02 décembre 2023

Qui perd et ne gagne pas. (Yvanne)


- Je l'ai perdu ! Je l'ai perdu !
Zélie, une voisine de Maria et de Céleste – que vous connaissez déjà avec l'histoire des cuillères en bois – plantée au milieu de son jardin, lève les bras au ciel, complètement affolée.
Elle crie tellement fort que tout le village se précipite pour voir ce qui se passe. En temps normal, Zélie, une célibataire endurcie, calfeutrée chez elle hiver comme été, passe totalement inaperçue. Comme si elle n'existait pas. Tout le monde est habitué et personne ne s'occupe d'elle. Sauf aujourd'hui. Parce qu'aujourd'hui Zélie ameute le hameau d'ordinaire tranquille.
- Je l'ai perdu ! Je l'ai perdu !
Quelques hommes font remarquer d'un ton égrillard qu'il serait enfin temps que la Zélie l'ait perdu. Ils parlent de son pucelage « vous aviez deviné j'espère » Trêve de plaisanterie. Les choses ont l'air sérieuses. Aussitôt la brave Maria se précipite chez sa voisine qui s'arrache les cheveux.
- Eh bien Zélie ! Qu'est ce qu'il t'arrive ? Qu'est ce que t'as perdu ?
- Mon Kiki Maria . J'ai perdu mon Kiki.
Ce qui bien entendu fait s'esclaffer les hommes. C'est encore plus croustillant que ce qu'ils pensaient.
- C'est qui ton Kiki Zélie ? Ton chat ?
- C'est mon coq. Je viens d'aller au poulailler pour soigner mes bêtes et il n'est plus là.
- Le renard te l'aura pris ma pauvre !
- Impossible ! J'ai mis une double porte à leur cabanon. Impossible de rentrer. Et tout était bien fermé. Je ne comprends pas. Oh ! Il est tellement beau mon Kiki. Tellement affectueux. Et réglé comme une horloge. Il me réveille le matin et c'est un bonheur de l'entendre chanter.
Maria, qui a parfois entrevu l'animal retient un rire. Ah il est beau le Kiki ! Décati, efflanqué, le cou nu, la crête en berne, et par dessus le marché l'œil torve. Et pour ce qui est de son chant si gracieux aux dires de sa propriétaire, cela fait grincer les dents de Maria qui se passerait bien de ses « cocorico » enroués dès potron-minet. On croirait une crécelle. Pourvu qu'il ait disparu le Kiki à la Zélie pense Maria ! Mais enfin il faut bien rendre service à la voisine.
- Écoute Zélie. On va tous s'y mettre et on va le chercher.
Les villageois, peu pressés en ce dimanche après midi prennent des bâtons pour inspecter les fourrés alentour. Pas de Kiki. Il faut faire quelque chose parce que Zélie est prête à tourner de l'œil tant elle se lamente.
Céleste, toujours derrière ses carreaux ouvre enfin sa fenêtre et dit doctement :
- Je descends et je vais aller jusqu'à l'église avertir Monsieur le Curé et nous prierons Saint Antoine. C'est sûr, il va intercéder pour retrouver le coq perdu.
- Te fatigue pas Céleste avec tes bondieuseries dit un voisin.  On va appeler un sourcier. J'en connais un très bon qui habite tout près.
- Ah non gémit Zélie. Pas de sorcier. Pas de sorcier. Il va faire peur à mon Kiki.
- Un sourcier, pas un sorcier ! Un radiesthésiste si tu préfères. En plus de sa baguette, il a un pendule pour localiser ce qui est perdu.
- Une pendule ? Mais qu'est ce qu'il raconte ? J'ai pas besoin de pendule moi. C'est Kiki ma pendule le matin.
- Zélie, va t'asseoir et laisse nous faire lui intime un voisin plus du tout amusé par les bêtises de la brave femme.
On dépêche un gamin à bicyclette dans le village proche pour ramener au plus vite l'homme de science. C'est alors que sortant du bois bordant le hameau surgit, fier et bombant le torse le Kiki à la Zélie. Mais il n'est pas seul : une jolie poulette blanche très fraîche l'accompagne en restant, comme il se doit, deux pattes derrière son amoureux.

Zélie est folle de joie. Elle prend son coq dans ses bras et le félicite d'avoir déniché une si belle  volaille, bien dodue et sûrement très tendre. Finalement je vais la mettre à la cocotte avant que quelqu'un la réclame pense-t-elle. Mais voilà qu'arrive, essoufflé, le radiesthésiste.
- Mais c'est ma poule. Qu'est ce que c'est que cette histoire ? Rendez moi ma poule !
- C'est pas nous, c'est Kiki !
Le bonhomme se précipite pour récupérer son bien mais le Kiki à la Zélie fonce et s'abat sur lui, attaquant férocement ses mollets.
- Sale bête va ! Le sourcier, rouge de colère poursuit le volatile avec sa baguette - suivi par une Zélie qui n'a jamais couru aussi vite - pendant que les villageois retiennent leurs rires. Un dimanche ordinaire  à la campagne.


