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Le défi du samedi
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7 mars 2009

Il faut savoir mesure garder (Papistache)

Thème : la bouteille avait du culot
Genre : Quatrain

Yeux vagues, poches bistres, la soularde s'avachit.
Plus couchées qu'elle, seize bouteilles roulent sur la tab'e,
N'en reste qu'une debout, Gervaise, alors, rugit :
"Pas touche ! C'est celle à Julot, Faut êt'e raisonnab'e."

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7 mars 2009

Fièvre (Papistache)

Thème : 40°5
Genre : Tautogramme en F

Fiévreux, fébrile, Fabrice fustige femme, fils, fille, famille :
"Filez fantasques fantômes filandreux ! Fermez fenêtres !"

Fabienne, femme finaude, fulmine fort : " Fieffé Fabrice flapi, flûte, flûte, flûte !"
Fabrice fond. Fabienne flanche.

Finalement famille fofolle fraternise.

28 février 2009

Lui (Papistache)

luitristefigureSeul à sa table de travail, Pierre veille. Lui, jadis auteur fécond, sourire las et yeux fatigués, espère que sa muse, angelot peint par Raphaël, animera sa plume. ellelaraieaumilieu

legrandrienHélas, ce soir, comme tous les soirs depuis cet autre soir, de l’âme de Pierre ne sortent que volutes ectoplasmiques.

Indigentes pensées que l‘obscurité souligne.

Le néon brutal de sa lampe l’accable. Il est las. Las et vieux et triste. La nuit s’infiltre en lui. Elle pèse sur ses épaules. Pierre veille.

noirL’encre qui se refuse à aligner trois mots coule sur la feuille immaculée. Miroir de son âme ravagée. Vide intersidéral de sa pensée asséchée. Pierre veille. Aucune idée ne lui vient. Bol immense qui grouillait jadis. Bol vide et creux qu’il liche en vain et sur les parois duquel il ne trouve plus un atome divin. Cette matière qu’il croyait infinie, ce jus qui irriguait la moindre de ses soirées, nuque penchée sur son travail. Pierre devient la nuit. Nuit de Pierre. Son dos est raide, raide est sa fin.

 

Que tourne la roue ! pierrotfou

Qu’une fois, une fois seulement, il retrouve la grâce qui l’animait du temps d‘avant, d‘avant sa solitude et son veuvage. Du temps où, auteur prolixe, il vétillait à l’envi. Elle est là pourtant. Sa muse est là, mais regardez, elle noue sa gorge.

Pierrot pathétique à la tête surmontée d’une raie moqueuse.

le_sourire_de_la_raie

Que d’une trique arrachée à la haie vive, elle lui houssine une fois encore et l’âme et les joues ! Rien ! Pinocchio debout, dressé mais dérisoire et enveloppé d’ombre et de nuit.

Le simulacre écarte ses ailes et d’un sourire édenté fait cascader son rire. Pinocchio, coiffé du poisson-requin, sent venir la flamme qui le réduira en cendres.


sam_rel_encoreNoir et obscur destin de Pierre sans sa Colombine. Crachent leur venin les vieilles qui pèsent sur ses épaules. Morve qui coule en filets gras sur son cou. Pierre redresse la tête et n’écrit plus. Sa muse s’est tue. Du temps où féconde sa pensée drageonneait en mille directions, il lui suffisait d’attraper une bribe et la magie opérait. Voyez le désert de son imagination tarie. 

La cheminée du volcan ne crache plus qu’un souffle d’air corrompu. Pierre n’écrira plus. Déjà son souvenir se disperse. On l'a oublié. Il s'est oublié. Elle l'a oublié...refletdansleau

21 février 2009

Instinct primaire (Papistache)

Mesdames et messieurs les jurés, ma cliente a commis un crime abominable, néanmoins je vais vous demander de l'acquitter pour les raisons suivantes :

Cette frêle créature, derrière ces vitres blindées qui la protègent tout en l’enfermant — d’ailleurs a-t-elle vraiment mérité ce traitement réservé d’ordinaire aux criminels de haute volée ? — a assassiné son mari. C’est exact. D’une manière qui vous a choqués au cours du procès. 

Je vous rappelle qu’elle s’est présentée vierge au soir de ses noces et que précisément, c’est au petit matin que la parentèle abasourdie a découvert le forfait. Vierge, innocente. Chez ces gens-là, mesdames, messieurs, on ne connait du mariage que l’acte de procréation. Bestial.

Vierge. Innocente. Totalement remplie de son désir de maternité. Chez ces gens-là, que notre société trop souvent enferme, comme ce soir ma cliente en son bocal, on ne badine pas, mesdames, on copule pour l’avenir de l’espèce. Alors, cette jeune épousée, une fois ses ovaires comblés a ressenti une grande oppression. Un espace vital réduit, une chiche liberté... et là, offerte à ce mâle perforant, elle a mesuré, en une fraction de seconde, qu’il lui fallait impérativement éliminer celui qui  allait lui disputer les maigres allocations que la société lui octroierait.

La société ? Vous, nous, mesdames, messieurs. Ma cliente a tué son époux parce qu’elle allait devenir mère et que le cri de ses entrailles le lui a enjoint.

Mais aussi songez que nous en sommes responsables et c’est pourquoi nous allons la libérer de cette cage de verre alors que son abdomen distendu montre à tous que la vie s’apprête à en sortir. Oui responsables, car qui, sinon, vous ou moi, l’avions soumise à cette ignoble alternative ? Assurer un avenir à sa progéniture ou risquer de le voir contrarié par la vorace attitude du mâle que nous avions  introduit dans sa couche virginale.

Car, je soutiens que c’est nous, humains qu’on dit civilisés, qui avons —notre curiosité est si maladive et obscène — ourdi la situation qui a généré ce meurtre. Elever une vierge en la laissant tout ignorer de son milieu naturel et lui adjoindre de notre propre chef un géniteur à son côté, c’est nous qui devrions nous trouver sur le banc, à sa place.

Imaginons un état de grâce, loin du carcan de ce que la science a produit de pire. Croyez-vous que l’inimaginable se serait produit ? Non, mesdames, non messieurs, le galant aurait pris la fuite une fois son plaisir éprouvé, la belle se serait baissée pour cueillir à poignées son ordinaire et même son extra.

Mesdames, messieurs, nous avons voulu contraindre la jeunesse et la beauté et avons récolté le sang et l’horreur. Je vous assure que j’ai vu, de mes propres yeux, dans les  buissons des sauvages garrigues de la Corse se perpétrer mille acrobaties copulatoires, et plus, sans que jamais la moindre victime ne soit à déplorer. Vierges ou presque, amants frénétiques ou patients, chacun repartait au soir vers de nouvelles aventures. Moi-même... mais ce n’est pas le sujet de ma plaidoirie.

Je vous demande d’acquitter ma cliente, mesdames et messieurs les jurés ; si la nature vous avait fait naître orthoptères plutôt que primates vous auriez agi comme elle. Ma cliente, Mantis religiosa, doit être acquittée et remise en liberté séance tenante. Comprenez-vous les enfants, que ce que vous  avez pris pour un acte de cruauté n’était qu’un geste d’amour ? Relâchez cette mante religieuse et allongez-vous dans l’herbe — enduisez toutefois vos épaules de crème solaire — et prenez la loupe que je vous tends. Observez toujours les animaux dans leur milieu naturel. Croyez-vous que vous tireriez des enseignements sur les mœurs d’un lion encagé entre trois grilles et un mur de béton sale ?

Dévissez le couvercle et ouvrez vos yeux.

— Papa, pour la Corse, tout à l’heure, qu’est-ce que tu as voulu dire ?
— Une autre fois, mes enfants, une autre fois... je vous laisse à vos observations in naturalibus, je vous appellerai pour le goûter.

14 février 2009

Ce fut le jour où, en aval du moulin, il se pêcha, dit-on, des truites saumonées à la chair bleutée (Papistache)

Paulo, facteur amoureux,
Effeuille sa sacoche de cuir
Sans vraiment penser à nuire
Par dessus le pont vieux.

Un peu, beaucoup, Souade m’aime
Passionnément, à la folie,
Pas du tout ? Moi, je l’ai-aime.
Souade aux lèvres jolies.

Jamais la rivière Amour
Ne porta mieux son nom,
Cent petits navires s’en vont,
Affranchis, suivent son cours.

Au village, on se désespère,
Déjà onze heures, la boite est vide,
Mille cœurs se brisent, quelle misère,
Les larmes coulent amères, acides.

