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Le défi du samedi
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14 septembre 2013

Un jésuite (Célestine)

cél

 

Un petit matin d’octobre au collège Saint-Sulpice.

Saint Supplice disent les élèves...

Le redoutable père Gilbret, vieux professeur de lettres atrabilaire, rend leurs rédactions à ses élèves.

                       ***

 

Ah ! Monsieur JC… (Oui, notre ami a signé sa copie de ses initiales…Sans doute a-t-il cru spirituel de jouer avec leur sainte homonymie…)

Je lis votre chef d’œuvre, monsieur JC :

 

"Alors, tous les arbres frémissent"... 

Voilà un incipit d’une navrante banalité (mais oui, voyons, c'est de la bouillie, de l'image d'Epinal... du Richard Clayderman! Que dis-je, du Clayderman ! C’est de l'André Rieu! ) Et pourtant  ce n'est qu'un désolant début, et vous n'avez encore rien entendu...

 

"...Le grand  véréfour"...

Mon pauvre ami...qu'est-ce que c'est que cette élucubration? Je suppose que vous parlez d'un oiseau! Mais enfin,  il  en manque, honnêtement,  des espèces de grands oiseaux, dans le dictionnaire ? Ah mais, jeune impertinent,  la vérité scientifique ne vous inquiète guère, apparemment ! Vous aviez le choix entre le grand tétras, le grand duc, le grand lagopède des Alpes...vous rendez-vous compte que vous avez tout bonnement créé une espèce? Vous prendriez-vous pour Dieu le père? Décidément, quelle prétention... quel blasphème!

Où en étions-nous ? 

 

"Qui porte le nid"...

Ah oui, le nid...c'est sans doute pour cela que j'ai pensé à un oiseau. Mais c'est une fâcheuse association d'idée, en fait. Car enfin, d'où tenez-vous qu'un oiseau "porterait" son nid? Il le construit, soit, il l'arrange, il l'orne de duvet...mais le porter... Vous avez déjà essayé, vous, de porter quelque chose SANS BRAS sombre idiot? Avec seulement deux misérables ailes? Et d'ailleurs, où le porte-t-il comme ça? Il ne pouvait pas réfléchir ce crâne de piaf,   à choisir un emplacement convenable, avant de le bâtir ?

Tssss...Bon admettons. Je poursuis:

 

"Retient son souffle..." Oui, retenez-le, je vous le conseille, car vous n'êtes pas au bout de vos peines! Il me faut, pour ma part, avoir le cœur bien accroché pour supporter les apnées répétées que me provoque la médiocrité galopante des élèves, de nos jours...le niveau baisse, hélas, si lamentablement…

 

"Se referment les tapinoufles..."

Mon dieu, mon dieu...mais mon pauvre ami,  il va vous falloir m'expliquer ce que c'est encore que ces fariboles ?  En voila bien d'une autre! Qu'entendez- vous donc par ce substantif farfelu? Des fleurs? Des vêtements ? Des chaussures? Des habitations exotiques? Des bouches en cœur? Des coquillages? Et pourquoi se refermer comme ça, tout à trac? 

Croyez vous qu'il suffise d'aligner des syllabes sans queue ni tête pour faire une rédaction ? Des tapinoufles...pourquoi pas des zycomeles ou des rubidanes? Vous voyez? Moi aussi, je suis capable d'inventer des mots, c'est à la portée  du premier imbécile venu! Vos camarades apprécieront, j'en suis certain, combien vous sombrez là  dans la plus consternante des facilités... Mais attendez la suite:

 

" ...Et les ronils à pois bleus .... " alors là, c'en est  trop! Je crois hélas que je vais devoir en référer à Monsieur votre père, au sujet de certaines substances illicites qu'il doit absolument vous défendre d'absorber. Une petite conversation qui je l'espère vous remettra les idées en place...ne me dites pas que vous n'étiez pas sous l'emprise d'une quelconque drogue pour écrire ce genre de délire ! Des ronils à pois bleus...ciel! Cela change à tout le moins des sempiternels éléphants roses! J'aurai vraiment tout ouï dans ma carrière! Nous nageons en pleine fièvre, c’est un accès de paludisme...je présume que vous vous  procurez cette espèce de champignons hallucinogènes sur internet, ce fâcheux support de Satan? Pffff. 

 

...s'évanouissent". Apothéose de la nullité...on n'a plus d'idée, alors on fait s’évanouir le sujet...Point final  du "chef d'œuvre" de notre jeune ami. Eh oui, tout à une fin, et cela abrège heureusement  nos souffrances respectives... Je crains fort que ce ne soient vos chances de passer dans la classe supérieure qui s'évanouissent ...je vais même vous dire crûment  la vérité: 

Ce n'est pas avec ça que vous réussirez dans la vie, Charpentreau!

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7 septembre 2013

Rêve de fringues (Célestine)

J’ai fait un rêve idiot et amusant.

-Tiens, d’habitude, les rêves sont plutôt étranges et pénétrants…

-Oui, mais celui-là était vraiment saugrenu et poilant. Enfin, je crois que c’était un rêve…en fait je ne sais plus trop…J’étais dans ma chambre et je regardais mon armoire entrouverte avec cet air de songe vague et distant que l’on prend quand on ne sait plus ce que l’on est venu faire là, tu vois…

-ah oui ! Ça m’arrive souvent : il suffit de revenir à son point de départ…

-Là n’est pas la question. Le fait est que j’ai entendu distinctement mes vêtements parler. Ils tenaient un étrange conciliabule.