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25 novembre 2023

Chez le notaire. (Yvanne)


Il est plus de quinze heures en ce jeudi 22 octobre. Michèle attend déjà depuis 35 minutes que Maître Pradel veuille bien la recevoir. Décidément, se dit elle, cette étude est sinistre. Déjà la bâtisse qui date de plus d'un siècle. Certes imposante mais construite sans goût. Pas très bien entretenue non plus. La salle d'attente est sombre et se présente plutôt comme un couloir avec sur le côté une rangée de sièges peu confortables. Quatre générations de Pradel se sont succédées ici. Des hommes de loi sérieux et honorablement connus dans le pays. Oui. Peut être songe Michèle : j'espère que le dernier ne va pas ternir la réputation de ses pères .

Michèle ne sait plus à quels saints se vouer. Elle a cru faire une bonne affaire en achetant cet ancien presbytère vendu par la commune où elle réside déjà dans un appartement du centre bourg. Elle a été conquise par le charme de la vieille maison et son « jardin de curé ». L'acquisition de ce bien et les travaux qu'elle a fait effectuer ont eu raison de ses économies. Mais qu'importe : Michèle aime beaucoup son sa nouvelle résidence et tout irait au mieux s'il n'y avait pas cette histoire rocambolesque de compteurs.

Michèle a signé l'acte de vente dans l'étude Pradel au mois de juillet. Dès sa possession des clefs elle a cherché le compteur d'eau et celui d'électricité dans toute la maison et sur son terrain et ne les a pas trouvés. Le personnel de la Mairie où elle s'est tout de suite rendue n'a pas pu la renseigner. Elle a demandé audience au maire qui l'a reçue, écoutée sans mot dire, conservant un quant à soi  qui a eu pour conséquence d'énerver la plaignante, sûre de son bon droit. Mais enfin dit-elle vous avez un plan cadastral je ne sais pas . Ce n'est pas possible. Il faut trouver une solution. Je ne peux pas rester dans cette impasse. Je vais avoir des problèmes. Avec un haussement d'épaules, l'édile conclut qu'il lui faut se rendre chez le notaire Pradel. Lui seul doit avoir ces renseignements.

Pas convaincue du tout et sentant anguille sous roche, Michèle a donc pris rendez vous avec l'étude. Elle regarde à nouveau sa montre quand la porte du bureau s'ouvre enfin et une jeune femme l'appelle et la fait entrer. Surprise de se trouver face à une inconnue, Michèle fait part de son étonnement. Très vite, la magistrate se présente : elle est la fille de Denis Pradel et travaille dans l'étude de son père depuis un mois seulement.    

Maître Diane Pradel invite Michèle à s'asseoir pendant qu'elle même s'installe derrière un bureau moderne et bien rangé. Tout a changé très vite ici constate Michèle. Un air de renouveau assainit cette pièce qu'elle a connue il y a peu vieillotte, encombrée et poussiéreuse. Elle expose les faits qui la préoccupent à la jeune femme. Celle ci prête une oreille attentive et bienveillante à ses dires et précise :
 - Ne vous inquiétez pas. Je suis tout à fait au courant de cette situation. Il se trouve que j'ai acheté, également à la commune, le terrain jouxtant votre propriété pour y faire bâtir une nouvelle étude. Nous serons donc voisines. Il n'y avait qu'un seul compteur d'eau et d'électricité puisque c'était auparavant une seule et même parcelle. Et ils se trouvent chez moi. Je ne comprends pas l'attitude du maire puisqu'il est parfaitement au fait du problème. Je vais faire remédier immédiatement à cela.

Michèle entrevoit la vérité et se promet de dire franchement au premier magistrat de la commune qu'il pourrait avoir un peu plus de considération pour ses administrés afin de leur éviter des ennuis quand cela lui est possible.

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18 novembre 2023

Balades (Yvanne)


Viendront-ils cette année ces après midi radieux où invariablement, attirée comme par un aimant je file dans mes bois préférés ? Pas un seul jour depuis que l'automne est arrivé je n'ai pu aller fouler les feuilles mordorées des châtaigniers. Pas un seul jour où j'ai pu admirer la lumière filtrante aux tons cuivrés du soleil à travers les arbres, inondant de sa clarté tamisée les sous bois. Il pleut tout le temps. Bien sûr, je vais arpenter quand même mes Saulières, les bottes aux pieds, un parapluie au-dessus de la tête et le ciel gris et bas pour compagnon. J'ai besoin de ces moments pour me vider l'esprit, être seule avec moi-même. Mais quelque chose d’indéfinissable et de prégnant me manque.
J'aime l'automne et je lui en veux aujourd'hui de me priver de ses trésors.