La rivière charrie les cœurs
Brisés. Navires perdus
A la dérive, sous les pleurs
De mille amants éperdus.

Mais l’boulanger, le Gros Pierre,
Qui lutinait la belle meunière
Près du moulin, dans l’eau glacée
Sans hésiter, a tout r’pêché.

Gros Pierre, dans son fournil,
Introduit cœurs en morceaux,
Et courriers  mis en péril,
Par Paulo, l’facteur puceau.

Masques de cire, mines déconfites
Les villageois, âmes en peine,
Entendent les cris de Madeleine,
La belle meunière : “Vite, venez, vite !”

Aujourd’hui, Saint Valentin,
Approchez, distribution
Gratuite, pas que du pain,
Baume au cœur, recette maison.

Mais en février, l’eau est glacée,
les encres bleues  et puis les noires,
les rouges aussi s’étaient diluées,
Sur la grand’place, quelle histoire,

S’est tenue bourse aux amours
Comme jamais village ne vit.
Chacun prit, sorti du four,
Au hasard, un courrier cuit,

L’ouvrit, le lut : “Ma dulcinée,
Mon tendre amour, trésor de l’âme...”
“A moi, à moi, dit la Renée.”
“Mon doux pertuis, ma douce femme...”

A Jeannette, bonne du curé.
“Mon obélisque, mon sceptre, viens ...”
Monsieur Luc ? L’garçon d’café ?
Mon secret contre le tien,

Jusqu’à très tard, dans la nuit froide.
Pendant ce temps, à bicyclette,
Le beau Paulo, l’ami de Souade,
Rêva sa belle amie fluette.

Par dessus le pont vieux
Sans vraiment penser à nuire
Paulo, facteur amoureux,
Effeuilla sa sacoche de cuir.

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7 février 2009

Moule à gaufres (Papistache)

Les yeux lui piquaient. Il avait roulé toute la nuit. L’aube tardait à se manifester. Le ciel plombé déversait des trombes d’eau. Le va-et-vient des essuie-glaces hypnotisait le chauffeur fatigué. La nuque lui tirait. Les muscles de sa cuisse droite s’anesthésiaient. Il ne cessait de caresser ses joues râpeuses. Il aimait entendre crisser les poils rêches de sa barbe.
De la main gauche, il se massa le cou et les cervicales. Les yeux lui piquaient.

A peine débarqué de son maxi-catamaran, le Bachi-Bouzouk, il avait sauté à quai et fui les journalistes, la foule, le bruit. Nestor l’avait embarqué dans sa camionnette qui sentait la marée et l’avait déposé devant l’agence de location de voitures. Il avait réglé la caution avec la carte bleue de son ami. Nestor donnerait ses reins pour le Capitaine, s’il lui en faisait la demande. Les deux ! Sans demande aussi, d’ailleurs.

Il venait de quitter l’autoroute et se dirigeait vers le centre ville. La pluie battait les vitres de la voiture. Il s’efforça de rester attentif à la circulation. Que de lève-tôt à Grenoble. Grenoble ! Pendant le dernier tiers de son tour du monde en solitaire, la ville n’avait cessé de hanter son imaginaire. Grelibre ! Le “Journal” de Stendhal. Ce gros bouquin était de toutes ses aventures maritimes. Un cadeau d’Irène, son amie des débuts. Irène, qui avait fini par épouser un brave terrien, lassée d’attendre au port. Un bouquin qu’il n’avait jamais eu, auparavant, l’envie de feuilleter mais qu’il embarquait à chaque virée, par superstition.

La voix sensuelle du GPS le guidait dans le dédale des rues éclairées. Il songea qu’en quarante-cinq ans, c’était la première fois qu’il pénétrait aussi loin dans les terres. Un vrai marin. Sa barbe crissa. Ses yeux lui piquaient. La prudence lui aurait commandé de dormir au moins vingt-quatre heures. Il avait fui la foule, les télévisions, les interviews. Nestor s’était tenu au bas de l’escalier ; sa camionnette de marin-pêcheur était passée inaperçue. Evidemment, dans un port !

Il l’avait rencontrée sur un forum. Merveilleux satellites qui permettent aux marins du siècle de tisser des liens tout en sillonnant les océans. Elle vivait à Grenoble. Son parfum —virtuel— emplissait l’air de l’habitacle du catamaran. Quand la connexion s’interrompait, il relisait le “Journal” de Stendhal. Un lien, encore, vers la jeune femme. Le grand catamaran avait volé sur les crêtes. C’est qu’ils étaient deux à la barre. Elle et lui. Ils avaient échangé leurs coordonnées courrielles et rapidement quitté le forum. Combien de messages échangés ? Autant que de flashes sur la jetée, à l’arrivée. Il massa ses cervicales. Il s’était promis qu’en cas de victoire, il débaptisait le Bachi-Bouzouk et le renommait K***, comme Elle.

Recalcul. Recalcul. Prenez la première à droite.
Il avait manqué l’embranchement. Clignotant à droite. Des paquets de mer semblaient monter à l’assaut de la voiture de location. Le Capitaine étira les muscles de son dos douloureux. Le vélo ! Il freina. La voiture, en fin de course, heurta le cycliste qu’elle jeta au sol. Le capitaine ouvrit la portière et se précipita pour relever la victime.
— Espèce de moule à gaufres, vous ne pouvez pas faire attention !
Le sang quitta le visage du capitaine. Toute la fatigue accumulée ces trois derniers mois pesa sur sa mâchoire. Ses pieds s’ancrèrent dans le bitume. Ses os se soudèrent les uns aux autres.

Des passants accouraient :
— Mademoiselle, ça va, vous voulez qu’on appelle le SAMU ?
— Ça va, ça va ! Je n’ai rien. Occupez-vous plutôt du spectre, là. Il a une tête à faire peur.


Elle avait dit : “Moule à gaufres !” C’était Elle. Le Capitaine regarda s’éloigner la jeune femme qui poussait son vélo en claudiquant très légèrement. L’image de ses yeux bleus se dilua dans la pluie qui sembla redoubler.
— Alors, Ben-Hur ! Tu la dégages, ta charrette ?

Le capitaine fut poussé dans son véhicule. Quelques claques s’abattirent sur la carrosserie. Il effleura l’écran de son GPS. Rallier point d’origine.
Recalcul. Recalcul. Il prit la direction indiquée par la suave voix enregistrée.

Vous avez vu, on aurait dit Capitaine Haddock !
— Haddock ? A l’heure qu’il est, il doit fêter sa victoire avec une p’tite pépée au fond d'son lit, eh, banane !

31 janvier 2009

rosa, rosam, rosae, rosas, rosarum, rosis (Papistache)

m. césar marivaux                                                                        un soir
mme viviane marivaux
un, rue sonneur aux âmes neuves
roncevaux (navarre)

à m. romain camus
un, rue véronèse
mons (var)
monsieur camus


avec mon amie viviane, nous avons vu, sur une revue, une annonce :
monsieur camus monnaie ses rosiers rose saumoné “reine sissi” à six euros.

six euros un rosier ancien ! immense sourire, en ces années où une économie, sans communisme aucun, use sou à sou nos économies.
six euros un rosier à racines nues !

nous vous écrivons, car nous rêvons à ce rosier saumoné, ainsi nous vous versons une somme nécessaire à ce commerce.

césar marivaux avec viviane

***



m. romain camus                          un soir aussi
un, rue véronèse
mons (var)

à m. césar marivaux
mme viviane marivaux
un, rue sonneur aux âmes neuves
roncevaux (navarre)

m. marivaux, mme,

mon annonce vous a ravis, ainsi vous comme moi serions ravis.
néanmoins, nous n’avons aucun rosier ancien “reine sissi” à commercer,
nous en avions ! oui, nous en avions !
un nouveau virus, mauvaise virose carcassonnaise ou saxonne, a massacré, en un soir, nos roseraies.
aucun semis n’a survécu ! aucun rosier, même écussonné, n’a  conservé sa vie sous nos ennemis.
voir ainsi mourir ses semis, nos œuvres,  nous a menés comme vers un mur.
nous sommes ruinés, mieux, nous renonçons à vivre, nous mourons, monsieur.
nous mourrons avec nos roses carminées ou saumonées, roses sans sève !

une vie à semer mes roses !
ô mauvaise vie !
ô misère noire !
ô inouïs virus assassins !

