. Sa mère avait acheté un petit appartement sur la Côte d’Azur et le partageait avec eux chaque été. Sébastien et elle venaient s’allonger sur la plage étroite, tous les jours, du 14 juillet au 15 août. Au moins, au retour des vacances, le bronzage de la standardiste lui permettait-il de soutenir la comparaison avec celui de Déborah, la secrétaire de direction : “Ah ! les Seychelles, Monique, c’est divin !”

La jeune femme se retourna sur le ventre. Sébastien, lui, détestait le soleil qui le lui rendait bien. “Mais, Chéri, tu peux faire un effort, un mois l’été, pour Maman !” Chéri consentait à tout, aux allergies au soleil, aux brûlures, aux mycoses, aux moqueries des collègues sur son nez rutilant, ses oreilles pelées, tout ...

— Moune, je cuis, tu me passerais de l’écran total ?
— ...
— S’il te plaît, Monique !

Monique détestait qu’il l’appelle Moune, elle se redressa et entreprit de tartiner le dos luisant et flasque de son mari. Il avait beaucoup grossi à l’approche de la quarantaine. Par malignité, elle évita soigneusement de protéger le bas des reins du  malheureux. “La brûlure calmera ses ardeurs. Avec cette chaleur, je ne supporte plus le contact de sa peau !”  Fugitive, l’image d’un morse albinos échoué sur une plage de sable fin lui provoqua un rictus de dégoût quand, soudain, au bout de la plage se profila une silhouette de rêve. Déborah ? Déborah, ici, à la Potinière ? Elle se dirigeait vers eux. Vite, il fallait trouver une solution. A l’agence, Monique s’était toujours présentée comme célibataire. Déborah ne devait pas rencontrer Sébastien. Trop tard pour l’enterrer ou l’envoyer se baigner. D’ailleurs, il ne savait même pas nager ! Une idée ! Une idée !
— Sébastien, viens sur moi !
— ... ?
— Si tu ne fais pas ce que je te dis, tu ne me toucheras plus jamais. Jamais !

Sébastien avait reconnu les intonations de son épouse, celles qui indiquaient qu’il devait se plier immédiatement et sans réfléchir au moindre désir. La dernière fois, elle avait dit : “Six mois sans me toucher !” et elle avait tenu six mois ! Alors, aujourd’hui ...

En soufflant, le garçon s’allongea sur le corps de son épouse.
— C’est Déborah ! Elle ne doit pas me reconnaître. Enlace-moi ! Ne bouge pas tant qu’elle est sur la plage.


Déborah, au bras d’un homme d’âge mûr à la peau cuivrée et aux cheveux argentés lança :
— Darling ! Regarde ces deux-là ! C’est d’un drôle ! Attends je vais les photographier.

Sous la masse de son époux, Monique frissonna. Ses cheveux ! Pourvu qu’elle ne reconnaisse pas sa couleur. Elle pensa qu’elle aurait dû en faire une nouvelle pour les vacances. Sébastien pesait une tonne.
— Appuie-toi sur tes coudes ! lui souffla-t-elle, tu m’écrases !
— Chutt ! chuinta-t-il.

Déborah déroula sa natte de plage à dix mètres du couple enlacé. La cata !
— Cache-moi, expira la standardiste avec difficulté.
Sébastien était ravi. Il avait toujours rêvé de faire l’amour sur la plage. Bon, là, c’était un simulacre mais...
— Arrête ... Obsédé ... Pense à autre chose ... haleta la prisonnière des cent-deux kilogrammes.
Penser à autre chose, elle avait de bonnes, elle. Sébastien essaya de visualiser ses collègues de travail l’accueillant avec les habituelles moqueries de rentrée mais, difficile d’oublier qu’il tenait sous lui le corps souple et chaud de son épouse. Son bassin esquissa une lente rotation. Monique lui tordit le gras du ventre. Il hurla. Déborah et son ami pouffèrent.
— Séb ... tu me...  le... paie... ras !
Penser à autre chose. Penser à autre chose. Penser au travail. Au travail, il parvenait sans peine à s’endormir. Son corps se fit plus lourd. Monique respirait mal. Elle tenta :
— Séb... soulèv... Séb... je ...