Les arbres n'ont pas encore perdu totalement leurs frondaisons. C'est pour cela que j'espère encore quelques journées de soleil avant le froid et la mise à nu de la végétation  pour profiter des couleurs chaudes de la saison. Ces couleurs tellement belles dont je ne me lasse jamais, cet embrasement qui me serre le cœur. L'automne ardent dans mes Saulières n'est qu'harmonie et je communie avec la Nature, complètement envoûtée.

Je connais sur le bout des doigts tous les chemins qui sillonnent le massif de 400 hectares. J'évite les sentiers trop connus tel le chemin de mémoire de la Résistance et je me coule, comme un animal sauvage à travers les chênes, les châtaigniers et les pins sylvestres en écartant les fougères flamboyantes. Pas âme qui vive au grand dam de mes proches - qui craignent pour moi toujours le pire : accident, mauvaise rencontre etc - et c'est ce que je veux.

J'adore me glisser dans ces sentes de chèvre à peine perceptibles qui se faufilent, tortueuses comme des couleuvres. Elles m'entraînent dans leur sillage et me retiennent. Je suis un autre moi qui ne pense pas, toute aux émotions qui me submergent. Je respire avec délice les senteurs enivrantes d'humus, de noisette, de terre riche, de feuilles putrescentes et bien sûr aussi l'odeur si particulière des champignons. Souvent domine le parfum lourd et musqué de la sauvagine qui s'enfuit prestement à mon approche délaissant une couche tiède et fumante. Tous ces effluves capiteux et subtils m'enfièvrent. Pas un bruit qui déchirerait la plénitude. Un silence presque parfait. Juste un chant d'oiseau de temps à autre qui me semble un peu triste ; un craquement soudain et bref de branchages ;  le souffle d'une brise légère faisant frissonner les feuilles des châtaigniers dont les nervures ressemblent de plus en plus à une fine dentelle. J'avance et je ressens la douce impression – ou illusion - d'être intégrée complètement dans ce formidable univers.

Mes Saulières en automne sont splendides sous le déferlement et l'éclat de ses ors, ses pourpres, ses verts fanés, adoucis. Sans mélancolie encore, le vie est là. La liberté aussi pour moi. Celle d'avoir volé des instants de bonheur intense. Une parenthèse sereine dont je ne saurai me passer qui me nourrit et m'apaise.

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11 novembre 2023

Les cuillères en bois. (Yvanne)

 