-Ils te passaient un savon ?

-Non pourquoi ?

-Eh, con, s’il y a bulle, y’a savon ! Ha ha!

-Bon si tu m’interromps tout le temps...Tu ne veux pas savoir, pour mes fringues ?

-Ah oui , alors, qu’est-ce qu’elles disaient ?

-Voila, tout a commencé comme ça, avec le pull en cachemire, tout rose de plaisir, qui disait d’un ton feutré : «  J’aime l’envelopper à même la peau. Elle est si douce ! J’aime mouler ses petits seins ronds et pointus au bout

-Hé hé ! Il commence bien, ton rêve !

-Attends, laisse-moi raconter la suite !

« Peuh ! Disaient les chaussettes, tu as le beau rôle ! Si tu crois que c’est drôle pour nous…Elle nous sort du tiroir pour nous enfermer aussitôt dans les chaussures ! Sans compter que, enfin…vous voyez bien… à la fin de la journée…hum…nous ne sommes plus dans de la première fraîcheur! »

« Moi, dit une petite robe noire décolletée en panne de velours, j’adore l’accompagner car elle m’emmène dans des endroits brillants et colorés, pleins de bulles et de musique. Mais je finis souvent roulée en boule sur un tapis… »

Puis les tee-shirts ont râlé que je ne les portais pas assez, et que je n’en avais que pour les petits hauts à bretelles, les robes à fleurs qui virevoltent et les chemisiers en satin.

Les jeans ont pris ma défense en affirmant qu’ils étaient indissociables des tee-shirts en question…Bref, le ton est monté, les manteaux s’en sont mêlés…Et plus le ciré pleurait, plus les mitaines applaudissaient... les foulards s’agitaient, les caracos caracolaient, c’était un joli bazar dans mon armoire… Un corsaire haranguait les pantalons, pendant que le bustier bombait le torse.

-Et alors ? Et alors ?

-Alors…je me suis réveillée, et j’ai retrouvé pourquoi j’étais là, plantée devant mon dressing : j’avais une soirée, il fallait que je m’habille. Et  je me souviens aussi de ce que j’ai pensé à ce moment-là !

-Ah oui ? Quoi ?

-J’AI RIEN A ME METTRE !

cél

6 juillet 2013

Les hommes de ma vie (Célestine)

Hubert avait piqué ma pelle au bac à sable

Alain était assis en classe devant moi
Serge prit par erreur le même train que moi
Amaury me prêta un coin de parapluie
Robert me prêta six francs pour mon taxi
Désiré était myope, il  me fonça dedans
avec sa Chevrolet
et je fis un constat:
tous les hommes de ma vie
Je les dois au hasard.
Ce bégaiement de l'existence
qui compose des symphonies...
8 juin 2013

Trahie (Célestine)

Cé

 

"Dans le salon de Madame des Ricochets

Les miroirs sont en grains de rosée pressés

La console est faite d'un bras de lierre

Et le tapis meurt comme les vagues.

 

Ses mains de  roses fanées

Tremblent devant ces beaux miroirs

Et une larme de vieil organdi

Dévale ses joues de papier froissée

 

Monsieur des Ricochets serait parti

Pour une jeune estaminette

Au nom soyeux de Rodogune

Le ciel s’est déchiré soudain

 

Ah! madame au salon se meurt

Des habitudes de septembre

Quand les tapis aux fenêtres tombent

Comme des étendards flétris

 

Et dans le miroir son visage

Où les larmes ont creusé des lacs

Et des sillages de blé noir

La console a un goût de cendre

 

1 juin 2013

Panne (Célestine)

La barque était bien cachée dans un repli de la rive, entre deux rangées de roseaux fumants. Le petit matin luisait de bave d’escargots qui avaient tracé leur chemin pendant la nuit sur les écorces des hêtres et entre les branches, on voyait briller aux rayons obliques du soleil  les fils d’argent des épeires diadèmes. Olga s’était sauvée dès potron-minet, le cœur battant la chamade. Morand l’attendait près du bosquet où ils s’étaient donné rendez-vous. C’était un jour clair de juin, cela sentait l’Aventure. Ils grimpèrent sans rien dire dans l’embarcation, elle avait une robe blanche. (Lui un knickerbocker à carreaux) Elle le trouva sauvagement beau dans l’éclair de ses yeux pâles.

Ils longèrent l’île Verte aux sons stridents des martinets qui rasaient l’eau de leurs plumes noires. L’air devenait brûlant, et laissant traîner sa main langoureusement au fil de l’eau et de sa rêverie, Olga observait les yeux mi-clos avec un sourire aguicheur les muscles puissants de son amant bouger sous sa peau bronzée, au rythme des coups de rame vigoureux qui les propulsaient vers l’inconnu. C’était si troublant qu’elle laissa glisser la bretelle de sa robe et que soudain les yeux fermés, elle tressaillit en sentant le baiser chaud de …

Crrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr

Oh ! Bon sang d’télé ! C’est toujours pareil ! qui est-ce qui m’a fichu un truc pareil, j’vous d’mande un peu !Au moment l’plus intéressant ! j’en ai maaaarrre !!!!

-c’est quoi ce raffût ?

-oh, ça m’âme Michu,  c’est la concierge,! chaque fois qu’è r’garde sa série à l’eau d’rose, vla-t-y pas qu’sa télé s’coupe !