nous nous excusons encore
monsieur camus

***



m. césar marivaux                                                           un soir encore
mme viviane marivaux
un, rue sonneur aux âmes neuves
roncevaux (navarre)

à m. romain camus
un, rue véronèse
mons (var)




monsieur camus, ami ruiné,



si nous osions, mon amie viviane avec moi, ce courrier-ci vous sera un secours :
voici six mois, nous avions mis en réserve, en mai, en nos serres, ici, sous nos marines, nos roses mauves anciennes “mme carina”. nous avons creusé, nous-mêmes, avec nos mains, six creux où masser nos rosiers.
rosiers sains si suaves aussi.

monsieur, avec ces rosiers, sains, sans cancer, créons une union sans scoumoune.
nous vous en assurons une vraie sinécure.
avec vos œuvres, une croissance sera assurée à nos roses mauves.
nous vous réservons ces rosiers.
en avion, nous vous servirons.


césar, viviane, amis à vie

***




m. romain camus                       un soir sans cesse
un, rue véronèse
mons (var)

à m. césar marivaux
mme viviane marivaux
un, rue sonneur aux âmes neuves
roncevaux (navarre)

viviane, césar,

ma maison vous envoie ses mercis en avance, vrai, six rosiers “mme carina”, ma vie à nouveau s’anime ! ivresse vraie ! rires en essaims !
nous recevrons ces six rosiers, nous creuserons nous-mêmes six creux (un à un ) nous saurons aimer ces roses !
mon commerce à nouveau vivra, ce sera un immense succès !

amis nouveaux,  ma vie, consacrée aux roses, vous concerne comme si nous vivions unis sans concurrence aucune.

césar merci, merci, merci.
mon souvenir à mme viviane


un ami à vie :
romain camus à mons (var)


***

m. romain camus                          un soir à nouveau
un, rue véronèse
mons (var)

à m. césar marivaux
mme viviane marivaux
un, rue sonneur aux âmes neuves
roncevaux (navarre)



césar, viviane,

ma roseraie recommence son ascension.
nous avons reçu vos rosiers, accourci racines, écorcés ces rameaux, mis en nourrice ces six “mme carina” mauves.

nous avons mis sur vos rosiers une essence américaine : aucune virose ne massacrera ceux-ci, ni ne s’immiscera en nos serres. vaccinés vos rosiers !

en un an (voire moins) nous aurons vaincu ce marasme.

vous, moi, avons rassis mon commerce.

nous vous murmurons encore nos mercis amicaux à vous, viviane, à vous, césar, mes amis.

romain


m. césar marivaux                                                                        en soirée
mme viviane marivaux
un, rue sonneur aux âmes neuves
roncevaux (navarre)

à m. romain camus
un, rue véronèse
mons (var)


ami varois,

nous sommes, sans nuances ni mi-mesure, émus comme nourrissons au sein.

nous couinons, sans ironie, à voir vos ennuis comme essorés.

nous irons à mons (var), nous verrons nos (vos) roses orner vos serres.

nous nous remémorerons ces mauvais souvenirs, vivrons aussi, avec vous, une romance non commune.



ami, nous venons vous voir, nous sucerons, au verre, vos vieux vins rosés si sucrés mûris en cuves immenses.


viviane, césar

24 janvier 2009

Les meilleures rencontres ne sont-elles pas celles à venir (Papistache)

Pour cette consigne, et pour la première fois depuis que je suis né, le 31 décembre 2006, j’ai rencontré l’angoisse de la page blanche.

« Papistache, sois franc ! »

En vérité, non, j’avais écrit, à mon habitude, un long texte, mais si empreint de tristesse et d’intime que j’ai renoncé à le publier. La chape de plomb que l’autocensure a coulé sur mes mots s’avère si pesante que nulle prière ne pourra jamais la soulever.

« Franc ! »

Franc ? J’ai froissé vingt brouillons.

J’espère rencontrer l’indulgence et la compréhension des lecteurs.

17 janvier 2009

JUMELAGE (Papistache)

Bonjour,

On m’appelle LaKrevette, mais Je me lave.
Je vous proposent un jumelage.
Votre blog et le Mien sont complémentaires.
Si vous axeptez ce jumelage, vous M’apportez vos lecteurs et Moi, Je vous apporte Mon talent.
Quand Je serai célèbre vous n’oublierez pas que c’est Moi qui suie venu vous chercher.

Cliquer sur le lien et rappeler vous que les géants ont commencés petits.

http://complexeduhomard.canalblog.com/

10 janvier 2009

A la puissance cinq (Papistache)

Fanette — c’est ma fille— aime se nicher sur mes genoux. Elle a deux ans, trois ans, j’ai oublié.
Je m’étonne :
— Mais, mais, comment es-tu arrivée sur mes genoux  ? Je ne t’ai pas senti t’y glisser !
Fanette exulte. Désormais, elle va s’ingénier, des années durant, à surprendre son papa. Elle s’approche en catimini, le frôle, s’installe sur ses genoux et il s’ahurit :
— Mais, mais, comment es-tu arrivée sur mes genoux ?
Rires, caresses, câlins !
Le jeu se reproduit encore et encore.

***


Fanette a grandi, beaucoup, trop ! Un jour—elle a terminé ses études maintenant— elle évoque ces merveilleux souvenirs. Moi, quintuple imbécile, j’avoue que je surjouais la scène. Fanette accuse le coup ; elle y croyait encore !

3 janvier 2009

Portait du Papistache par son manipulateur (Papistache)

En 2007, pour les fanes de Carottes, j'ai écrit ces quelques lignes.
Je n'ai encore rien à y retrancher ni à y ajouter.
Pour notre amie Tilu, le montreur de marionnettes avait bien voulu portraiturer sa chose.
2007, c'était hier, la chose n'a guère évolué.

defi41

27 décembre 2008

Papa Sun (Papistache)

— "Mercure ! Voilà Ta Mère Juchée Sur Un Nuage Pourri.
— Quoi ? Retire c’qu’tu viens d’dire sur ma mère ! Et d’abord, le nuage y peut pas êt’e pourri, parce que Pluton, grosse naze, e’fait pl’us l’poids. Pluton, c’est plus un’ planèt’. C’est  un vulgaire caillou. Oooh ! Pluton !"

Les enfants, soyez sages, continuez la ronde autour de papa Sun.


— "Méchante ! Vivement Tu Meures ! Je Suis Une Nouvelle Planète.
— Oh ! L’aut'e’. Un' nouvelle planète ?  Un caillou perdu au fond d’l’espace. Va soigner ton acné, eh Pluton, t’as des furonc’s et tu pues du bec ! Dégag', t’es pas d’not’ mond' ! Minuss' !"

Les enfants, soyez sages, continuez la ronde autour de papa Sun.


Eh, oui, frères humains, qui par nous vivez, les astres au cours immuable se chamaillent et se taquinent. Quatre milliards et demi d’années : L’univers est un gamin !

— "Minab'e Vieille Terre ! Mauvaise Joueuse, Sors Une Nouvelle Provocation !
— Oh ! L’aut’ ! On peut jamais rigoler ! E’s fout en rogne. C’est Neptune qui t’a passé ses gaz. Pète un coup, t’es toute pâle !"

Les enfants, soyez sages, continuez la ronde autour de papa Sun.

Eh, oui, frères humains qui par nous viviez, les astres au cours immuable se chamaillent et se taquinent. Quatre milliards et demi d’années : l’univers est un gamin.


Pluton s’est fâchée. Elle a tiré la Terre par les couettes. Oh ! Trois fois rien, un quart de demi-seconde. Une si faible rupture dans la révolution. Seulement la Lune... la Lune, astre des poètes, jamais au courant, n’a pas senti l’hésitation dans la course de la Terre. La Lune a quitté son orbite. Désemparée, elle est allée percuter Mars qui, déjà passablement échauffée et rougeaude, (c’est une sanguine la Mars) a pété un câble. Jupiter, qui retenait ses gaz depuis trop longtemps s’est esclaffée et s’est atomisée en éjectant Saturne hors du système solaire. Trop légère la Saturne, trop coquette, avec ses bracelets scintillants. Zouuuuu ! Exit Saturne. Du coup, Uranus et Neptune,  planètes gazeuses s’il en est, décident de prendre  la place vacante. Quelques centaines de millions de kilomètres  plus près de papa Sun, c’est une occasion qui ne se renouvèlera pas avant quatre milliards et demi d’années peut-être. Seulement, emportées par leur élan (véloce, Janeczka ? je ne sais pas !) elles s’approchent trop près de papa Sun et  c’est l’embrassade. Ni la Terre, ni Vénus ni Mercure n’ont voulu demeurer en reste :

Bonne année papa Sun  !
Bonne année !
Tous nos vœux de bonheur !
Et la santé surtout !
La santé !