Sébastien dormait depuis deux heures quand Belle-Maman vint les rejoindre avec Moumoune, son caniche blanc et arthritique.  Le dos du garçon était écarlate. La vieille dame lui toucha l’épaule du bout d’un  livre de poche qu’elle venait de ramasser entre un os de seiche et une pelote de posidonies :
— Sébastien ? Où est ma fille ? Elle se baigne ?

2 août 2008

Solution alternative (Papistache)

La vieille dame appuya son vélo à un platane. Elle sortit du panier, fixé au guidon, une longue chaîne dont elle entortilla bicyclette et arbre avec un luxe de tours et de détours. Un gros cadenas de laiton  scella le sort du végétal  à celui de la vieille bécane qui avait dû dans les années 70 — 1970 ! — être bleu ciel.

C’était une femme à la peau parcheminée qui devait compter plus de quatre-vingts ans. Menue, mais vive encore, elle déplia le bas de son jean qu’elle avait roulé pour éviter de le tacher avec le pédalier copieusement huilé. Un œil observateur aurait pu la voir pédaler avec régularité, de bon matin, sur la route départementale qui l’avait conduite ici, depuis son village  caché derrière un repli de colline entre la rivière et le long plateau tout entier dédié aux cultures de Céréales Équivalant Pétrole.

Quarante-cinq kilomètres ! Elle en avait vu d’autres dans sa jeunesse, même si, à l’époque, c’étaient  les loisirs qui commandaient les sorties dominicales avec Robert, son époux. Robert ! L’objet de son déplacement au chef-lieu de canton en cette matinée fraîche d’octobre. La vieille femme poussa la porte de l’officine à la devanture de marbre. Ses yeux clairs mirent quelques secondes à s’habituer à la pénombre qui régnait dans la pièce. Un employé, jeune, le visage hâve et la mine de circonstance s’adressa à elle et la fit venir au fait de sa visite.

— Mon mari est décédé hier, dans la matinée, et je voudrais qu’il soit incinéré. C’était son vœu.

L’employé retint un sourire et après avoir présenté ses condoléances d’usage se lança dans de longues explications. La veuve comprit que depuis la Grande Pénurie de 2012 les incinérations étaient  interdites. Restrictions ! Mais l’ordonnateur des Pompes Funèbres connaissait son métier :

—  Cependant, Chère Madame, nous avons des solutions alternatives à vous proposer.

Solutions alternatives ? Le couple avait vécu en autarcie depuis cette profonde régression des années 10 — 2010 et suivantes — sortant peu, survivant grâce au potager familial et aux quelques volailles achetées, fort intelligemment par Robert peu avant la crise, la vieille dame ignorait tout du génie funéraire de ses semblables. Elle écouta.

—  Chère Madame, sur nos coteaux, vous ne l’ignorez pas, croissent des milliers de pommiers à cidre, et nous pouvons vous offrir, moyennant la somme de trente mille euros — nouveaux, bien sûr —, de confire votre défunt dans la berluche*. C’est un moyen légal, et de plus en plus répandu, de subventionner la filière alcoolique et cette solution offre l’avantage de garder votre époux à votre domicile. Nos urnes en verre sont d’une transparence sans égale et, je vous assure que ...

La veuve lui coupa,  aimablement mais fermement
, la parole :
— Mon mari ne buvait jamais d’alcool, je ne peux lui offrir le repos éternel dans un aquarium de vinaigre.

L’employé ne se démonta pas. Il connaissait son métier.

— Peut-être, alors, chère Madame, choisirez-vous notre proposition dite de Mortagne, pour moins de quarante mille euros.  En association avec les charcutiers fumeurs d’andouilles, nous proposons de fumer, à la sciure noble, chêne rouvre exclusivement, les défunts qui nous sont confiés. Ainsi boucané le corps se conserve indéfiniment. Ciré à l’encaustique d’abeille vous pouvez en faire un bel ornement de salon. On peut, selon votre souhait , le monter en liseuse ou en porte-manteaux.  L’évêché de N*** nous a commandé un lutrin du plus bel effet avec le corps de Monseigneur l’Evêque voici cinq ans. L’objet, consacré par son successeur, est visible à la cathédrale.

La vieille dame reprit son argument initial :

— Je voudrais répandre les cendres de mon mari sous son  arbre favori.