-Ah ben voui ! Pis elle a pas l’internet pour r’garder comme qui dirait en « ripleille »

-Pensez-vous !ça risque pas !  è r’fuse le progrès ! même que sa tv est encore en noir et blanc…

-Bon ben j’vous laisse, M’âme Michu, j’m’en vais chatter sur Emessène…

-Moi j’ai mon emule qu’a buggé, j’vais voir quoi faire !

-A la r’voyure ! Purée, not’ pauv’ bignole et ses histoires d’amour à la noix, elle sait pô c’qu’elle perd !

-Pour sûr !

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25 mai 2013

Répondeur (Célestine)

cél

-Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur de Anne, eh non, je ne suis pas là pour l’instant, mais vous pouvez me laisser vos coordonnées, je vous rappellerai dès que possible !

-Oui, Anne, c’est moi, bon tu es toujours sur répondeur, c’est bien ma veine ! Ecoute, Il faut que tu viennes ici le plus rapidement possible. J’ai vraiment besoin de toi. Je te l’ai dit, Henri est  un époux charmant et attentionné, bon d’accord, ce n’est pas Brad Pitt, mais il compense son physique par une gentillesse que tu n’imagines pas. Il me couvre de cadeaux, il m’a refilé  sa carte bleue que je peux  utiliser à mon gré tous les jours si je veux. J’ai d’ailleurs abusé des grands magasins, ces derniers temps… Bref, tout irait bien, mais ce que je ne comprends pas c’est  pourquoi il m’interdit l’accès à son ordinateur. Il le laisse allumé en permanence sur son bureau et il me défend tout le temps d’approcher, ça m'énerve! Je lui ai dit plusieurs fois que dans un couple, ça se fait pas trop, de se faire des cachotteries, rien à faire ! Bon, je vais faire court, c’est épouvantable : voilà, aujourd’hui, il m’annonce qu’il a un congrès à Nantes et qu’il sera absent toute la journée. Je sais pas ce qui m’a pris : quand j’ai vu clignoter sur son ordi la petite phrase  « Vous avez un message » j’ai pas résisté, j’ai cliqué ! Oh mon dieu ! qu’est ce que j’ai fait…Anne, ma petite sœur, viens vite…Dépêche toi, j’ai peur…Vite !  Au sec…. !clic.

 Tuuut… tuuut… tuuut…

18 mai 2013

Rencontre (Célestine)

-Vous avez mal ?

Ce fut la première chose que Polly entendit quand elle revint de son étourdissement.

Elle flottait dans un brouillard artistique à la David Hamilton. Elle réalisa que si elle avait perdu ses lunettes, c'était dramatique : sa myopie ne lui pardonnait rien.

Mais la voix qui avait posé la question était agréable à l'oreille comme une sonate de violoncelle un soir d'été quand la tendresse s'en vient toute seule.

La silhouette semblait s'inquiéter réellement d'elle, et de la douleur lancinante qui lui avait estourbi le front. Bam ! Un vrai coup de Trafalgar.

-Laissez moi vous aider à remettre vos lunettes.

Lors de la brume émergea le visage d'un jeune homme, blond et charmant comme on en rencontre dans les histoires de quat' sous.

Mais on était dans la réalité.

Tout revint à Polly et à sa mémoire gommée momentanément par un moment cotonneux.

L'enseigne de la librairie, les rideaux vert anglais aux fenêtres, les rangées de livres, l'odeur fauve de cuir vieilli.

Et ce passage entre les deux pièces qui formaient la boutique, un passage étroit et bas de plafond. Sur la pancarte « Attention à votre tête » une petite trace rouge : Polly, sous la violence du choc, avait laissé un peu de son ADN dans le coin en bas à droite.

-Voulez-vous un peu de thé ?

En trois phrases, la belle fut conquise.

Ainsi commença la plus belle histoire d'amour qu'ait jamais connue le petit village de Quilbisham, entre un libraire timide et une lectrice myope.

Si vous allez dans le Sussex, entrez dans la librairie « Paul & Polly»

Sur la fameuse pancarte, et dans l'espoir de voir se reproduire le miracle de l'amour, on peut lire l'avertissement suivant :

«Attention à votre tête cœur ».

11 mai 2013

Exercices de style... (Célestine)

Panégyrique

Oh mon dieu, je n'ai jamais vu un concert d'une telle émotion, extraordinaire le charisme de cette chanteuse, une voix de cristal, les spectateurs étaient en transe, je te jure, quand ils ont levé leurs briquets j'en ai eu la chair de poule ,je n'ai jamais rien entendu d'aussi beau, c'était formidable l'aura de cette fille, et elle a un corps, si tu avais vu ça ! De rêve, quand elle soulevait sa poitrine, ah mon vieux c'était fabuleux, plus personne ne respirait dans la salle, génial comme elle tient son public, c'est la meilleure, je suis vraiment un fan conquis et inconditionnel ! Comment ça tu l'aurais deviné ?


Jalouses

-Non mais regarde-moi cette pouf, comment elle se la pète !

-Si au moins elle chantait bien ! Mais franchement c'est une casserole !

-Et sa robe ! Non mais tu as vu ça ? Ça existe ça ? C'est au moins du Jean Paul Gaufré !

-Et tous ces types qui bavent en louchant sur son décolleté, tu me diras pas qu'ils viennent là pour sa voix ?

-C'est clair, et ils en redemandent, allez viens, on zappe !

-T'as raison !