Les enfants, vous êtes gentils, mais, la ronde ? Qui va continuer la ronde ?

— "Oh ! Mais y’a Pluton, là-haut, qui boud' encor'. E’ va la continuer la rond', l’aut’, là-haut, avec ses furonc’s et sa peau crevassée. Eh ! Caillass' !"

Eh ! oui, frères humains, qui par nous avez vécu, Pluton poursuit sa rotation. Seulement, Pluton, sa rotation autour de papa Sun, c’est en  248 années 31 jours et 7 heures terrestres qu’elle l’effectue. Alors ... la nouvelle année, ben... c’est pas encore pour demain !

20 décembre 2008

50,01 % (Papistache)

— Oncl’Papistache Twelve, s’il te plaît, raconte-moi une histoire.
— Neveu-Mon-Neveu, t’ai-je déjà dit le jourle Père Noël a cessé d’exister ?
Raconte, Oncl’12 !

Au début du XXIe siècle, quand la télévision occupait encore les soirées des gensJe t’ai déjà raconté la télévision ? — le producteur mondial des variétés avait entrepris de lancer un grand vote du public pour savoir si le Père Noël était toujours une valeur sûre.

Toutes les chaînes, de tous les pays du monde, retransmettaient la cérémonie. A l’heure dite, le score tomba : 50,01 % des habitants de la planète avaient choisi d’affirmer que le Père Noël était “has been”.

Instantanément, il cessa d’exister. Plus de Père Noël. Il restait bien des souvenirs de ses heures de gloire, mais le vote l’avait rayé du présent. Lui-même n’y avait pas résisté : il avait disparu.

Tous les continents avaient voté. Un des huissiers, retenus pour l’occasion, avait bien relevé qu’il manquait les voix de l’Antarctide. Le chef des programmes avait répondu en disant qu’en Antarctide, à part une vingtaine de scientifiques givrés, ne vivaient que des manchots. Ce continent était recouvert par les glaces, à l’époque.

Mais le petit huissier, cela le chagrinait. Il était huissier dans l’âme, ce qui veut dire qu’il avait tout fait dans son métier : des expulsions, des ventes, des constats d’adultère. Ce n’est pas qu’il y avait éprouvé du plaisir, non, il se disait que le travail devait être fait et qu’un autre que lui aurait pu s’y prendre plus mal.

L’oubli du vote de l’Antarctide le chagrinait. Il passa la nuit à s’informer. Il téléphona à d’autres petits huissiers qui téléphonèrent à d’autres. Au petit jour, un message lui parvint.

Un petit royaume du Nord de ce qui fut l’Europe, la Belgide, avait organisé un grand voyage pour des milliers d’enfants de son pays. La Belgide était un pays unique en son genre. Son roi passait l’essentiel de son temps à poser pour des dessinateurs ou graveurs afin que les timbres de son pays soient ornés de son effigie. Il le faisait très, très bien.

Les ministres de ce pays étaient les plus drôles qu’on ait jamais vus. Ils souriaient tout le temps et poussaient de grands cris de joie quand ils se rencontraient et ils s‘embrassaient sur la bouche en  claquant bien fort les lèvres. Parfois, quand l’un d’eux s’endormait au beau milieu d’un discours,  les autres ministres  baissaient la voix pour le laisser rêver en paix.

Enfin, ça, c’était plutôt les ministres du Sud. Au nord de la Belgide, les ministres étaient un peu différents. Ils avaient l’habitude de saupoudrer leurs plats de sciure de bois. Essentiellement de la sciure de manche à balai. Comme la sciure n’était pas plus digeste à cette époque qu’aujourd’hui, elle avait tendance à s’accumuler dans les intestins des hommes politiques et le manche à balai, insensiblement, se reconstituait, ce qui donnait à leur allure comme un air un peu constipé, un peu rigide.

C’est cette allure rigide qui donna l’idée aux ministres du Sud d’offrir aux enfants de leur pays un voyage en Antarctide pour y sympathiser avec les manchots. Mais, en Belgide, on n’avait pas de bateau. Les ministres qui souriaient toujours décidèrent d’en acheter un à leur voisine, la Francide.

Les Francidiens possédaient un grand porte-avions qu’ils promenaient de pays en pays dans l’espoir qu’on le leur vole parce qu’ils ne savaient plus quoi en faire. Les Belgidiens se déclarèrent prêts à l’acheter. En Francide, c’était une bonne nouvelle. Toutefois, au moment de signer, le ministre francidien, avoua que son bateau contenait des produits hautement cancérigènes à son bord et que cela coûterait très cher de le nettoyer. En Belgide, on rigola très fort. Le premier ministre, qu’on n’avait pas réveillé depuis trente-six heures, embrassa sur la bouche son homologue francidien et lui dit : Chez nous, on a voté une loi qui interdit à nos compatriotes d’attraper le cancer, alors... votre porte-avions nous convient tout à fait.

Voter une loi qui interdise d’attraper le cancer ! En Francide on s’inspira du principe, mais les Francidiens étaient moins disciplinés que les Belgidiens et l’effet ne fut pas aussi probant. On y renonça vite.

Alors, le petit huissier refit ses comptes et comme le porte-avions comptait essentiellement des enfants, le vote bascula en faveur du Père Noël. 50,01% !

Mais, Neveu-Mon-Neveu, le Père Noël avait cessé d’exister. Ce n’est pas comme s’il avait pris sa retraite. Il n’existait plus ! Alors, sans comprendre ce qu’il lui arrivait, le petit huissier devint le Père Noël. Il ne se posa pas de questions : il était le Père Noël.

Il avait eu le temps, pendant la préparation de l’émission, d’analyser les causes du vote aussi serré. Dans de nombreuses maisons, les parents des enfants, au fil des ans, avaient pris l’habitude de corriger le choix du Père Noël. Très rarement, les parents cachaient les jouets apportés par le bonhomme, en jugeant que leur garnement n’avait pas mérité de cadeau. Mais c’était très rare. Le plus souvent, les parents, complétaient, au pied du sapin, la distribution du vieillard rougeaud, et, petit à petit, ils avaient même totalement pris en charge toute la mise en scène.

Le petit huissier de Noël, donc,  décida de faire l’impasse sur toutes les maisons où les familles avaient pris sa place. Il décida de se concentrer sur les habitations qu’il connaissait bien pour y avoir procédé à des saisies, des expulsions, etc... Des maisons, où sa présence était attendue et espérée. Il savait interpréter les signes de la misère. Il l’avait si souvent côtoyée.

Il s’amusa beaucoup. Se déplacer à la vitesse de la lumière, pour apporter des cadeaux dans des foyers où il était attendu le remplissait de joie. Il lui sembla même que le gros nuage gris qu’il portait toujours au-dessus de sa tête, s’était fait un peu plus léger.

Il n’oublia, bien sûr, pas les petits Belgidiens au Pôle Sud. Il leur apporta des milliers de diodes lumineuses que les gamins entreprirent  de fixer au cou des manchots afin qu’ils illuminent la banquise. C’était, vu du ciel, un très joli spectacle.

Comme il lui restait du temps, le petit huissier de Noël entreprit de visiter des régions de la planète où son prédécesseur ne s’avisait jamais de mettre les pieds. Déposer un cadeau au pied de la couche d’un petit aborigène d’Australie, qui ne s’y attendait pas du tout, le combla de félicité. Il  apporta ainsi de petits couteaux de poche dans les forêts tropicales, des pelotes de ficelle sur les hauts plateaux andins, des loupes pour les jeunes Berbères, des perles, des coquillages, des fruits frais pour les petits Inuits. Il déposa même un immense iceberg qui dérivait dans l‘océan, au beau milieu d’un désert de sable. Les enfants des  chameliers y creusèrent des cabanes tout un mois durant.

Il choisit ses cadeaux avec beaucoup de soin et d’attention. C’était facile, il lui suffisait de se replonger dans ses souvenirs.
Une lampe de poche, un gyroscope, des osselets... tous ces cadeaux modestes qui avaient autrefois constitué les seuls présents que, le matin de Noël, il découvrait dans ses souliers.

