25 mars 2023

Chère Marquise (Yvanne)

 

Oserais-je m'entretenir avec vous comme avec une amie ? J'ai trop de respect pour votre personne pour avoir cette audace. J'aimerais simplement que ma lettre vous soit un mince divertissement dans l'ailleurs où vous êtes aujourd'hui. Ailleurs où, je présume vous étourdissez les anges par votre esprit et votre talent.

Je n'affûterai pas ma plus belle plume d'oie pour vous écrire. Me croirez vous ? Ces volatiles ne sont plus plumés par de diligentes mains et de plume d'oie il n'y a point. Des machines barbares dépouillent ces volailles en un rien de temps. Ah ! Je vous devine : vous étouffez un petit rire discret derrière votre main joliment gantée de blanc. Je ne vous ferai cependant pas l'offense d'utiliser ce moyen moderne que l'on nomme informatique pour m'adresser à vous. Il reste encore, fort heureusement un peu d'encre au fond de mon encrier, non à vrai dire, de mon stylo.

Madame, si vous voyez le monde depuis le Paradis où vraisemblablement Dieu vous garde près de lui, vous ne cessez sans doute d'être étonnée. Horrifiée même certainement tant notre planète va à vau-l'eau. Mais quand vous tournez votre regard pour ne plus voir ce qui se passe ici bas, comment occupez vous votre temps ?
Vous écrivez encore et encore à votre fille et à tous vos amis, épistoliers fervents tout comme vous. Je vous imagine, penchée sur votre écritoire, tantôt sereine, tantôt triste ou amusée laissant « trotter votre plume la bride sur le cou » pour narrer avec spiritualité et impertinence les potins du jour.

Avez vous retrouvé votre livre du carrousel que vous aviez prêté ? Il me semble que vous l'avez finalement reçu. Il y figurait, je crois la quadrille que votre fille Madame de Grignan destinait à son frère Charles. Je comprends l'importance de cette brochure pour vous. Ne détaillait-elle pas les divers participants présentés par des madrigaux qui commentaient les devises choisies. On y retraçait n'est-ce pas la composition des diverses quadrilles commandées par le Roi avec leurs emblèmes. Ceci pour la fête grandiose, le Grand Carrousel, donnée dans la cour des Tuileries les 5 et 6 juin en l'honneur de la naissance du Dauphin Louis.

Vous dirais-je Madame que « quadrille » - enfin le mot - s'est masculinisé ? Il ne désigne plus un tournoi ou autre spectacle équestre comme vous aviez l'habitude de les vivre. Il est devenu plus tard une danse de salon avec quatre couples formant un carré. Aujourd'hui on parle de quadrille plutôt pour une danse folklorique. Mais je suis sûre que vous poufferiez encore comme alors quand vous contempliez les bourrées paysannes en vous exclamant : « ce sont des postures à pâmer de rire ». Je n'ose concevoir ce que vous penseriez des sauteries d'aujourd'hui !

Mais brisons là Madame. D'aucuns comme Monsieur Proust se moquerait en clamant que j'ai assez « fait ma Sévigné. » Ah ! Une dernière chose cependant. Voyez vous, malgré nos technologies modernes et sophistiquées nous n'avons pas encore réussi à communiquer avec l'au-delà. Et cela me chagrine quelque peu. Je n'ai pas peur de mourir, non, mais j'aimerais savoir ce qui se passe là haut et surtout comment l'on s'y distrait et s'amuse. Un petit billet de votre plume serait le bienvenu. Je vous laisse le soin de choisir votre messager.

Adieu donc, Marquise.
 

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18 mars 2023

Printemps (Yvanne)

 

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Pâquerettes aux corolles nacrées

Iris d'eau au cœur de velours

Scille aux clochettes bleues étoilées

Trèfle champêtre rouge incarnat

Aubépine symphonie en rose et blanc

Campanule mauve ou bleu de nuit

Hellébore vénéneuse aimée des poètes

Eglantine timide rose des fossés,

 modestes fleurs sauvages, discrètes et fragiles, vous parsemez les haies, les prés, les sous bois, vous courez le long des chemins creux pour égayer tous les verts du printemps. Ce printemps de toutes les promesses qui m'entraîne dans son sillage sur les sentes parfumées. Bonheur !

 

 

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11 mars 2023

Dame Brunehilde de Comborn (Yvanne)


L'ancienne forteresse de Comborn s'érige en majesté sur un éperon rocheux. Elle surplombe une boucle de la Vézère, rivière aux eaux sauvages et tumultueuses. Ici, vécurent durant des siècles les seigneurs de Comborn, race féodale à l'esprit guerrier, tyranniques et puissants.