- Bonjour Maria. Tu peux pas te mettre à l'abri par ce temps de chien ? Tu cherches des escargots dans tes salades ?
- Mais il fait pas mauvais Céleste ! Tu ferais bien de prendre l'air toi aussi. En aparté : toujours à yeuter derrière ses carreaux celle-là. Pas autre chose à faire ?
- Ah tu sais bien que j'ai du mal à marcher ma pauvre. Si j'étais aussi alerte que toi je serais déjà partie chercher les champignons. Que ça me manque bien tiens de ne plus courir les bois.
- Les champignons ? Vous avez que ce mot à la bouche tous dès qu'il tombe une averse. Y en a pas de champignons. Laissez-les pousser...En aparté : c'est sûr que d'aller galoper ça lui manque. Et pas que pour les champignons d'ailleurs. Le Justin, il les a portées les cornes le malheureux. Que le bon Dieu ait son âme. C'était un brave homme. Bien serviable. Pour tout. (Maria rit sous cape)
- Bon. Je vais préparer le déjeuner. Tu viendras prendre un café tout à l'heure ? En aparté : j'espère qu'elle se changera la Maria. Bien capable de venir tout me salir avec son pardessus mouillé et ses sabots en caoutchouc. Et ce chapeau informe qu'elle ne pose pas qu'on dirait une sorcière.
- Je veux bien si je ne dérange pas. Ma cuisinière à bois s'étouffe avec l'eau qui coule dans le tuyau . J'ai pas trop chaud là. Ça me réchauffera. Tu fais quoi à manger ?
- En aparté : mais elle va quand même pas s'inviter ? Je suis bien trop brave ! Oh rien d'extraordinaire Maria : du chou farci. Ma fille est là et elle adore le chou farci.
- Ta fille est là ?
- Oui. Elle est venue pour la journée. Même qu'elle me démonte les placards de la cuisine.
- Comment ça ?
- Elle a tout sorti. Et je n'ai pas mon mot à dire. Tu verras un peu tout à l'heure.
A midi 30, Maria débarque chez Céleste. Elle a fait fort : elle a mis sa blouse à fleurs des dimanches et s'est fendue d'un paquet de petits Lu. Quel honneur !
- Alors mesdames. On est dans « les presses » ? Bonjour Sylvie. Ben dis donc : y en a du bazar !
Sur le carrelage Sylvie a entassé en vrac tout un bric à brac d'objets. Un transistor orange des années 60, un moulin à café manuel et un électrique, un couteau à découper, électrique lui aussi, une moulinette à légumes, des corbeilles en plastique jaunies, des boîtes à gâteaux en fer, un panier à salade, un plateau cabossé...
- Ben c'est ça Maria. C'est le bazar. En aparté : culottée quand même. Elle me bouscule pour courir à la cuisine faire sa curieuse. Tu as vu ce déballage ma pauvre ? Ces jeunes ça respecte rien. Elle veut tout jeter. Tu te rends compte : elle dit que je suis frappée d'adolescence.
- Mais non maman. Je dis que tous ces vieux machins sont frappés d'obsolescence. Ça signifie que tout ce foutoir est obsolète, dépassé, d'un autre temps.
- Moi aussi je suis...comme tu dis et tu es bien contente de manger mon chou farci ! Hein Maria ?
- Ah ça ... Tu parles chic Sylvie ! Pourquoi tu veux mettre à la poubelle ce beau réveil ? Moi je le prendrais bien...Tous ces trucs électriques, quand il y a des coupures comme en ce moment...
- Maria, enfin ce vieux machin se remonte à la main. Tu as bien une pendule à piles ?
- Les piles, ça coûte cher. Tu devrais pas jeter Sylvie. Tu devrais aller à « Affaire conclue ». Tout ça, c'est de l'or.
- Ah non Sylvie ! Tu vas pas balancer le pichet Ricard de ton pauvre père quand même ? Que s'il voit ça de là-haut ! Tu te rappelles Maria comme Justin aimait mettre de l'eau bien fraîche dedans pour son jaune du dimanche ? Et le pire tu entends Maria, le pire  : elle veut mettre au feu mes cuillères en bois. Je sais me servir que de ça pour faire mes sauces. Et mes sauces, personne sait les réussir comme moi, tu es bien d'accord Maria ? Mon lapin chasseur, mon bourguignon, ma...
- Les cuillères en bois c'est nocif. Je t'apporterai des cuillères en silicone. C'est plus sain. Écoute maman : moi, je veux juste te rendre service. Tu t'en sers pas de tout ça. Pourquoi entasser ? Tu n'as plus de place dans tes placards et il faut tout sortir pour trouver ce qu'on cherche. Je vais emmener ce tas d’objets inutiles à la déchetterie.
Sylvie remplit des sacs poubelle sous les yeux effarés des deux vieilles femmes. Juste à temps, Céleste récupère, ni vu ni connu, une de ces chères cuillères en bois. Toujours ça que les Prussiens n'auront pas !

 

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28 octobre 2023

Côté jardin. (Yvanne)

 

Il avait beaucoup plu sur le jardin. Il était temps. Rémi, le petit escargot se languissait dans le trou de la muraille. C'est là que toute sa famille avait établi ses quartiers bien à l'abri derrière la glycine.
Rémi se postait chaque jour à la porte de sa maison et regardait désespérément le soleil chauffer à blanc les légumes du potager. Il se lamentait tout bas en voyant les belles salades se ratatiner, devenir toutes pâles. Quel dommage se disait-il ! De l'eau. Il faut de l'eau sinon je vais mourir moi aussi. De faim. De tristesse et d'ennui.

Ce matin là, en se réveillant, Rémi se précipita au seuil de sa chaumière comme tous les matins depuis le début de cet été torride. Il ne se faisait pas d'illusions de peur d'être déçu. Or, il constata, d'abord avec surprise et ensuite avec joie que le ciel était bas et gris. Les feuilles de la glycine, au dessus de sa tête laissaient tomber sur le sol de grosses gouttes. Rémi battit du pied de bonheur. Enfin. Il pouvait quitter pour quelques heures son logis.

Vêtu de son beau pardessus vert à rayures brunes, il se hâta lentement vers les laitues. Revigorées par l'averse, les grosses blondes paresseuses – mais oui c'est une variété de laitue assure mon jardinier de mari – se pavanaient dans leur carré. « Attendez un peu mes toutes belles jubilait Rémi je vais forcer votre joli cœur et vous dévorer à pleines dents. »

Rémi imaginait, tout guilleret, qu'une fois repu il allait retrouver son amie Mila, la petite li- maçonne, un peu polissonne – pensez donc Mila avait l'aplomb de se promener toute nue. Et sexy avec sa peau tigrée ! Rémi serait bien tombé amoureux d'elle mais il fallait chasser cette idée. Certes ils étaient tous les deux des mollusques et des gastéropodes mais trop différents pour s'unir. S'aimer d'amour : ça ne se pouvait tout simplement pas. Alors rester amis simplement. C'était déjà très bien se disait Rémi. Ils feraient la course ou bien joueraient à qui baverait le plus et le mieux. Ce serait très amusant. Comme d'habitude. Cette réflexion mit Rémi de très bonne humeur et il se pressa un peu.