Un lueur s’éclaira dans l’œil de son interlocuteur.

— Vous êtes propriétaire d’un domaine ?
— Un jardinet et un petit verger, de quelques ares, précisa la vieille dame.
— Alors, chère Madame, nous avons la solution qui vous convient. J’aurais dû y songer plus tôt. De plus cette solution est nettement moins onéreuse que les précédentes. Dix mille euros, transport à votre charge. lomLe compostage ! Vous nous livrez le corps de votre mari et nous le soumettons à l’action de nos lombrics funéris funéris et, sous trois mois, vous venez chercher deux à trois sacs — selon le poids du défunt — d’un terreau exceptionnel. C’est la solution qui me semble la plus appropriée aux souhaits de feu monsieur votre époux.

La vieille dame marqua un temps d’hésitation :
— Vous me garantissez que ce seront bien les restes de mon époux et pas ceux d’un inconnu.

— Madame, chez nous, les bacs à compostage sont numérotés et individuels. Vous pouvez également fournir des effets personnels bio-dégradables, photographies, journal intime, sous vêtements de coton, etc ... Vous scellez vous-même le Roto-Corpo-Funéraris™ et nous vous invitons à le desceller, de vos propres mains, une fois le compostage achevé.

Le choix de la veuve était fait, elle s’enquit de précisions  logistiques :
— Mais comment vais-je transporter le corps jusqu’à chez vous ?

L’employé ouvrit un tiroir et sortit un document bleuâtre, imprimé au dos d'une profession de foi d'un ancien candidat à la députation — cf. la loi sur le recyclage des documents administratifs et asssimilés — qu’il tamponna délicatement :
— C’est un permis spécial pour l’Hippo-Bus qui assure la navette entre les différentes communes du canton. Votre secteur est desservi tous les jeudis. Voyez avec votre mairie pour acquitter l’octroi.

La vieille dame libéra son vélo et entreprit de rentrer avant la nuit. Elle éprouvait une grande satisfaction.  Les pêches seraient savoureuses en septembre, à n’en pas douter.

* Berluche : appellation donnée dans le Perche à ce que les Normands nomment calva.

12 juillet 2008

Tuite, tuite, zuite, zuite, uite, uite, suite, suite (Papistache)

Tuite, tuite, zuite, zuite, uite, uite, suite, suite !


        En 2018, tuite, tuite...
        Nous occuperons la Terre

        En 2018, zuite, zuite ...
        Nous réduirons à néant l’espèce homo sapiens sapiens.

        En 2018, uite, uite ...
        Nous sortirons de nos véhicules spatiaux.

        En 2018, suite, suite ...
        Commencera l’ère des petits  hommes verts...

Nous avons conquis tous les parcs publics du monde civilisé.
Nos engins se sont posés au cœur des villes.
Nous avons appris les langues, saisi des secrets d’état.
Nous avons tout su de l’âme humaine (elle est laide !)
Toutes ces confidences chuchotées, assis sur les carlingues de nos véhicules à l’arrêt...

Tuite, tuite, zuite, zuite, uite, uite, suite, suite !


        En 2018, tuite, tuite ...
        En 2018, zuite, zuite ...
        En 2018, uite, uite ...
        En 2018, suite, suite ...

Les humains sont grands, nous sommes petits...
Les humains  sont nombreux, nous aussi...
Chacun de nos véhicules abrite cent mille milliards de nos  compatriotes...
Nous  envahirons la Terre et nous réduirons à néant les homo sapiens sapiens...

En 2018... parce que pour l’instant, vu qu’on est allergiques à l’oxygène, on reste à l’abri de nos engins spatiaux...
En 2018 ... parce que d’après nos calculs le gaz carbonique aura atteint le seuil où l’atmosphère de la Terre sera enfin respirable...
En 2018 ... encore que... cette petite géante d’un mètre cinquante  qui nous mitraille  aurait peut-être  deviné quelque chose...
On envoie un rapport au chef suprême de la ceinture d’astéroïdes :

Tuite, tuite, zuite, zuite, uite, uite, suite, suite !


Et s’il le faut, on la fera disparaître*, ce ne serait pas la première ! Ni la dernière !

Tuite, tuite, zuite, zuite, uite, uite, suite, suite !