Le petit huissier de Noël, après avoir achevé sa tournée, se posta tout en haut du firmament. Il aurait s’étonner d’y parvenir, il ne le fit pas. Il était le père Noël. Son petit cœur resserré d’huissier avait gonflé. Il sentait bien qu’il n’était pas Dieu. Juste un petit livreur d’émotions. Mais là-haut, une idée lui était venue. Il sentait que la tâche serait lourde, mais il avait l’éternité pour lui. Il se donna pour mission de tenter de rendre soluble dans l’eau le mystère du sourire béat des ministres de la Belgide du sud. Ainsi, il en ferait des cachets qu’il distribuerait à tous les ministres de la planète.

Neveu-Mon-Neveu, je cherche toujours à lire sur le visage des dirigeants de la planète si le petit huissier de Noël a réussi à fondre ses cachets. Je suis vieux et il ne me reste guère d’années à vivre, mais toi, maintenant que tu connais l’histoire, sois attentif. Tu trouveras bien un moyen de me faire savoir si le petit huissier de Noël a réussi.

13 décembre 2008

La conjonction (Papistache)

Madame Miel ! Madame Miel ! Lila le sait, ce n’est pas un nom à dompter les fauves. C’est un nom à donner à une amante alanguie, le nom d’une femme qui offrirait son corps aux savantes succions d’un amant-fourmilier gourmand. ‘Tu te feras bouffer, Miel, change de nom !” lui avait dit sa professeure d’anthropologie sociale à l’IUFM. Fiel ! Voilà un nom qui lui aurait promis une belle carrière de peau de vache à l’éducation nationale. Qui voudrait y mettre la langue ou même un doigt ? La mère Fiel en français, ça en aurait imposé. De plus, cela lui aurait donné l’occasion de rencontrer le sous-préfet chargé de l’instruction du dossier de changement de patronyme. Elle est pas belle la vie ?

Le sous-préfet ! Mademoiselle Corentin lui annonce que son rendez-vous de 11 h 30 est annulé. Monsieur Glaire est souffrant. Il devait signer sa demande de modification d’état-civil. Gloire, un fameux sésame pour qui veut briller au firmament de la scène artistique internationale. Antoine profite de cette demi-heure volée à son emploi du temps pour marcher dans le parc. Ses pas le dirigent vers le canal qui traverse le poumon  vert dec la petite sous-préfecture. Il ne sait pas qu’il ne reverra jamais ni son bureau, ni sa secrétaire, ni rien de ce qui forma son horizon jusqu’à aujourd’hui. Il ne le sait pas.

Lila quitte le collège ; sa honte transpire de chacun de ses pores. Si l’auteur l’avait voulu, il aurait montré le froncement du nez des collègues de la jeune femme sur son passage. Acre senteur détestable. Seulement, les couloirs sont déserts. L’aigre relent de peur, d’indignité et de trahison qui flotte dans le sillage de la jeune femme se mêle aux adolescents effluves des collégiens qui poissent les murs gris maculés de douteuses souillures anonymes. Lila ne sait pas que l’ombre gracile de son corps contenu dans de chastes vêtements pédagogiques ne se découpera plus jamais sur les ordures qui maculent les murs de l’établissement. Elle ne le sait pas.

Antoine s’approche du canal. Il a chaud mais ne quitte pas sa veste.

Lila se laisse porter par ses pas. Son pied ne se pose jamais sur la moindre faille. Elle maîtrise les pièges que l’existence lui tend sur chaque trottoir qu’elle foule. Elle maîtrise. Elle contient les forces obscures qui, sans elle, provoqueraient chaos et apocalypse.


Lila arrive dans la plaine des Comètes, face à la vieille sous-préfecture, de l’autre côté du canal. Côté populaire. Côté des marginaux qui squattent les fourrés. L’auteur pourrait dire le pourquoi du nom de la plaine. Il le ferait s’il écrivait un roman. Il aimerait tant jouer au démiurge omnipotent. Lila aurait-elle emprunté une passerelle, au-dessus du canal, si elle avait existé ? Qui le saura ?

Antoine ignore — tant de choses lui échappent — que l’un de ses prédécesseurs a refusé le permis de construire une passerelle qui aurait facilité le passage d’une rive à l’autre du canal. Le pont est loin, Antoine ne l’atteindra pas, il ne le sait pas. Il va s’arrêter avant même de l’apercevoir.

Un arbre remarquable — c’est ce qu’annonce la plaquette émaillée, qu’un fil de cuivre retient à la barrière qui entoure le phénomène — s’offre à son regard. Un arbre centenaire à l’écorce tourmentée. Un châtaignier ! Lila se baisse, se glisse sous la barrière. L’arbre l’attend. Elle marche vers lui, le touche. Si l’auteur l’avait voulu, il aurait fait passer par là un amoureux de la photographie — disons qu’il l’aurait appelé Dominique— qui aurait volé un cliché unique et qu’instinctivement — mais nous, nous aurions su qu’il n’était là rien d’instinctif — il aurait intitulé : “Miel au châtaignier”. Mais l’auteur ne l’aurait pas fait. Lila s’adosse à la rugosité de l’arbre, y suit, du doigt, les longues cicatrices de l’écorce et monte dans l’arbre ; les branches tortueuses — c’est un arbre remarquable — facilitent sa progression et Lila s’y  endort. Entre deux branches en Y. Lila s’y endort. Cette répétition, l’auteur l’aurait voulue.


Le soleil est chaud. Un garçonnet dessine à la craie une ville imaginaire remplie d’immeubles aux fenêtres argentées. Il dessine sur le quai cimenté du canal. Une péniche y est amarrée. Antoine s’approche :
— C’est très joli ! C’est une ville que tu as visitée ?
L’enfant ne lève pas la tête, son crâne aux cheveux coupés très courts est caramel :
— C’est toi le nouveau ? papa t’attend.

Une longue plainte tendre réveille la jeune professeure. Un homme, sous la frondaison qui la cache, joue du saxophone. Il doit être jeune. Disons qu’il est jeune. Lila ne voit qu’une partie de son dos et ses jambes. Un rayon de soleil souligne la frisure des poils de ses mollets. La plainte de l’instrument pénètre Lila qui devient arbre. Alors, l’arbre  lui enseigne la raison de singularité.


— C’est moi !
Antoine ne sait pas qu’il vient de quitter l’orbite sur laquelle il tournait depuis sa naissance. Une révolution dans sa révolution.

— J’ai germé ici, voilà neuf cents ans. L’arbre dira le nombre exact, mais l’auteur ne retiendra qu’un ordre de grandeur. Neuf cents ans !  Ici. Précisément au-dessus de cette intersection de forces telluriques qui nouent le monde. Mes racines s’enfoncent dans trois directions : trois axes de vie. Les humains croient que des racines de vingt mètres constituent des records. Ils se trompent, les miennes mesurent mille kilomètres.
Par la médiation du chant du saxophone, Lila écoutera le discours de l’arbre. Quand elle descendra, beaucoup plus tard, la nuit aura voilé la lumière, Lila aura entamé sa mutation. Les failles que, jusqu’ici, elle avait soigneusement évitées seraient désormais sa voie. Dans la pénombre de cette nuit étoilée, un scintillement lui montre le chemin. Lila marche sur le courant tellurique qui va la mener, de nœuds en nœuds, à coudre de ses pas un lacis de verdure autour de la planète.

Le marinier sort de sa cabine. Ses muscles jouent sous sa peau. Il est si beau. Antoine confirme son mensonge. L’homme à la peau cuivrée pourrait s’étonner que son nouveau mousse soit aussi bien vêtu. Il ne le fait pas. Il l’aurait fait qu’Antoine aurait inventé un baptême ou toute autre vague cérémonie familiale.
Le gosse a salué le départ de la péniche de la main et a poursuivi son dessin sous le soleil ardent. La péniche transporte une cargaison de craies de couleurs. Dans les moments où les étreintes fougueuses ,qui vont lier son corps à celui de son compagnon de navigation, s’apaiseront, Antoine va recouvrir le pont de l’embarcation d’arabesques envoûtantes.

Une provision de fruits ramassés sous l’arbre, Lila est placée sur son orbite. A chaque nœud, elle enfoncera en terre un arbre en espoir, les puissances enfouies sous la terre en accélèreront la germination. D’arbres remarquables en arbres remarquables, de carrefours en carrefours, un réseau végétal va enserrer la planète.