Tout en se dirigeant vers son repas Rémi songeait qu'avoir des bébés avec Mila serait pourtant rigolo. Comment seraient-ils ? Et comment s’appellerait cette nouvelle espèce ? Tiens « limagot » par exemple . C'est bien ça « limagot ». Ça sonne bien « limagot ». Allons allons se morigéna Rémi cesse donc tes divagations et va déjeuner. Rémi se glissa sur une feuille de salade toute luisante de pluie et mangea de bon appétit.

Rassasié, il se mit à la recherche de Mila. Il savait que tout comme lui, elle avait dû se précipiter vers son légume favori : le brocoli. Il eut beau scruter le parterre de ce légume, il fit chou blanc. Point de Mila. Où donc était passée la petite limace ? Juste à côté, au pied d'une grosse courge, dans sa bave desséchée, gisait la malheureuse toute rabougrie.

Rémi pleura beaucoup. Tellement que sa voisine Sido, une jolie mésange charbonnière nichant dans la glycine, le prit en pitié. Il fallait trouver une nouvelle amie à Rémi. Mais comment ? Elle eut une idée : passer une petite annonce. Beaucoup plus vive et dégourdie que ce lambin de Rémi, Sido prit les choses en main. Elle récupéra un morceau d'écorce et lui suggéra d'écrire dessus en s'appliquant. Rémi réussit à tracer un message en lettres brillantes sur le parchemin de fortune. Sido promit de déplacer l'écriteau de temps en temps d'un bout à l'autre du jardin jusqu'à ce qu'un nouveau compagnon ou nouvelle compagne de jeux se présente.

Voici la teneur du message de Rémi : UN ESCARGOT SOLITAIRE
                                                            CHERCHE AMI SALIVAIRE
                                                            POUR BAVER DE CONCERT.

 À ce jour il n'a trouvé personne. Il faut dire qu'il est difficile. Si par hasard vous pouviez remédier à sa solitude...

 

 

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21 octobre 2023

Saudade. (Yvanne)


Avec sa valise en carton
Il a pris le premier avion

Pour visiter à Sétubal
Sa lavandière du Portugal.

Elle lui chante le fado
En caraco en caraco.

Elle prépare la baccala
Quelle nana quelle nana

Il n'aime pas le porto
C'est idiot c'est idiot.

Il préfère la manzanilla
C'est extra c'est extra.

Ils poussent jusqu'à Belem
Manger le pastéis à la crème.

Ils dansent le fandango
Il attrape un lumbago.

Ils vont demander à la mama
De mariage elle ne veut pas.

Il n'est pas portugais
Ça déplaît ça déplaît

Il n'est pas lusophone
Ça étonne ça étonne.

Prier Notre Dame à Fatima
Il ne veut pas il ne veut pas

Il se rend donc à Lisbonne
C'est la zone c'est la zone.

A Paris il est reparti
Tout marri tout marri.

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14 octobre 2023

Au marché de Brive la Gaillarde (Yvanne)


Un samedi de décembre à Brive. Comme chaque semaine depuis des décennies la place de la Guierle et la halle Georges Brassens s'animent. Il n'est pas jour mais les producteurs se sont à peine couchés pour être à pied d'œuvre quand arrivera le chaland. Il ne tarde pas. Dès 7 heures le client « lève-tôt » arrive, le cabas au bras.

Aujourd'hui l'animation s'amplifie. Il y a de la frénésie dans l'air. Et pour cause ! Va se dérouler une foire grasse primée. L'ambiance est chaleureuse, bon enfant, bigarrée et odorante. Ici se mêlent toutes les catégories de la population briviste et des alentours. Pas de chichis. On s'interpelle. On plaisante. On est ravi de rencontrer les amis, les habitués.

Sur les étals, s'alignent oies et canards entiers, chapons et autres poulardes, foies gras frais, magrets.
Les acheteurs s'approchent, observent, discutent avec le commerçant toujours prêt à fournir des conseils de cuisson, une recette – vous m'en direz des nouvelles ! - On l'écoute religieusement. On promet d'essayer...