* Eh ! Les homo sapiens sapiens, vous avez des nouvelles de Tilu ?

5 juillet 2008

Lettre ouverte à MAP (Papistache)

Chère MAP,

Chère, car l’usage le préconise et chère encore car ce qui est rare l’est et chère, enfin, car il me plait de vous penser ainsi.

Chère MAP,
Vous nous défiez d’ouvrir à tous vents notre boite à petits bonheurs, tant il est vrai, peut-être, qu’à l’instar des peintures impressionnistes notre existence  serait faite de touches de pigments juxtaposées.
Et ces petits bonheurs irradieraient au point de composer l’image souveraine du grand frère avec un B majuscule ?

Nul doute que de fer blanc, de palissandre ou de verre coloré les couvercles vont se soulever pour répondre à votre invitation plutôt que défi. De la pointe du sein de sa mère à la caresse du doigt chenu sur la joue de l’enfant de son enfant seront convoquées ces briques, matériau capricieux qui préside à la construction de l’éphémère gageüre.
Mais, vous cherchez à deviner où je vous entraine.

Chacune des traces que je laisse de la pointe de mon stylo est un atome de ma mémoire. Mes écrits, que j’aime tant à qualifier de vains, constituent les grains de sable que le souffle de la vie amoncèle pour ériger de mouvantes dunes passagères.

Ma boite à bonheur  est ce réservoir d’encre que j’enserre du majeur du pouce et de l’index.
Ma boite à bonheur distille son fil discontinu au gré des jours.
Ma boite à bonheur se vend par lot de quatre, plus un gratuit, sous blister aux couleurs agressives.
Ma boite à bonheur se vide à mesure que je déroule la ligne qui couvre d’arabesques pataudes  ces feuillets que je jette au fond d’un tiroir afin qu’une souris domestique, un jour, y puise  gite et couvert pour sa progéniture.

Vous dire alors que j’hésite à l'ouvrir, de crainte de me tacher les doigts et que la maitresse d’école ne me fustige d’un  regard désapprobateur.

Chère MAP,
Samedi, je serai aux premières loges pour gouter les joutes générées par votre défi. Je guetterai la vôtre, évidemment. Je me laisserai emplir de toutes les autres que je devine diverses et savoureuses.

Vous serez en vacances alors que bourdonneront les allées et venues des compétiteurs animés.
J’anticipe sans crainte : les défis du samedi 5 juillet porteront haut  les couleurs de vos initiales.

Je vous embrasse, Chère Map, en attendant que s’opèrent les savantes alchimies que nos récréations du samedi ne manquent jamais de susciter.

Papistache

28 juin 2008

En plein dans le mille (Papistache)

Sept heures trente. Monsieur Lanoir ouvre les contrevents fatigués de sa maison dont le crépi lépreux s’effrite en larges squames hideux. 


Sept heures trente et une. Le long bonhomme voûté pousse la porte d’entrée ; le carillon chinois lance dans le matin clair ses cinq notes aigrelettes.

Sept heures trente et une et vingt secondes. La porte se referme doucement. Monsieur Lanoir mesure tous ses gestes.

Sept heures trente-deux. Trois galets de la terrasse, épris de liberté, sont replacés dans leur alvéole respective ; un coup de talon les enfonce jusqu’au prochain  désir d’émancipation.

Sept heures trente-trois. Le méticuleux propriétaire des lieux fait face à son portail. Une allée de vingt-deux mètres et trente-huit centimètres. Sa main droite plonge dans la poche de son caban râpé ; elle en tire un lourd trousseau de clés disparates.

Sept heures trente-trois et neuf secondes. Monsieur Lanoir inspire profondément l'air humide du petit matin. Il se concentre, se repasse mentalement le film des instants qui l'attendent.

Sept heures trente-quatre. Bras légèrement fléchi mais fermement pointé vers le portail, le sexagénaire amorce le premier des trente-sept pas qui vont le conduire au seuil du portail clos. Clos, comme les yeux de Monsieur Lanoir.

Un, deux, trois, quatre... mentalement, Monsieur Lanoir compte, comme chaque matin, les pas qui le rapprochent de la serrure, ...trente-trois, trente-quatre, trente-cinq, trente-six, trente-sept. La clé vient s’emboîter exactement dans la fente du cylindre de laiton huilé à la perfection. Exactement ! Pas un centimètre trop haut ou trop bas, exactement dans la fente !

