Jéjé a quatre ans et depuis la naissance de sa petite sœur, l’an dernier, le petit appartement de fonction au-dessus de l’école est devenu trop petit.
Un jour, au dîner, Papa a déclaré : « On va faire construire ! »
Depuis, avec Maman, ils passent tout leur temps libre à visiter des « pavillons témoins ». Jéjé ne sait pas trop ce que ça veut dire. Un jour, il les a accompagnés. En fait, ils sont allés chez un monsieur qui leur a fait visiter sa maison. Jéjé était déçu de ne pas avoir pu rencontrer les enfants de ce monsieur, il aurait bien aimé jouer avec eux dans leurs belles chambres.
Le soir, ses parents consultent des « plans ». Ils lui ont expliqué que tous ces petits carrés qui se touchent représentent les pièces de leur future maison.
« Tu vois, c’est comme si on soulevait le toit et qu’on regarde par-dessus… Là, ça sera ta chambre » a expliqué Papa, en montrant l’un des petits carrés.
Depuis, à l’école, Jéjé ne dessine plus les maisons comme avant. Il les dessine comme sur les plans. La maîtresse était très intriguée avant qu’il ne lui explique !
Un jour, ses parents les emmènent promener, sa petite sœur et lui, dans un grand pré plein de fleurs avec un cerisier dans un coin.
« C’est là qu’on va construire la maison » dit Maman.
Pendant que Jéjé ramasse un gros bouquet de fleurs et fait des roulades dans l’herbe, Papa marche à grands pas dans le pré, en comptant. Des fois, il s’arrête et plante un piquet. Plus tard, il relie tous les piquets avec de la ficelle puis, l’air satisfait, il déclare : « Voilà, c’est notre maison ! »
Jéjé, est inquiet, elle ne lui plait pas cette maison en ficelle, sans toit. Qu’est-ce qu’on fera s’il pleut ? Et puis, il ne veut pas dormir dans l’herbe, il y a plein de petites bêtes et ça pique !
Toutes les semaines, avec Papa, ils vont surveiller l’avancée des travaux La maison pousse comme un champignon. Finalement, elle a des murs et un toit. Jéjé est rassuré.
Il passerait des heures à regarder travailler les maçons et leurs gros engins : la grue, la pelleteuse, la bétonnière… Maman les lui a achetées, en jouet et Jéjé s’amuse à construire des maisons avec des kaplas pour y loger ses playmobils.
C’est décidé, plus tard, il sera maçon !
La grande maison est terminée, on va pouvoir y habiter.
Dans le petit appartement, Jéjé court au milieu des cartons. Tous ses jouets sont emballés, il n’a plus rien pour s’amuser. Maman lui crie après, très énervée : « Jérôme, tiens-toi tranquille ! »
Ça calme Jéjé. Quand sa mère lui rend son prénom, c’est qu’elle est très en colère, il vaut mieux lui obéir.
Le dernier soir, il ne reste plus, dans la cuisine, qu’une table, quatre chaises, la cuisinière, le frigo et un peu de vaisselle. Dans les chambres, tous les meubles ont disparu, hormis les lits. Ailleurs, tout est vide. C’est rigolo, ça résonne…
Le lendemain, très tôt, oncle Charles vient aider Papa à démonter et transporter ce qui reste avec son utilitaire. Mais Jéjé ne va pas pouvoir les aider car Maman les emmène, lui et la petite sœur, chez Mamie pour toute la journée.
Le soir, elle vient les chercher : « Le déménagement est terminé. On rentre chez nous ! » dit-elle.
A un moment, sur la route, Jéjé pense que Maman s’est trompée… puis il réalise que « chez nous », c’est la grande maison, maintenant.
Dans sa nouvelle chambre, il retrouve tous ses meubles et ses jouets, installés. Ça sent une odeur bizarre. Le papier peint qu’il a choisi est drôlement chouette avec ses petits lutins et ses champignons !
Jéjé n’imagine même pas que, cinq ans plus tard, il suppliera à genoux ses parents de l’en débarrasser. Qu’il mettra plus de deux ans pour les convaincre et qu’il devra attendre une année entière encore pour que Papa, le mois de ses douze ans, mette le projet à exécution et ne remplace ces maudits lutins par des murs tout blancs.
Mais pour le moment, le petit Jéjé de quatre ans est content. Dans sa belle chambre toute neuve, il dort comme un petit loir, au milieu d’un parterre de champignons, en compagnie des petits lutins bleus.
Le lendemain matin, Maman, étonnée, regarde par la fenêtre car elle entend Jéjé qui parle dans le jardin.
Elle le voit assis sur le muret, à côté de la boite aux lettres, qui apostrophe tous les gens qui passent sur la route, devant chez eux.
« Bonjour ! Je m’appelle Jérôme, Jérôme Dubois, mais tout le monde m’appelle Jéjé. Et j’habite dans cette grande maison toute neuve, avec mes parents et ma petite sœur. Et ma petite sœur… »
La plupart des passants s’arrêtent, amusés et sous le charme, et engagent la conversation avec ce petit bonhomme si avenant.
Et c’est ainsi que, grâce à Jéjé, la famille Dubois n’a aucun mal à s’intégrer dans le quartier.