Depuis 8 heures 15, le marché aux truffes, très réglementé, est ouvert. Il y a déjà la queue. On patiente tranquillement. Chacun veut son diamant noir, même tout petit. C'est tellement cher. Mais pour les fêtes, allez, on ne compte pas. Le tubercule parfumera omelettes, pâtés, sauces... Certains gastronomes l'utilisent même en pâtisserie.
Pour ma part, je trouve que la truffe donne tout son arôme simplement finement râpée sur du pain de campagne à peine grillé et tartiné de beurre salé. Voilà ma gourmandise de Noël !

Comme d'habitude, les autres productions locales ne manquent pas. Sur les tables, dans des cagettes ou à même le sol, on trouve poulets, pigeons, lapins, pintades, pour certains vivants, d'autres prêts à mettre au four. Des paniers remplis d'œufs. Les légumes de saison colorent de vert, de blanc, de violet, d'orange chaque côté des allées. Il n'y a pas que les oignons rendus célèbres par Brassens dans sa chanson « Hécatombe ». On trouve aussi ail, persil, différentes plantes aromatiques. Si les gelées n'ont pas encore sévi il n'est pas rare de voir quelques cèpes.

Bouchers et charcutiers ont aussi leur place réservée et vendent du veau élevé sous la mère, du porc cul noir, du bœuf limousin. Les fromagers vantent leurs cabécous et autres fromages du cru que l'on nomme ici « caillades ».  Les « boulangers du dimanche » ont chauffé leur four la veille pour cuire leur délicieux pain de campagne à l'ancienne.

Des fabrications plus élaborées font la renommée de ce marché  bien achalandé : huile ou vin de noix, tourtous, moutarde violette, miel de bruyère, safran, conserves...  
Les écrivains et tout ce petit (ou grand) monde qui gravite autour de la littérature ne s'y trompent. Ils ne repartent pas de Brive après la Foire du livre sans avoir rempli leurs valises des merveilles gustatives du terroir.

Et les fruits ? Oui bien sûr les fruits de saison abondent dans la halle : noix fraîches, châtaignes dans leur peau ou blanchies et des pommes, des pommes, des pommes. On voit de plus en plus réapparaître des espèces anciennes au goût inimitable. Le grand Jacques incitait son bon peuple à en manger. Et celles du Limousin naturellement, surtout de la Corrèze !
Depuis les années 60, un fruit plus exotique a fait son apparition sur le marché : le kiwi. Une famille des environs le cultive – ainsi que le kiwaï maintenant - dans ses vergers bio depuis trois générations. Il bénéficie ici d'une très bonne réputation et on en vend beaucoup, frais ou transformé en jus de fruit pur ou associé au jus de pomme. Vieilli en fut de chêne, le jus du kiwi devient vinaigre utilisé pour les marinades ou pour déglacer les viandes rouges ou la volaille. Cela vous dispense un goût...fabuleux !

Je vous ai fortement vanté mon beau marché de Brive où rien ne manque assurément. Vous pensez que j'exagère ? Que je suis chauvine ? Ce n'est pas faux mais venez donc voir par vous-même...

yv

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07 octobre 2023

Au vert (Yvanne)

 

Comme beaucoup de personnes – enfin celles qui en eurent l'opportunité – Valérie et son compagnon Stéphane quittèrent la ville pendant le confinement lié à la covid pour se réfugier à la campagne. Des amis vivant à l'étranger leur avaient prêté leur longère tout le temps qui serait nécessaire.
Jusque là ce couple de quarantenaires ne se posait pas la question : ils habitaient Bordeaux et s'y sentaient bien. Un appartement spacieux, lumineux avec une vue magnifique sur la place de la Bourse, un métier qui les passionnait tous les deux. Sans enfant d'un commun accord. Beaucoup d'amis et de relations. Ils étaient heureux. Du moins le croyaient-ils !

Quelques mois passés dans une bourgade tranquille, à seulement quelques dizaines de kilomètres de la capitale régionale, loin des embouteillages, du bruit, de la frénésie moderne, de l'indifférence des gens, les firent réfléchir. Valérie surtout. Elle avait pris goût à cette vie simple dans ce village de quelques âmes où tout le monde les avait très bien accueillis. Un couple de fermiers affables, principalement, qui leur donnait des œufs, des légumes du jardin, des fruits et se proposaient gentiment pour d'éventuels services à rendre.