Le 25 févier 1996, il avait neigé. Le comptable débonnaire avait mal apprécié la hauteur de la couche de neige et la clé était venue heurter le barillet un demi-centimètre trop haut. Il avait dû recommencer une seconde fois. La journée n’avait apporté que des désagréments.

Sept heures trente-cinq. Monsieur Lanoir s’en retourne vers l’entrée de sa demeure, dissimulant un sourire de satisfaction derrière son épaisse moustache blanche.

— Épouse-Jamais-Lasse, j’ai ouvert le portail !
— J’arrive, lui répond une douce voix au timbre égal, j’éteins la lumière de la cuisine. Douze, onze, dix, neuf...

21 juin 2008

La petite mort (Papistache)

lettla douche cessa de couler ; sous sa couette lilas, les membres alanguis,  Pimprenelle n’osait bouger, savourant les derniers ressacs des orgasmes qui l’avaient menée aux portes de cet état qui sied tant au teint des amants.

lettsuspendue entre terre et ciel, elle se revit, la veille au soir, alignant méticuleusement, sur la planche blonde de son bureau de fortune, ses pinceaux, crayons et pastels.  Elle renonçait ; la noire adversité l’avait emporté, son inspiration la fuyait depuis trop longtemps.

lettelle avait voulu longer les quais de la glauque Garonne, une dernière fois. Vaincue, elle accepterait le poste d’hôtesse pour la promotion des Vins de La Loire, blancs, rouges ou rosés. Adieu la Ville rose ! Les toits gris de Tours la lointaine lui offraient le gîte et le couvert.

lettpenchée au dessus du parapet, elle avait longuement regardé couler les sombres flots qui charriaient ses vertes espérances. Elle ne serait pas l’aquarelliste aux nuances irisées qui révolutionnerait l’art du XXIe siècle.

lettl2’astre de la nuit n’en finissait pas de rassembler ses mille éclats dorés palpitant à la surface du fleuve. Derrière elle, une voix solaire l’avait fait tressaillir :
—  Eh ! j’ai un jean blanc, je ne voudrais pas le pourrir en sautant dans la baille pour  te repêcher !

lettses joues avaient viré au pourpre ;  elle avait ri de la méprise.

lettje ne noie que mes illusions, avait-elle souri, croisant un regard topaze qu’un rayon de lune révélait.

**

lettl3a moquette grège était jonchée de cent esquisses crayonnées d’un geste sûr ; peut-être les meilleures sanguines qu'elle ait jamais produites. Cependant, des pas mouillés se dirigeaient vers la chambre et, dans la lumière argentée que les contrevents laissaient fuser, une silhouette se figea.

lettl’eau ruisselait sur le corps nu et ambré. Pimprenelle, ses yeux pers mi-clos, entrevit  les courbes  épousées, tant du pinceau que des lèvres, au cours de la nuit.

lettd’un geste lent, son modèle ôta le crayon turquoise, cueilli en sortant du lit et fiché dans un chignon approximatif. L’odorante chevelure brune retomba sur les épaules de la jeune femme dont les formes tapissaient les feuillets éparpillés par la douce lutte nocturne dont nul ne pourrait empêcher l’imminente récidive.

letsign

14 juin 2008

En hommage à Marcel Gotlib (Papistache)

rebus14part0
rebusdefi14
r_busdefi14deux

7 juin 2008

Lourde responsabilité (Papistache)

J’ai voyagé toute la nuit. Je suis crevé. En fait, je suis parti depuis deux jours et trois nuits. Je roule, je roule. C’est humide comme jamais. Vivement que je rencontre les candidats.

On est dimanche matin.  Quelle idée d’organiser un entretien d’embauche un dimanche matin ! Une idée de la patronne. C’est toujours elle qui décide.  Elle a tout planifié, tout organisé, mais c’est moi qui doit me taper le boulot !

La sélection. Oh ! J’ai en tête tous les critères. J’ai l’impression d’avoir toujours su que ce qu’elle attendait de moi. Elle a été claire, je n’aurai pas de deuxième chance. Ce sera dimanche ou bien... zou ! à la trappe le bonhomme. Remarquez, si je réussis à recruter le bon candidat, c’est la promotion assurée. Mon salaire multiplié par... pffff ! ! ! je ne vous dis pas! Une place au soleil et je laisse mon nom dans l’histoire !