Quatrain

Le roi Loth en son château

Donne un bal et grande ripaille

Jouvencelle et son flûtiau

A esbaudi les prétintailles

 

People

Hier soir sur les Champs, la chanteuse Lady Zinzin a créé l'événement en apparaissant pour un concert improvisé habillée simplement d'un extraordinaire maillot de bain en gratin dauphinois véritable. En quelques minutes, une foule compacte de fans s'était massée autour d'elle, créant un véritable embouteillage sur l'Avenue. Le buzz a été aussitôt été relayé sur les réseaux sociaux, et en quelques minutes la barre du million de twitts a été atteinte par ses followers. C'était Abigaelle de la Pignerie pour BMF TV.


Maréchaussée

Chef, nous avons apprrréhendé cette demoiselle qui semait le désorrrdrrre surrr la voie publique, nonobstant et subséquemment ! Elle s'adonnait à la prrratique d'un instrrrument de musique au lieu dit « la place de la Rrrépublique » et nous la soupçonnons d'avoirrr inconsidérrrément prrrovoqué du tapage nocturrrne en obligeant une centaine d'individus à aplaudirrr à tout rrromprrre jusqu'à une heurrre avancée de la nuit. Nous la coffrrrons, chef ?


Doute

Bon d'accord. Soit. Elle saluait. Mais qui me dit que c'était une jeune fille, d'abord, hein ? Vous avez vérifié ? Si ça se trouve c'était un jeune homme déguisé, ça s'est vu par le passé...Et le concert...qui vous dit qu'il était vraiment fini ? Vous savez, avec ces œuvres contemporaines...on ne sait jamais...Les auditeurs,je me demande s'ils ont vraiment applaudi, peut-être qu'il y avait tout simplement des mites ou des moustiques qui leur tournaient autour...non ? Ils refusaient de partir mais on les comprend...Pour aller où ? Et d'ailleurs, d'où venons-nous ? Et Dieu, dans tout ça ?

4 mai 2013

Participation de Célestine

Cher Monsieur Magritte,

Aujourd’hui, la Maîtresse nous a montré  un tableau de vous. La Claivoyance, ça s’appelle. Ouh ! C’est compliqué comme mot, ça, hein, la Clairvoyance…Quand elle a installé le tableau dans la classe, nous avons tous rigolé. Il faut dire qu’il y avait de quoi !  Il paraît que c’est vous en train de peindre…Vous avez une drôle de coiffure : vous ressemblez à tonton Eugène, le frère de papa.

La maîtresse a dit : « vous allez faire une rédaction sur ce que vous inspire ce tableau ». Ca a murmuré dans la classe. Et puis on s’est mis au boulot. Je parie que les filles vont vous trouver élégant, les filles, ça s’intéresse toujours aux fringues. Elles vont décrire votre costume et les reflets dans vos cheveux. Un vrai casque à huit reflets.  Alceste, j’en suis sûr,  va s’intéresser  à l’œuf. Alceste, c’est un gros qui mange tout le temps. A coup sûr qu’il va vous décrire toutes les recettes possibles, au plat, en omelette, à la coque, mollets…

Agnan, c’est le premier de la classe, il a pris des airs inspirés de scientifique, derrière ses gros carreaux de myope, et il a levé le doigt pour demander « Comment ça s’écrit, ornithologue, maîtresse ? » tout ça pour nous en mettre plein la vue. Ce sale chouchou !

Clotaire s’est gratté la tignasse, comme d’habitude, il n’avait pas d’idée apparemment, c’est le dernier de la classe, il n’a jamais d’idées. Mais il a la télévision chez lui !

Rufus et Maixent se sont regardés en ricanant…C’est mes meilleurs potes, ils trouvent que vous ressemblez au Bouillon, notre surveillant. On l’appelle le Bouillon parce qu’il dit toujours « Regardez moi dans les yeux ! »

Eudes n’arrive pas à comprendre comment vous avez fait pour vous peindre en train de peindre…Il est très fort mais il  n’a pas de cervelle.

Et moi…moi je trouve qu’il est merveilleux votre tableau, monsieur Magritte. Parce qu’il montre les choses comme je les vois. Et que tout le monde se moque de moi quand je le dis. Ma mère dit que je fais le malin. Il n’y a que la maîtresse qui me croit. Elle m’a dit que ça s’appelle un médium.

C’est comme ça que j’ai deviné que mon père est parti. Rien qu’en voyant la lettre posée sur la table.

 

Nicolas

cél

Merci à messieurs Goscinny et Sempé

27 avril 2013

En haut des marches (Célestine)

cél
©Jean-Jacques Sempé

 

Sur ses petits chemins transversaux, bien loin des routes nationales, elle rêvait toujours d' escapades au ciel turquoise et aux nuages orange, aux aiguilles de pins cembros, des aiguilles douces crissant sous les pieds sans blesser les orteils. Elle mettrait sa petite robe d'étoiles et ses espadrilles de satin bleu. Elle ne demanderait rien d'autre que de sentir des gouttes de rosée au coin de ses yeux, de suivre des chemins de soleil tortueux au bord des falaises noires, d'enfouir ses narines dans l'odeur du foin coupé. Le décor tremblerait dans la chaleur de mai.
   Elle désirait goûter la vie comme on trempe ses doigts gourmands dans la confiture de mûre.Comme on se glisse voluptueusement dans l'espace indicible entre les heures et les minutes. Elle rêvait de sentir ainsi vibrer celui qui l'enlèverait, un prince, un bûcheron, un troubadour, un Cyrano, un chevalier des champs de blé ou de luzerne, quand elle s'accrocherait, en fermant les yeux, avec un petit rire de souris blanche, comme à un rocher, à son corps tendu vers l'espace. Blottie sur le porte-bagage de la douceur de vivre, elle arrondirait les bras en parenthèses. Juste un instant d'éternité. Leurs mains se chercheraient. Leurs doigts se chercheraient. Le vent chuchoterait à leurs cheveux.
   Les astres et les fleurs se troubleraient de tant de bonheur. 
Ils trouveraient un escalier herbeux et sauvage, et le coeur palpitant tout en haut des marches, il l'embrasserait et l'éblouissement de ce baiser unique ferait pâlir les nébuleuses et les éclipses de lune.