Un jour ces voisins généreux se présentèrent avec un gros panier de cerises. Que faire ? Ils ne pouvaient pas tout manger et ils n'allaient quand même pas jeter ces grosses Burlat juteuses et parfumées offertes de si bon cœur. Valérie eut une idée : les transformer en confiture. Aucune expérience de la chose. Qu'importe. La tentation tout à coup était trop forte. Et puis l'inaction commençait à lui peser. Quelques livres de recettes, des tutoriels sur YouTube et la voilà prête à officier. Auparavant se munir d'une bassine et de sucre cristallisé. Et puis aux fourneaux. Ce fut une vraie réussite. Valérie, jusqu'alors réfractaire aux casseroles eut envie d'en faire plus. Elle s'entendit avec les voisins du village pour acheter tout le surplus de leur potager et se mit aux conserves avec bonheur. Elle regardait, émerveillée et fière les pots et bocaux qu'elle entreposait dans la grande cuisine en attendant de les emmener chez elle. Chez elle ? A Bordeaux ?

Une idée germa dans l'esprit de la jeune femme, fit son chemin et devint vite une évidence : il fallait dès maintenant changer de vie. Restait à convaincre son ami. Aucune difficulté. Stéphane rêvait de nature, de grand air et de liberté. Il pensait alors à Rimbaud lors de ses promenades solitaires dans les champs et forêts et voulait comme lui « fouler l'herbe menue » pour en sentir « la fraîcheur à ses pieds » et « le vent baigner sa tête nue » pour les années à venir. Il se demandait comment ils avaient pu tout ce temps passer à côté de ces joies simples, surtout celles de côtoyer des gens qui avaient encore de l'humanité.

Sans plus tarder ils se mirent en quête d'une maison avec un grand jardin. Ils projetaient de cultiver eux-mêmes leurs légumes et pourquoi pas avoir des animaux. Stéphane se moquait gentiment de  Valérie qu'il appelait affectueusement sa Perrette. Ils dénichèrent une élégante bâtisse toute proche du lieu de leur refuge-covid. Très chère mais la vente de leur  bel appartement à Bordeaux ajoutée à leurs économies couvrirait une bonne partie des frais. Pour le reste leurs salaires respectifs leur permettaient d'envisager l'avenir avec sérénité. Stéphane était avocat d'affaires et Valérie, JAM (juge aux affaires matrimoniales.)

 

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30 septembre 2023

Champignothérapie (Yvanne)


J' ai évoqué la semaine dernière les forêts limousines. Aujourd'hui je vais vous parler des forêts corréziennes que je connais quand même mieux même si elles se ressemblent. Ici abondent entre autres châtaigniers, chênes et des sapins principalement en haute Corrèze. Et devinez ce qui pousse à leurs pieds !

Quand la rumeur envahit les chaumières, celle qui donne la fièvre et déclenche la champignonite aiguë, tous les fêlés des cèpes ne pensent plus qu'à filer vers futaies et taillis pour inspecter leurs coins favoris et bien entendu secrets. Il y a urgence !

Mon époux et moi ne faisons pas exception. Quand le bouche à oreille fonctionne à fond parmi les initiés ou que  la vision sur le marché de paniers où reposent sur leur lit de fougère les beaux spécimens dits « de Bordeaux » nous n'avons plus qu'une idée en tête : rejoindre au plus vite les bosquets.

Il y a tout un cérémonial et une préparation sérieuse avant de se lancer. La veille, on place dans le coffre de la voiture poches, cagettes, bâtons, bottes, couteaux, imperméables quand le temps est à la pluie. On n'oublie pas le casse-croûte parce qu'évidemment il faut partir très tôt si l'on ne veut pas être devancé. J'adore ces moments où l'on arrête de scruter le sol pour déguster la baguette croustillante  achetée au passage chez un boulanger et que l'on accompagne de jambon de pays et de fromage de chèvre. S'il fait beau on a le bonheur de voir se lever le soleil sur l'étendue de la forêt. Il filtre à travers les arbres et sublime les couleurs automnales rendant le roux des fougères plus ardent et le vert de la mousse plus vif. Son concours est précieux : il va nous aider à mieux débusquer les bolets bien cachés. Les sens en éveil, la vue mais aussi l'odorat - très important l'odorat, c'est lui qui vous guide vers les têtes brunes – on avance doucement, prudemment, à l'affût.

Il arrive souvent que l'on rencontre d'autres chercheurs. On se salue poliment sans trop s'approcher. On parle de la pluie et du beau temps en évitant soigneusement de dévoiler ses trésors. Quand un curieux demande si la cueillette est fructueuse, on reste évasif et on minimise. Personne n'est dupe mais ça fait partie du jeu.
      -    Vous en trouvez ?
    • Oh pas beaucoup. Ce n'est pas terrible cette année. Et vous ?
    • Juste de quoi faire une omelette mais ça me suffit.

Tout le monde n'a pas la chance d'être propriétaire terrien et pourtant chacun veut une part du  gâteau odorant et succulent. Il faut préciser qu'ici l'on a un sens très pointu de la propriété. La plupart du temps, les gens sont cependant tolérants et si la cueillette se limite à ses besoins personnels tout se passe bien.