Il ne sait pas que cette fusion homosexuelle s’arrêtera à Rotterdam, ni qu’il rebondira de là vers un autre port, ni qu’il couvrira de ses ensorcelantes lignes tous les tarmacs de la planète. C’est trop tôt. Il ne peut pas le savoir. Ce n’est pas encore écrit. Pas encore. L’auteur y songe.

Lila Miel ne voit pas que, derrière elle, l’herbe retrouve force et vigueur. Un mince filet d’énergie pure verdit sous ses pas. Un satellite australien, en rotation autour de la terre enverra, quelques années plus tard, de curieux clichés montrant ce maillage à l’œuvre. Dans un observatoire, une jeune femme, Baïla — et pourquoi pas, Baïla ?— s’ingéniera à remonter l’historique des données et parviendra à situer le départ de cette renaissance. Elle fera le voyage jusqu’à la plaine des Comètes et quand un chant mystérieux l’aura initiée, elle partira dans la direction opposée à celle suivie par son aînée, Lila.

Valérie enverra un détective sur les traces de son époux. Un détective qui se prendra de passion pour des dessins à la craie qu’il photographiera avec un soin amoureux à chacune de ses découvertes. Valérie se lassera vite de payer un incapable. Le détective publiera de somptueux albums de ses images. Il en vivra aisément. Il s’efforcera de toujours maintenir un avion, un bateau, un tram, un pousse-pousse de retard sur Antoine qu’il ne croisera jamais.

Lila et Baïla vont sillonner le monde, en veillant à poser le pied sur chaque faille invisible que de subtils indices leur désigneront. Chaque soir, elles trouveront un lieu d’accueil occupé par de délicieux gardiens des trajectoires. Elles y seront nourries. Parfois des bras plus doux qu’ailleurs les retiendront une semaine ou un mois, voire plus, mais toujours elles reprendront le fil de leur ellipse.

Au fil des années, la collection des albums photographiques du détective — l’auteur l’aurait appelé Dominique ou Jean-Pierre — constituera une encyclopédie des errances d’Antoine. Valérie achètera plusieurs exemplaires, s’en fera offrir d’autres. Elle encadrera les plus belles reproductions pour décorer son appartement. Elle aimera y plonger son regard sans savoir pourquoi. Elle y puisera un apaisement divin, que son nouveau compagnon partagera. Des millions d’autres, sur la planète, comme elle, comme eux, y chercheront des réponses à des questions qu’ils ne s’étaient pas encore posées. Et, comme ce sera un roman, ils les trouveront.

L’auteur, s’il avait le temps, fouillerait les prédictions de Nostradamus — au besoin, il en inventerait une — et pour clore son ouvrage, il exhumerait une prophétie annonçant la félicité universelle au jour où  la conjonction de la course de trois comètes se donnerait à voir au-dessus d’une plaine traversée par un canal aux eaux plates et d’une sous préfecture vieillotte. Bien sûr, l’auteur reprendrait son brouillon et n’attendrait pas la fin de son livre pour amener la prédiction du mage, il placerait quelques jalons pour que les lecteurs pertinents en aient l’intuition avant le dernier chapitre.

Tiphaine, je vous demande de bien vouloir excuser le mauvais brouillon que je livre à la lecture ce samedi, il est 11h 59 à l’écran de mon ordinateur. Même en faisant vite, je ne posterai pas ma participation pour midi.  Je vais laisser tant d'incorrections ! En attendant, j’ai passé une excellente semaine en compagnie de vos personnages et croyez que les chemins que j’ai rêvés pour eux étaient mille fois plus beaux que ceux que j’ai réussi à écrire en cette matinée.
Pardon.

 

6 décembre 2008

-5°, on a eu chaud ! (Papistache)

Papistache est né en hiver, 1 des 4 saisons de l’année, en 1927.  Non, pas en 1927, c’est son père qui a 81 ans (en sa 82e année) qui est né en hiver, lui aussi, à 3 jours du printemps, la 2e saison de l’année si on veut considérer que l’hiver n’ayant que 10 jours au 1er janvier commence bien l’année.

Le Papistache est né en hiver parce que ses parents — à supposer que la grossesse ait été menée à terme et elle dut l’être avec un bébé de 9 livres (9 livres, pour un bibliophage, c’est une bonne mesure, non ?)— l’ont conçu aux beaux jours de mai, le 5e mois de l’année. Au milieu du printemps.

De ses premières années, on ne sait plus rien, sinon qu’il a failli se noyer à l’âge de 2 ans. En hiver ! Il gelait. Les annales n’ont pas retenu combien de degrés au-dessous de 0 le mercure indiquait.

A 4 ans, il entre à l’école maternelle. Il y reste 2 ans. 1 jour, il oublie de découper 1 patte à 1 cheval de papier. C’est son 1er souvenir de l’école.

Il entre au CP. La maîtresse l’installe au 1er rang de la rangée du milieu. C’est de cette place qu’il découvre les chiffres, les nombres et les 4 opérations : addition, soustraction, multiplication et division. Au cours de cette année de CP, les espaces libres entre les méandres de ses circonvolutions cérébrales se sont emplis de ces chiffres et nombres au point de se substituer au liquide céphalorachidien.

Plus tard, il pondra 1 consigne un peu absconse : Comptez-nous 1 vie !
On est en droit de s’interroger : Pour ses 2 ans, s’il avait gelé plus fort et si la glace s’était refermée sur son corps, aurait-on jamais entendu parler de lui hors du cercle familial ?

Tout ça ne constitue pas 1 compte de vie, pas même 1 vie ! A tout prendre, si c’était à refaire, il couperait les 4 pattes du cheval, s’installerait au fond de la classe et prierait de toutes ses forces pour que les murs de l’école redeviennent sable.

Profitez de cette consigne, ce sera la seule fois de son existence où  le Papistache dira l'entière vérité sur son passé. Foi de menteur !

29 novembre 2008

Q.Q.C.O.Q.P. (Papistache)

Ma chère Marie,


Je suppose que c’est toi ma fille ainée. Dans mon portefeuille, j’ai trouvé un petit bristol fatigué avec écrit, de la main de ta maman : “Les adresses de tes enfants”. Elle y a noté également des numéros de téléphone, mais, ici, je ne vois pas de cabine et je n’ai pas de monnaie, non plus, sur moi. Tu es la première de la liste, ta maman a certainement fait sa liste en commençant par l’ainée, c’est tellement dans ses habitudes.

J’ai dû me tromper de sortie sur l’autoroute. A Conflans-Sainte-Honorine on ne voit pas la mer. J’en suis sûr. On y voit des... je ne trouve plus le mot, tu sais, ces bateaux à fond plat qui transportent de lourds chargements. Enfin, ici, ce n’est pas Conflans. J’ai roulé longtemps. J’étais fatigué. Je me suis trompé de sortie. J’ai roulé longtemps. Je me suis envasé en voulant faire demi-tour. Ici, c’est pas Conflans.

Le moteur ne marche plus. Il fait froid dans la voiture. Personne ne passe. Ce doit être l’hiver. Devant moi, je vois une grande tour comme on aimait visiter quand tu étais petite. Tu sais, au bord de la mer. Une tour qui lance des éclairs, ce n’est pas une éolienne, mais un nom comme ça.

Tu ne diras pas à ta maman que je me suis perdu. D’ailleurs, elle doit déjà être fâchée contre moi. Elle n’est pas dans la voiture. On a dû se disputer. C’est peut-être pour cela que j’ai son alliance au petit doigt. Tu ne lui diras pas, n’est-ce pas ?

Tu verras, pour me trouver, c’est facile, des fleurs jaunes poussent devant le capot de la voiture. Ce sont des, Le nom ne me revient pas. Les copains du lycée horticole se ficheraient bien de moi. Tu te rappelles quand on se baladait, avec ton frère et tes sœurs, pour herboriser sur les dunes, pendant les vacances.  Tu ne voulais jamais qu’on  dérange les petits escargots qui se collaient aux tiges de ces fleurs...

Je ne vais pas la poster, la lettre. Je vais la laisser dans la voiture, sur le siège, à côté de moi. Ta maman devrait y être assise. Elle a dû sortir. Elle va encore revenir avec une tonne de moules à faire cuire. Mais elle n’a pas pris le bateau. Il danse sur les flots entre la voiture et le la tour. A son âge, c’est plus prudent, tu ne crois pas.

J’ai un peu sommeil. Alors, je vais attendre qu’elle revienne et nous serons chez toi pour le dîner. Ton mari doit aimer les moules, non ? C’est lui qui est douanier ou c’est ton frère ? Je ne sais plus. On sera là ce soir. Je vais dormir un peu en attendant ta maman.