 Infiniment. 

20 avril 2013

Amnésie (Célestine)

Cé

-Dis, tu as vu quel jour on est?
-Mais, on est déjà vendredi soir? 
-Ben, oui, c'est l'heure du défi!
-Euh...le défi...?
 -Oui, du samedi!
- c'est quoi, déjà? 
-Tu sais bien, le jeu des défiants!
-Attends mais c'est qui, ceux-là?
-Ils écrivent. Sur un sujet.
-Il y avait un sujet?
-Oui, tu devrais t'en souvenir! D'habitude tu as une mémoire d'éléphant!
-C'est quoi, un éléphant?
 
13 avril 2013

Désillusion (Célestine)

cél

Je l’ai bien regardée, contemplée, admirée, à travers mes pupilles en fente cillée, sourcillée, zébrée, lui faisant mon regard vert opalin, coquin, mignardin qu’elle adore. J’ai arrondi adouci amolli mes pelotes pour promener velours sur sa peau blanche.

J’ai ronronné roulé enroulé mon poil de touffe noire et douce comme soie au satin de ses jambes. J’ai miroulé, miauliné, mignonné mon museau de cuir rose et noir, triangle mou tout froid tout humide contre sa douceur angevine et j’ai langué, léché, léchouillé ses doigts de mon fin papier de verre âpre et scroutch scroutch scroutch sur le fin nylon de ses bas noirs résillés, elle a hurlé.  

J’ai trembloté, agité vibré vibrillonné mes fins longs cils moustaches chatouillantes affolantes sur sa joue rose, rosie, enrosie de plaisir

J’ai cru qu’elle aimerait mes papouilles léchouillantes papillonnantes, mes câlins charmants, chatonnants  ronronnants.

 Je me suis fait des idées…Elle m’a flanqué dans le jardin.

J'ai pas compris.

Elle avait dit : « Ce soir, je chatte pendant une heure ».

Et elle a pris son ordinateur.

Non. J’ai pas compris…

 

6 avril 2013

Participation de Célestine

Cé

 

Quand Jérôme C. fut appréhendé par la police helvétique au milieu d’un pré de luzerne près de Lucerne, nanti d’une conséquente valise, on s’aperçut que ladite valise contenait, outre la fraîche oseille habilement subtilisée à des pigeons par ce patachon, les quinze expressions à la mode usées jusqu’à la corde par des journalistes sans imagination. Saurez-vous les retrouver ?

 

(à lire en imitant la voix de Patrick Preuve d’Amour, dit PPD)

« Mesdames messieurs bonsoir !

C’est un pavé dans la mare que le journal « Médit à part » a lancé aux quatre coins de l’hexagone, en révélant l’affaire Jérôme C. En effet, celui-ci, jeune ministre ayant le vent en poupe et, depuis peu, appelé à jouer dans la cour des grands, est soupçonné de détournement d’argent et de prise illégale d’intérêts. Alors que le président caracolait en tête des sondages, cette sombre affaire n’est peut-être que la partie émergée de l’iceberg. Attendu au tournant par les membres de l’opposition, puisque désormais la balle est dans leur camp, il doit se demander à qui profite le crime, quand cette bévue risque fort de lui faire revoir sa copie aux prochaines élections. Ironie de l’histoire, c’est dans les yeux des français que Jérôme C. avait juré son innocence à un pays qui s’enfonce dans la crise. Décidément, l’audace et l’amoralité, elles, ne connaissent pas la crise ! Cerise sur le gâteau, on apprend qu’un conseiller du président plonge à son tour dans la tourmente judiciaire.  Affaire à suivre, donc.»

Ndlr : toute ressemblance etc etc…

30 mars 2013

Jane (Célestine)

« Jane ? Jane ! que faites-vous à cette fenêtre ? C’est dangereux, voyons !

-Oh, père, laissez-moi encore un peu rêver !

-Vous êtes une idiote, ma fille ! A-t-on idée de rêver en regardant les toits gris et sales de Londres ! »

Jane a posé son visage aux grands yeux bleus sur ses mains en corolle. Elle a trente-six ans désormais, mais la voix de M. Banks, son père bien aimé,  résonne toujours à ses oreilles…Elle rêve à Bert et à Mary, elle rêve de retourner promener ses chaussures vernies et son chapeau à ruban parmi les ramoneurs enchifrenés de suie…Elle aimait tellement Mary et sa façon de faire de la vie une aventure permanente…

Hop, le saut dans les dessins éphémères des dessinateurs de trottoirs…la promenade  au pays des  fées, le monde où tout est possible, les douceurs enchantées de l’enfance, le morceau de sucre qui aide la médecine à couler…

Et puis la mélodie des cheminées, quand Bert, éclairant, lumineux sourire, son visage noir de ramoneur,  les emmena, Mickaël et elle, à travers Lodge Lane et Harrington Park…

♪ Chem cheminée ♪ chem cheminée ♫ chem chem cherry…♫♪

Il lui a semblé l’espace d’un instant apercevoir le parapluie magique de Mary et ses drôles de pieds indiquant tout le temps 10 heures 10…

Jane a les yeux humides, devant Londres et ses milliers de cheminées comme des soldats au garde-à-vous qui veillent sur l’âme de la Cité.