Bon, c’est là ; j’installe mon bureau. Combien seront-ils ? Mystère !  Vu l’enjeu pour eux, j’ai peur que ce soit la bousculade, parce que... pour celui que je retiendrai, ce sera  également le gros lot.

Oh ! Ça tangue fort ! Elle m’a dit que le rendez-vous aurait lieu à neuf heures. Il est huit heures cinquante-neuf.  Je suis à mon poste. Les candidats peuvent entrer. Misère, mais combien ils sont ? Je pourrai jamais les évaluer tous. Je vais poser une barrière.

Bon sang, les critères... Elle m’a bien dit d’être exigeant : bonne santé, belle intelligence, pas de tare physique,  de l’humour, sobre, non fumeur, polyglotte, artiste, poète... J’arrête, la liste est trop longue. Comment vais-je m’y prendre ? C’est la première fois que je suis dans cette situation.

Mais, c’est pas possible !
— Faites la queue, s’il vous plaît !
Oh ! Il en arrive de partout ! J’ai préparé mes questions, mais ça va pas être possible, il me faudrait six mois ! J’ai la matinée, seulement !

— Avez-vous une expérience professionnelle ?
Ce sont des gamins ! Comment pourraient-ils avoir une expérience professionnelle. Au moins, ils ont de l’enthousiasme et de l’énergie.
— Arrêtez de me tourner autour, les mecs ! Vous me donnez le tournis ! Je vous en prie, rangez-vous en file indienne. Je vais vous donner un numéro et vous passerez chacun à votre tour.

Ils sont mignons, mais pas disciplinés pour un rond. Qu’est-ce qu’elle m’a dit pour la discipline ? Rien ! De l’esprit d’initiative, qu’elle m’a dit. De l’audace, de l’audace ! J’en vois bien un, là, qui sent bon et qui  voudrait forcer la barrière. Oh ! Comme il sent bon ! A moi, il me plaît. Je ne sais pas ce qu’elle en penserait. De toutes façons, je ne peux pas attendre plus longtemps. J’écarte la barrière.

— Allez viens, chéri ! La patronne sera contente. Dans neuf mois, on passe à la postérité. Ben, pour les autres, je suis désolé, les mecs ; j’ai rempli mon job. Je ne peux pas vider l’ANPE à moi tout seul ! C’est cruel, mais... vous étiez des millions et la patronne, elle n'ovule qu’une fois tous les vingt-huit jours.

31 mai 2008

Entre la salade et le dessert, un samedi midi, chez les Papistache

Acte unique



Oisive-Épouse : Amour de ma vie, m’offrirais-tu  un petit bout d’un fromage que nous avons acheté, au marché, ce matin ?

Affriolant-Mari :  Un boudin au fromage ?

Oisive-Épouse : Encore ! Ainsi, tu ne m’écoutes pas ! Ai-je parlé de boudin au fromage ?

Affriolant-Mari : Offre au mage ! A qui rendre hommage en offrant un boudin ?

Oisive-Épouse : Insupportable gamin, cesse ; pourquoi veux-tu qu’au mage j’offre du boudin ?

Affriolant-Mari :  Alors, Joffre était mage ? On  le disait maréchal !

Oisive-Épouse : A la légion étrangère ?

Affriolant-Mari : Oui, tiens, voilà du boudin, voilà du boudin ... chaud !

Oisive-Épouse : Aux pommes ?

Affriolant-Mari : Aimes-tu le boudin chaud, mage ?

Oisive-Épouse : Adversité, adversité... le chômage des jeunes, ça c’est du boudin !

Affriolant-Mari : Observe, Douce-Épouse que le chaud  mage déjeune du bout d’un fromage !

Oisive-Épouse : Impossible ami, tu sais que je n’aime guère ton humour d’almanach !

Affriolant-Mari : Après le boudin, les nems ?

Oisive-Épouse : Ah, c’en est trop !

Affriolant-Mari : Excuse-me, Lady ! Oublions le fromage et passons au dessert.

Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 > >>
Newsletter
Publicité
Le défi du samedi
Publicité