Je t’embrasse, ma grande.
A ce soir. J’ai vraiment sommeil.

Ton papa qui t’aime.
Papa.

22 novembre 2008

Garde à vue (Papistache)

— Le camion de livraison s’est arrêté juste devant l’entrée de la maisonnette de Madame Suzanne. De la fenêtre de mon bureau, au deuxième étage, j’ai une vue plongeante sur son petit jardin ainsi que sur le portillon. Elle a paru surprise, a parlementé un bon moment avec les deux employés en livrée verte et jaune. Les deux gaillards ont fini par déposer un gros carton sur son carré de pelouse à pissenlits. Ils ne sont pas entrés dans le logement.

Madame Suzanne a ouvert le carton avec les ciseaux qui ne quittent jamais la poche de son tablier. Elle est passionnée, plus que de raison, de patchwork et autre boutis. Elle a ôté, puis jeté sur le sol, une vilaine couverture verte qui devait protéger le contenu du colis.

Je n’ai pas vu ce qu’il y avait dessous. Il aurait fallu que je me penche au balcon et elle m’aurait aperçu. Entre voisins, il convient de rester discrets, non ? Ce qui m’a surpris, c’est quand je l’ai vue enjamber le carton et s’y installer. Oui, oui, à l’intérieur du carton. Elle a d’abord posé le pied droit, a levé la jambe gauche, et hop ! s’est assise au fond de la boîte. Elle semblait heureuse. Je l’ai même entendue rire. Un rire de jeune fille, ce qui est curieux pour une dame de quatre-vingt-deux ans.

Je l’ai regardée jouer. Oui, jouer ! Elle lançait des « tchous-tchous » comme une enfant qui se serait crue dans une locomotive. A un moment, elle a replié les rabats du carton par-dessus elle. C’était juste après que la couverture ait, d’elle-même, réintégré le carton. Je vous assure, monsieur le commissaire, la couverture a rampé lentement — au début je n’avais même pas remarqué qu’elle se déplaçait — et elle est retournée dans le carton. Par-dessus Madame Suzanne, oui, exactement. Il devait être 11 heures, 11 heures 15. L’ombre du grand peuplier avait disparu, toute la pelouse était ensoleillée. En cette saison, vous pourrez vérifier, c’est vers 11h heures, 11 heures 15.

Je l’entendais chantonner. On aurait dit une ritournelle de cour de récréation : « Un samedi soir, je dis-t-à ma mère, voulez-vous savoir le garçon que j’aime… »

Quand le camion de livraison s’est de nouveau arrêté sur le trottoir, j’ai arrêté de taper à la machine. Je suis écrivain, je vous l‘ai dit déjà ? n’est-ce pas ? Le portillon n’avait pas été refermé à clé. Une négligence inhabituelle.

Les deux livreurs ont scotché le carton et l’ont chargé dans leur bahut. Je suis descendu précipitamment. J’ai juste vu disparaître l’arrière de leur véhicule au coin de la rue. J’ai noté le nom de la société de transport : « SOLEIL VERT ».

— Monsieur l’écrivain, je ne suis pas sûr que madame la juge soit aussi bon public que vos lecteurs. Brigadier, emmenez-le !

15 novembre 2008

Un signe (Papistache)

zesheep2Derrière son guichet en orme ciré, l’hôtesse doit me prendre pour un cinglé. C’est le dixième billet que je lui achète pour l’exposition temporaire “Fleurs de peaux” au musée des Beaux-Arts de la ville de Ch***.



flou2Jeudi dernier, il pleuvait, le rendez-vous avec un gros fournisseur de ma boite avait été annulé. Je suis commercial à la Solu-Paper-Tea, société spécialisée dans la fabrication des sachets solubles de thés et tisanes. J’ai déambulé dans les rues médiévales sous mon parapluie jaune et vert, à l’enseigne de la boite.



flou4L’affiche m’a attiré : “Pastels secs, Fleurs de Peaux de Zesheep”. Je suis entré... Les portes du musée s’ouvrent à neuf heures. A midi, le gardien me pousse gentiment vers la sortie. A quatorze heures, je tends ma carte bleue à l’hôtesse :
Pour l’expo “Fleurs de Peaux” ?
— What else ?


flou5Mardi, le musée ferme, j’aurais pu quitter Ch*** et appeler la boite ou Monique, j’ai rôdé dans les jardins de l’évêché qui bordent la vieille bâtisse où sommeillent les collections d’art de la ville. Je n’ai pas réussi à sortir le téléphone de la poche de mon caban.



flou6Mercredi. Je suis là, dès l’ouverture. L’hôtesse me tend un billet avec réticence. Je lis sur son front le lourd cheminement de sa pensée. Elle redoute un acte de vandalisme ou un vol spectaculaire. Elle a tort.


 


flou7Je n’en veux pas aux œuvres accrochées. Une seulement m’attire. J’ai l’impression qu’elle vit et change à chacun de mes passages.
Je quitte le musée chaque fois plus fort que lorsque que j’y suis entré. Ce regard me donne une pêche d’enfer.



flou8Hier, mercredi, j’ai cogité toute la journée. J’ai foulé chaque centimètre carré du jardin de l’évêché. Il est petit. Si ce matin, je perçois, le moindre signe, je plaque tout : boulot, épouse, appart, relations... Je fonds sur  les Marquises.



flou9
Bientôt quarante berges, je ne vais pas attendre d’être usé pour emboîter mes pas dans les traces de Gauguin. Un signe, un seul et... je m’envole.

8 novembre 2008

Le rap des vioques d'la rue Léooooon (Papistache)


                   La vieille, qu’est-ce que t’as fait à bouffer ?
                   Avec mes potes on a la dalle, yeah !
                   La vieille, bouge ta graisse, sors tes melgas
                   Les mecs d'la tour d’la rue Léon sont lààààà !


J’ai la fureur et la colère qui m’tordent les tripes.
Faudrait voir, la mère, à te s’couer les nippes.
Les vioques qui squattent  les bancs publics,
                                  Y z’en ont marre d’la purée jambooooon !
Sors tes melgas, i faut qu’t’assures
Un max. On a les crocs,  j’t’jure !
Magne, magne, magne, change d’alluuuure !
                                  Vas-y, la grosse, fais péter l’saucissoooooon !

                   La vieille, qu’est-ce que t’as fait à bouffer ?
                   Avec mes potes on a la dalle, yeah !
                   La vieille, bouge ta graisse, sors tes melgas
                   Les mecs d'la tour d’la rue Léon sont lààààà !


On a la haine de l’hospice, on a la rage,
C’est la faute à la société qui nous encage.
La soupe patate poireaux c’est pas d’notre âge.
                              On est tous là ! Y’a Pierrot, Robert et Mimiiiiile
Donne-nous du steak et d’la barbaque.
On a la trique, on veut qu’ça claque.
On s’en fout que ce soit d’la vache ou du morback.
                             Graisse ta grillasse et mets de l’huiiiiiile.


                   La vieille, qu’est-ce que t’as fait à bouffer ?
                   Avec mes potes on a la dalle, yeah !
                   La vieille, bouge ta graisse, sors tes melgas
                   Les mecs d'la tour d’la rue Léon sont lààààà !


Les grognasses de la maison d’retraite nous servent du thé
au p’tit déjeuner et au gouter et encore au  diner.
On a en assez d’ingurgiter toutes leurs saletés.
                               Tu crois pas qu’on va baisser  nos froooocs,
On veut du raide et du costaud, aboule les pochtrilles.
Sucer des tisanes, c’est bon pour les filles.
Nous on a la queue qui  r’mue et qui godille
                               Bifteck-frites et beaujol’pif pour les viooooques !


                   La vieille, qu’est-ce que t’as fait à bouffer ?
                   Avec mes potes on a la dalle, yeah !
                   La vieille, bouge ta graisse, sors tes melgas
                   Les mecs d'la tour d’la rue Léon sont lààààà !
 

Passe-nous les coupailles et les fourchailles.
C’est l’heure de nous balancer la graille.
Lésine pas sur le beurre et la moutarde Maille.
                            Approche les  culr’poses qu’on s’installe à l’aaaaaiiiise.
Vieille crapule, t’as gardé ton coup d’patte,
J’dois t’dire que ta bouffe è m’épate
Comme avant qu’j’avais du poil aux lattes.
                            J’sens l’plaisir qui monte, je r’deviens un gars balèèèèèze.