 Une goutte de pluie a dévalé sa joue. Le temps fraîchit. Il va pleuvoir.

 

23 mars 2013

La femme qui lit. (Célestine)

Elle a par cent chemins aux forêts de pendules écouté chevaucher sur le gazon sucré de trèfle et de luzerne aux clairières endormies cent chevaux prodigieux aux ailes de licornes.

Elle s’est accrochée aux lèvres des bourreaux des cœurs tendres et aux dents aiguës de l’ambition, elle a gravé sa peau du nom des héroïnes et chanté les folies des génies méconnus.

Elle a aimé. Elle a tremblé. Elle a vomi. Elle a reçu cent coups de poing dans l’escarcelle, cueilli des tas d’étoiles en ses paumes blanchies. Volé des ducats d’or et des rubis ravis au destin des pucelles reçu cent coups d’épée au flanc et au pourpoint. Les rois l’ont vénérée les princes l’ont trahie. Elle s’est jetée au pied des ténèbres assourdies, elle a gravi des pentes et sondé les abîmes.

Elle a défait son cœur, asséché des déserts de jaillissantes larmes  et pleuré des rivières et mangé des mouchoirs dans l’ambre et l’aubépine des printemps frileux. Elle a senti le vent l’emporter en un songe sur des bateaux flambants aux îles inconnues. Elle a triché au jeu, traversé la prairie et de sombres coyotes essuyé les affronts Elle a versé son sang, elle a gagné des guerres, et compté aux jours gris les aurores naissantes.

Elle a péri d’amour huit cent quarante fois, se traînant languissante au pied d’un amant brut, comme un diamant taillé pour lui crever le cœur. Contemplé des frissons, des lagunes paisibles, enroulée dans des songes aux ponts mystérieux, goûté cent fruits empoisonnés et langoureux, essuyé mille orages, et sué sang et eau comme les galériens.

Elle a été modèle, et muse et prostituée, aviatrice et docteur, et comtesse aux pieds froids, et chatte langoureuse sur un toit brûlant.

Elle a fait tout cela, et ce n’est rien encor, sans sortir de son lit.

Il lui reste des mondes à serrer dans ses poings, et des éternités palpitantes à vivre.

Oui ! Car depuis toujours, sans arrêt, elle lit.

Et sa voie, et sa voix se fondent dans les livres.

cél

 “La Femme qui lit”, de Jean-Jacques Henner (1883)
16 mars 2013

Septième Art (Célestine)

cél

Je pourrais vous dire c’est un homme tranquille. Vous expliquer que, bien sûr,  le facteur sonnera toujours deux fois, et que le train sifflera trois fois, avant que je me décide à faire le premier pas.  Mais qu’il m’a fait entrer, tout doucement, dès que je l’ai vu, dans la quatrième dimension. Qu’ avec l’eau, l’air, le feu, la terre, il est le cinquième élément qui manquait à mon souffle, à ma vie. Et que mon sixième sens ne me trompe jamais.

Je pourrais vous jurer que si, après sept ans de réflexion, ou même huit et demi, il me fermait la neuvième porte de son cœur et sa  poésie, je pourrais mourir de chagrin.

Je pourrais vous confier combien je m’en balance, des dix commandements, et que même douze hommes en colère ne m’empêcheront pas de me coller à lui comme une glu. De respirer son eau et de boire son air. Que là-haut, dans sa tour d’ivoire, en haut des trente-neuf marches, en soixante secondes chrono, il a fait de mon âme une plaine fertile et un lac insondable, et que cent jours à Palerme avec lui, c’est trop court.

Je pourrais vous raconter que dans ses bras, je plane à dix-mille au-dessus du sol, et qu’avec lui comme capitaine, je pourrais parcourir vingt mille lieues sous les mers.  Et qu’enfin, puisque je le dis, puisque je l’affirme,  même pour mille milliards de dollars, je ne renoncerais à mon amour pour lui.

Mais je ne vous dirai rien de tout cela.

Je l’aime, et quand on aime, on ne compte pas.

9 mars 2013

Qui a sonné? (Célestine)

Mes exercices de style vous avaient plu? 
Je vous en propose une nouvelle mouture.
Toujours en hommage à Raymond Queneau.

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L’autobus  F est bondé. C’est l’heure de pointe. Marie Kievaskaïa se tient à la barre, le bras en l’air, un gros monsieur au crâne luisant de graisse louchant dans son décolleté. Quand soudain, la jeune femme aperçoit sur le trottoir un jeune homme d’une grande beauté, avec un chapeau vert orné d’une plume. Pour sortir, elle se précipite et tire sur le signal d’alarme. Le bus freine tellement sec que tous les voyageurs se retrouvent par terre. Le gros monsieur termine sa course le nez sur les fesses d’une énorme  dame, et se prend un coup de parapluie.  -Qui a sonné ? demande le chauffeur.