Quelquefois la colère des détenteurs de bois est bien légitime. Certains cueilleurs n'hésitent pas à arriver en nombre pour entasser des clayettes bien remplies dans leurs coffres de voiture. Ils vendent  ensuite à des marchands ou n'hésitent pas à « monter » jusqu'à la capitale pour que la somme rapportée par leur rapine soit plus conséquente.

D'autres n'ont absolument aucun respect pour les propriétaires et la nature. Pour être les premiers sur place, ils n'hésitent pas à labourer  les sous bois sur leurs engins pétaradants et nocifs, les quads. Également aussi destructrices, des familles entières que nous avons vues armées de râteaux pour mieux écarter les feuilles et les brindilles. Après leur passage il est certain qu'il n'y aura plus de repousse. On peut comprendre au vu d'un tel désastre que les paysans – ce sont eux en majorité qui possèdent les bois – deviennent irascibles et emploient des moyens radicaux pour protéger leurs biens. Trouver ses pneus crevés était monnaie courante il fut un temps. Depuis qu'une réglementation a été mise en place avec procès verbaux à l'appui pour la récolte des bolets en trop grand nombre il y a moins d'exactions dans les deux sens et c'est tant mieux.  

Voilà une activité, je dirais une passion qui n'est pas de tout repos. Arpenter les futaies souvent pentues, se focaliser sur la traque, cela exige bien des efforts physiques et de concentration. Pour moi s'y ajoutent invariablement une nuit blanche avant le jour J à cause de l'excitation et une nuit agitée par la suite car il m'est impossible de fermer les yeux : je vois des cèpes partout ! Une vraie maladie oui sûrement mais chose étrange : une maladie qui fait un bien fou.

yv

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23 septembre 2023

Aux arbres et cetera (Yvanne)


Comme la Corrèze est appelée « le pays vert » principalement à cause de ses forêts, le Limousin est dénommé « pays de l'arbre ». Et l'arbre-roi local est naturellement le châtaignier. D'ailleurs sa feuille figure sur le logo régional. L'on nommait autrefois le châtaignier  « l'arbre à pain » tant il est vrai que ses fruits, produits en abondance, nourrissaient nombre de familles pauvres dans les campagnes. Pas seulement les humains d'ailleurs mais aussi le cochon que chaque foyer se devait d'élever afin d'avoir de la viande. Celle-ci constituait pratiquement l'unique apport carné avec la volaille et les lapins de la basse-cour. La châtaigne est redevenue à la mode aujourd'hui et s'invite dans les assiettes des grands restaurants.

Le chêne figure en très bonne place dans nos forêts ainsi que bien d'autres espèces dont le hêtre que l'on appelle aussi fayard. Je connais une hêtraie absolument remarquable qui me fascine chaque fois qu'il m'est donné de l'emprunter. Une allée, constituée d'une soixantaine de feuillus plus que centenaires conduit à un haut lieu pourvu de richesses naturelles, culturelles et historiques : le Mont Gargan. Mais oui il paraît que Gargantua passa par ici ! Ce site avoisine le plateau de Millevaches et offre des paysages magnifiques de landes de bruyère, de forêts, de vallées verdoyantes jusqu'aux montagnes d'Auvergne dont le Sancy que l'on voit très bien par temps clair.  

Quand je marche dans cette hêtraie splendide en automne surtout avec ses couleurs pourpres et or je suis troublée par ces arbres étonnants, aux racines tentaculaires qui s'agrippent au sol pour s'y enfoncer profondément, aux troncs trapus et vigoureux malgré leur âge. Les branchages tordus, noueux, violentés par un climat rude en hiver partent de très bas et dans tous les sens. On ressent ici un vent de liberté régnant sur le monde végétal. Mais pas seulement. Il y a eu au Mont Gargan des combats menés contre l'ennemi par le colonel Guingouin lors de la dernière guerre. Mais c'est une autre histoire où le mot « liberté « prend tout son sens.  

J'aime marcher entre ces arbres majestueux dont les ramures en été forment une cathédrale de verdure où il fait bon flâner. Les oiseaux s'y égayent et s'égosillent, les écureuils furtifs donnent de ci de là des touches rousses qui allument les frondaisons. Il n'est pas rare d'apercevoir un chevreuil s'éclipsant, rapide et léger comme la brise qui agite mollement le feuillage. Ce lieu est vraiment magique.

Et au bout de cette allée superbe s'élevant jusqu'au plateau m'attendent d'autres trésors ensorcellants dont les ruines de la chapelle Notre Dame du Bon Secours, une fontaine cachée dans les genêts et des panoramas grandioses que je ne me lasse pas d'admirer. Mais c'est encore une autre histoire...

yv

 

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