              La vieille, c’est bon c’que t’as fait à bouffer.
              Avec mes potes, on s’est rincé la dalle, yeah !
              La vieille, amène ta graisse, laisse tes melgas
              Ton mec du 3 d’la rue Léon est lààààà !

2 novembre 2008

La lettre -suite- (Papistache )

La faible lumière de la lampe jetait des ombres mouvantes autour de moi.  Le ciel était couvert de nuages épais que des éclairs brefs et silencieux trouaient de temps à autres. A chaque détour du chemin, un homme me faisait signe d’avancer. Des bruits sourds me devenaient peu à peu perceptibles. J’ai commencé à ressentir le froid. Mes mules d’appartement rendaient ma marche hésitante. J’ai glissé et j’en ai perdu une. Ma lampe s’est éteinte.

J’étais gelé. Mes dents claquaient. Je ne pensais même pas à faire demi-tour. Toujours l’invite sans équivoque des hommes en noir me poussait vers l’avant. Le chemin s’encaissait de plus en plus et les bruits claquaient à mes oreilles tandis que les éclairs traçaient de longs sillages dans le ciel. Mes pieds, nus, la boue avait sucé ma seconde pantoufle, glissaient dans la glaise, j’avais si froid qu’il me semblait que mes membres étaient de bois. L’oreille droite me lançait des vrilles douloureuses jusque dans la nuque, la gorge me brûlait de respirer l' air vif et légèrement sulfureux.

Ma marche se ralentissait malgré moi, je parvenais de moins en moins à décoller mes pieds de la gangue molle qui tapissait le chemin.  J’ai réalisé qu’il s’était mué en tranchée. J’ai repensé à la lettre, seulement à ce moment-là. Aussi stupide que cela puisse paraître, quand je le raconte aujourd’hui, je l’avais complètement oubliée. J’ai crié :
— Où me conduisez-vous ?

Les hommes avaient disparu. J’étais seul dans une tranchée, des canonnades déchiraient la nuit et j’étais transi de froid. Curieusement, alors que depuis je tremble au moindre mouvement de feuille, à cet instant, je n’avais pas peur. J’ai reconnu le profil des tranchées de la guerre de 14-18 que j’avais longuement observées dans mes livres d’histoire. Je ne saurais dire combien de temps j’ai marché. Longtemps, il me semble. Je vais taire également les cadavres rencontrés en travers des saignées qui entaillaient la campagne uniformément grise. J’étais seul. Je foulais des corps tombés au combat et je me disais que mon grand-père allait certainement m’apporter la clé de cette situation.  Comme Don Quichotte, abruti par ses lectures médiévales ne s'étonnait pas de croiser des géants, ma curiosité adolescente pour la science-fiction me donnait l'assurance de pouvoir gérer le paradoxe vers lequel je me persuadais de cheminer.

Pour me protéger du froid, j’avais volé sa capote à un soldat qu’un éclat d’obus avait scalpé au-dessus du nez. J’étais toujours pieds nus ; les godillots du pauvre Poilu affichaient trois à quatre pointures de moins que mes pieds engoncés dans la terre. Et je marchais. Péniblement. Quelquefois, de la poitrine d’un cadavre s’échappait un souffle de vapeur que le froid condensait en fines gouttelettes. L’un d’eux était-il mon grand-père ? En l’absence de tout signe des hommes noirs, je poursuivais mon chemin, les fulgurances du ciel suffisaient à me laisser deviner où placer mes pas.

Au détour d’un réduit identique à cent autres, le bras d’un homme en noir, sorti de l'ombre, m’arrêta. Il me désigna une casemate enfoncée dans le bas-côté de la tranchée. Des sacs de sable en renforçaient l’entrée. Le caporal Charles Rachée devait m’attendre. Il allait m’expliquer.

L’intérieur de l’abri était éclairé par deux chandelles posées à même une caisse qui servait visiblement de table d'ordonnance. L’odeur était effroyable, un mélange d’urine, de vomi et de mauvais vin rouge. Le caporal était ivre. Sa vareuse maculée de longues traînées violacées  indiquait le degré de son emprise alcoolique. Je me refuse à retracer ici la teneur exacte de notre entrevue. Je vais devoir la résumer.

Pour échapper à l’enfer des terribles combats de Verdun, en 1916, mon grand-père avait engagé la promesse de vendre au diable l’âme de son premier petit-fils, moi, au jour où il fêterait, lui, ses vingt-quatre ans. J’avais fêté les miens deux mois plus tôt. Pris de remords, il m’avait envoyé une lettre à l’adresse que les hommes en noir avaient notée sur le contrat qu’ils avaient, mon grand-père et eux, co-signée, lui de son sang, eux de la suie de leur ombre. Comment les hommes noirs l'avaient-ils contacté ? Il ne me le dit pas.

Sous la caisse qui servait de bureau au caporal, je fis tinter, en la heurtant du genou, une provision de sept bouteilles de vin. En écoutant le récit haché par les rôts brutaux de mon aïeul, une idée m’était venue. Je lui versais rasade sur rasade qu’il avalait d’un trait. Il avait vingt-quatre ans et je retrouvais les traits du vieil homme que je n’avais jamais aimé. Enfant, ses colères alcooliques me terrorisaient. Enfin, il s’effondra. Je le déshabillai et échangeai tous ses habits avec les miens. Il me fut difficile d’enfiler ses brodequins mais je n’avais pas envie de me faire le pied délicat. J’appelai les hommes noirs en déguisant ma voix. Pour rendre le personnage plus crédible, j’avalai un verre de vin (le dernier que je bus jamais), mon haleine avinée les tromperait. Désignant mon grand-père, je leur lançai :
— Il est à vous, l’émotion l’a brisé. J’ai tenu ma promesse. Renvoyez-moi dans son siècle, comme convenu.
Comme un film qui se dévide à toute allure, j’ai remonté tranchées, chemins creux et escalier. Françoise dormait, la petite se serrait contre sa maman, elle avait dû pigner un peu, Françoise l'avait prise contre  elle. J’ai jeté les vêtements du caporal dans le vide ordures, suis resté longtemps sous la douche et j’ai brûlé la lettre. Dehors, le jour se levait.

Oh ! mon dieu, comme j’aurais voulu que cela finisse ainsi.  Si tout ceci n'était que littérature je posais là le mot fin. Je m’étais promis de confesser la vérité — je vous ai dévoilé et ma profession et mon identité — mais toute une existence de mensonges et de tromperies ne s’efface pas aussi vite. On ne leurre pas les hommes noirs comme j’ai voulu vous faire croire. Comment auraient-ils pu être dupes ?
Je suis un lâche, j’ai eu peur. Cette peur qui ne m’a jamais quittée depuis que je l'ai sentie s'infiltrer tel un liquide dans mes veines, remplissant chacun des espaces vides entre les fibres de mes muscles, entre mes os, dans ma moelle, sous ma peau, mes ongles. Je trompe tout le monde. Je fais le clown, le fier, le  montreur de marionnettes. Je ne suis qu’un misérable, mille fois plus méprisable que le caporal qui avait, lui, l’excuse d’avoir vécu l’enfer, de son vivant, dans les tranchées de Verdun.

Tous les ans, à la date anniversaire de la signature du torchon dont l'évocation me révulse l'estomac, l’index me saigne. L’index de la main gauche. J’ai vendu mon petit-fils, le premier à naître. C’est Hugo, celui que je surnomme Mowgli pour me soûler de belles histoires. Hugo, le fils d’Audrey. Il semble si fragile. Je sais que je n’aurai jamais la force de lui dire, ni à lui, ni à Audrey ni à Françoise. Dans vingt-deux ans, les hommes en noir viendront le chercher. Il va devoir payer la double facture du caporal Charles Rachée et de celui qu’il appelle encore Y’an-pè. Vingt-deux années d'ignominie encore à attendre, dans la peur qui m'habite et me glace depuis cette nuit où, par veulerie, j’ai vendu l’âme de mon premier petit-fils à naître.

Vous pouvez me haïr, jamais votre haine, aussi forte serait-elle et concentrée en un seul bloc, n’égalera le mépris que j’ai pour moi-même. Vingt fois, j'ai essayé de me donner la mort, à chaque tentative, un bras surgi de nulle part a retenu le mien. Je ne vaux pas même une vomissure de mon aïeul, j'ai vendu mon petit-fils.

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