 –C’est l’Amour…répond un monsieur rêveur à petites lunettes rondes…

 

 

***

 

 

Géographique

Une gamine russe dans un autobus parisien au moteur fabriqué à Taïwan et roulant à l‘ordinaire raffiné à Grandpuits (Seine et Marne) aperçoit un jeune homme, visiblement un Tyrolien si l’on en croit son chapeau à plume. Elle compte l’épouser à las Vegas ou à Hong Kong (c’est la mode en France). Un sumo japonais atterrit sur une mamma italienne qui l’assomme avec son parapluie anglais. La sonnette d’alarme et les freins du bus sont aux normes européennes.Un homme myope de type caucasien assiste à la scène.

 

***

Cuisinier

Prenez un autobus bien plein. Ajoutez-y une petite paire de lunettes spirituelles, deux grosses paires de fesses, une sonnette d’alarme, un chauffeur ahuri et un parapluie. Réservez à part un joli chapeau de Robin des Bois. Agitez le tout avec une jeune romanesque aux pommettes saillantes. Saupoudrez d’un zeste d’amour fou.

 

***

 

Lyrique

Ô Cupidon, il me plut que vous décochassiez encore, en ce matin divin, vos flèches assassines dans le cœur d’une jeune pucelle slave, celle-là même  qui, en sonnant son olifant, sema le chaos dans un char de mortels sur la ligne de Charybde à Scylla en passant pas la place Clichy … Ô combien de comptables, combien de ménagères, se trouvèrent soudain assis le cul par terre…

 

***

 

 

Mathématiques

Soit un autobus roulant à 60 km/h sur la ligne 12. Une fille d’1 m 70, pesant 52 kg et faisant 90 cm de tour de poitrine (au bas mot)  au grand dam d’un monsieur qui pèse le triple de sa masse, soit 208 livres,  déclenche la sonnette d’alarme à 12 h 18 précises. Les 45 voyageurs étant projetés sur le sol à la vitesse relative de l’énergie multipliée par leur masse au carré, sachant que E=MC2 (mon amour) , et que  le choc du parapluie occasionne sur le périmètre crânien du monsieur, qui est de 58 cm,  une bosse de 4 cm et demi de diamètre, calculez le nombre d’enfants que la jeune fille aura avec le jeune homme, en supposant que la distance affective qui les sépare soit inversement proportionnelle au trajet Paris-Las Vegas en classe économique.

 

 ***

 

Langue de bois

Mes chers concitoyens

Moi, président de la République, il fera toujours beau, ni froid, ni chaud, ni sec, ni humide, vous n'aurez plus besoin de parapluie, ni de chapeau, les myopes n’auront plus besoin de lunettes, les personnes à audition réduite entendront sonner les alarmes, mais celles-ci ne sonneront plus, car les problèmes auront disparu,  les non-voyants recouvreront la vue, les bus seront silencieux, l’essence sera gratuite,  et surtout, surtout, les personnes en léger surpoids, les personnes en carence pondérale, les personnes en manque d'expérience, et les seniors, tout le monde s’aimera ! Votez pour moi !

 

***

 

Argot

Ho dis donc, t’aurais vu aujourd’hui, dans le F, rue de Pigalle ! Ca valait le coup d’œil ! Un adipeux (dans le genre Beru) était en train de r'luquer les  rotoplos d’une gisquette dans le genre ruskoff, tu vois l’tableau…Pour arrêter les frais, la mignonne a stoppé le bus en tirant la sonnette d’alarme. Soi-disant qu’elle avait retapé un gigolo dans la rue, un loufiat au galurin carrément craignosse,dans le genre robin des Bois, tu vois,  avec l'intention de se maquer avec  lui…Toujours est-il que, au coup d'frein,  l' gros tas se r'trouve parterre, le blaire coincé entre les miches d’une matronne, des miches comacs, mon vieux.

Et vlà pas qu’i s’prend un coup d’pébroc sur la cafetière ! Chuis p’têt miro, mais j’me suis jamais autant marré, dis donc, derrière mes carreaux ! 

 

***

 

Bilan comptable

Bien, alors, nous avons donc dit,  pour l’incident de l’autobus F ... :

Une paire de plaquettes de freins,  deux tympans percés, quinze dents cassées, un parapluie brisé, une fracture du crâne, un bras dans le plâtre, deux chevilles foulées et deux crises de tachycardie.

-Ah bon, on compte aussi la tachycardie ? Mais c’était juste deux amoureux...

-On m’a dit de faire le  bilan, moi je fais le bilan.

 
2 mars 2013

Participation de Célestine

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Alois

 

-Mon papi Alois, il habite dans une maison qui a la tête en bas. Elle est accrochée à la terre par le toit, avec des câbles très solides.  

-N’importe quoi ! Et alors, tout tombe à l’intérieur ? Et lui, il marche au plafond ?

-Mais non, lui aussi, il est à l’envers. Il s’assoit sur le balcon et il ne tombe pas. La dernière fois, nous avons bu l’apéritif, du jus de coton avec des haridelles fourrées au manioc. On a écouté le vol des loupiotes et des escarmouches, c'était géant! et on a respiré l’odeur des guimauves qui sont encore en boutons. Tous les matins, au lever du soleil, il  attrape les graines de  micocouliers avec un filet à libellules. Et il va les planter en haut de sa maison.  Il dit qu’il a vaincu la loi de la pesanteur ! Il est trop fort!

-C’est un savant, ton Papi ?

-Oui, maman dit qu’il était tellement intelligent que son cerveau a éclaté en petit morceaux comme un sablé aux amandes. En fait, il a juste attrapé une maladie. Lui, il dit que ce n’est pas grave. Mais tout le monde est triste. Ils disent que c’est la maladie des Amers. 

-Ah? 

-Oui, même que mamie dit qu'avec un prénom pareil il était "prédestiné".

-Ah bon ? C'est quoi prédestiné?

- Je sais pas. Mais en tous cas moi je sais que je rigole bien avec mon Papi. Dimanche prochain il m'emmène à la pêche aux esperluettes. Et ça, c'est giga cool.

23 février 2013

George (Célestine)

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Dans la cour de Glovenor College, à Hampstead Beach l’on avait installé un escalier à vis qui ne menait nulle part. Sa dernière marche n’était qu’une promesse d’ascension, qui s’arrêtait net avant le grand saut dans le vide.

Le Directeur, Sir Artemus Bradbury,  le considérait sans doute comme une œuvre d’art censée nous instiller le sens de la vie. Une ascension lente qui se termine tragiquement…

Les étudiants n’avaient pas le droit de l’emprunter. Et partant, il ne se passait pas un jour sans que l’un ou l’autre de ces galapiats ne montassent dessus, pour le simple plaisir de transgresser l’interdit. Il fallait entendre le surveillant principal, Nicephore Preston, s’époumoner dans son sifflet pour déloger les contrevenants. Mais il n’avait pas de bons yeux, et avec l’uniforme, tous ces jeunes gens se ressemblaient. Le temps qu’il traversât l’immense pelouse centrale qui ornait le carré entre les bâtiments de conception très militaire, et les fraudeurs s’étaient égaillés sans vergogne, en lui braillant des quolibets.

 

J’étais alors amoureuse de George Chesterfield, un grand de troisième année, d'au moins seize ans, au profil noble et doux et aux boucles rousses. Je rêvais souvent qu ’il m’emmenait en haut de la vis interdite pour me déclarer sa flamme.Ou au moins m'embrasser.

Un soir, vers six heures, alors que le Carré était désert, je traversais l’herbe en flânant, le nez au vent pour capter les effluves du printemps anglais qui tarde à venir, mais qui explose en mille odeurs avec l’éruption des fleurs. Je serrais mes livres contre ma poitrine de quatorze ans, aussi naissante que les narcisses qui étoilaient la pelouse, en nourrissant des pensées confuses et interlopes. 

 

Par une bizarre concomitance du hasard ou du destin, une main vigoureuse se plaqua sur mes yeux et l’autre m’entraîna fermement vers l’escalier. Nous montâmes les marches, et au sommet, je sentis une bouche avide s’emparer de la mienne pour un baiser des plus brûlants (et des moins élisabéthains).

Georges…murmurai-je. Mais en ouvrant les yeux, je m’aperçus que mon ravisseur était…Patrick O’Keneally, un élève de ma promotion qui me poursuivait de ses assiduités et que je fuyais. Je m’apprêtai à le gifler et à me débattre. 

Quand à ce moment-là, à quatre pouces de son visage, je m’aperçus que de petites étoiles d’or brillaient dans ses yeux d’écureuil. Le grain de sa peau ressemblait à ces étonnants fruits que l’on ne trouve que dans le sud de la France et qui s’appellent des brugnons. L'ensemble était plutôt plaisant.

Un charme étrange émanait de sa personne, dont je ne m’étais jamais aperçue auparavant.Un ravisseur ravissant.

Il paraissait embarrassé.

-George ? dit-il en souriant. George, comment dire? George rêverait de monter sur cet escalier et de faire la même chose. Mais je crains de vous dire  que ce ne soit ...avec moi!

 

Je pris ce jour-là, en haut de l'escalier défendu, ma première double leçon de vie.

16 février 2013

Participation de Célestine

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La Grande Implosion

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Mars 2070

Quelques hommes se risquèrent au-dehors pour la première fois, quittant les abris telluriques, où ils s’étaient réfugiés lors de la grande Implosion. Leur peau blafarde et leurs maigres doigts témoignaient de leur long temps sans soleil, nourris aux éclairages artificiels et aux poudres synthétiques. Ils avaient oublié le bleu, le vert et l’ocre. Ils avaient oublié le vrai et le fulgurant, l’immense et l’éphémère. Des vies de légumineuses. Ainsi, dehors, la vraie vie avait repris ses droits…

La mer les éblouit.Ils avancèrent prudemment sur la grève, en tapotant du bout de leurs orteils le sol mouvant.

Une bouteille roulée de mer clapotait  entre sable et eau. Elle contenait une simple feuille photocopiée. Le plus vieux, qui semblait être aussi le plus courageux, lut péniblement les mots inconnus tracés à la main.

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Les Sentiers, et les Blés, et  l’Herbe, et la Rosée…Ses poumons se défroissèrent comme au matin du monde. Tous ces bonheurs oubliés...Il lui faudrait les réapprendre aux Terriens de la  Nouvelle Ere.

Les mots roulèrent une larme sur le parchemin de sa joue.

 Le Vent, et la Fraîcheur... l’Été et la Bohème, 

Et l’Âme, et la Nature, et la Femme et l’Amour…

D’autres larmes jaillirent…Mais qu’ avait donc permis cette folie des hommes ? Dire qu ’il fut un temps immémorial et doux où cela existait…

Il se releva péniblement.

Derrière la feuille, une autre écriture avait tracé ces mots : « Pour que l’on n’oublie pas… »

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