Archambault, vicomte de Comborn reçoit le droit de justice sur d'immenses territoires. Il chasse et sème la terreur partout où il passe. Toutefois il est pieux et distribue de somptueux dons aux abbayes voisines. Sans doute pour que les moines prient pour lui. Il pense ainsi racheter ses fautes et méfaits. Il choisit, à 20 ans de prendre pour épouse dame Brunehilde de Turenne qui lui apporte dans sa corbeille de noces une fortune conséquente et de nombreux biens mobiliers et immobiliers.

Dame Brunehilde, dont les longues nattes blondes encadrent un visage pâle et mélancolique, aux yeux bleus immenses, semble accepter le sort qui est le sien : être la compagne d'un homme au caractère ombrageux qui la néglige en prenant d'innombrables maîtresses. Et ce jusque parmi les dames de compagnie de la malheureuse vicomtesse. Elle s'ennuie mortellement surtout au cœur de l'hiver où elle reste prostrée près de la grande cheminée de sa chambre. Les douceurs de son château d'enfance dans le bas pays lui manquent. De plus, elle semble bréhaigne ce qui la disqualifie aux yeux de son époux qui souhaite ardemment un héritier.

Archambault consent, à la demande de sa femme, dont il constate subitement le déclin, à organiser de grandes fêtes au château. L'on y rencontre de fameux troubadours tels que Bertran de Born, Gaucelm Faidit et bien sûr Bernard de Ventadour. Tous vantent les beautés éthérées de la jeune femme et composent pour elle chansons et poèmes.

Brunehilde revit, s'épanouit et l'on voit bientôt son ventre s'arrondir. Un miracle ! Le vicomte la couvre de cadeaux. Cependant des rumeurs ne tardent pas à circuler parmi ses hommes : on aurait vu à maintes reprises Bernard de Ventadour sortir furtivement des appartements de la dame. Soupçonneux, Archambault ordonne un jugement par ordalie à la naissance de l'enfant. On emmène le nouveau né au bord de la Vézère, le pose sur un bouclier qui va dérivant sur les eaux tourmentées de la rivière. Bientôt le modeste batelet est englouti : l'enfant est donc un bâtard. Le vicomte, fou de rage, convoque Brunehilde et pour la punir de son adultère présumé - il a droit de châtiment - lui tranche la main droite. La jeune femme réussit à s'échapper et plus personne ne la revoit jamais.

Peu de temps après, les villageois des alentours demandent audience au vicomte. Ils sont effrayés et  sollicitent son aide. Une bête, sans doute une louve, rôde dans les environs le jour et la nuit. Ils affirment que c'est une créature du Diable à la puissance infernale qui s'en prend surtout aux petits bergers et bergères gardant leurs troupeaux. Elle ne les tue pas mais les enfants apeurés hurlent tant qu'ils font fuir l'animal sans qu'elle ne puisse jamais les approcher. Le vicomte convie tous les seigneurs du voisinage et organise une battue. L'animal traqué ne peut s'échapper. L'un des chasseurs plonge sa dague dans son poitrail. C'en est fini. Il lui coupe la patte droite qu'il conserve dans le sac en cuir qu'il porte à la ceinture. Ce sera un trophée à exhiber à Comborn.

Lors du banquet qui suit la chasse fructueuse, le chasseur victorieux sort soudain de sa besace la patte de la louve. Le silence se fait dans la grande salle suivi d'exclamations de surprise et d'horreur.  Une main humaine apparaît et Archambault, très pâle, reconnaît l'anneau de mariage qui ornait le doigt de son épouse. C'est Dieu qui le frappe à son tour. Il s'enferme dans sa forteresse et meurt peu après de démence. Il n'a pas d'héritier. Ainsi s'éteint la race des seigneurs de Comborn en Corrèze.

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04 mars 2023

Au fil de l'eau (Yvanne)


Gamine, à l'école primaire de mon village, je fouillais dans la modeste bibliothèque à la découverte de romans ou d'ouvrages se rapportant à l'histoire de ma région. Cela me tenait à cœur étant profondément enracinée à mon lieu de naissance. C'est ainsi que j'ai appris que les Gaulois qui peuplaient ma Corrèze natale et au-delà tout le Limousin à qui ils ont laissé leur nom, se nommaient les Lémovices. J'avais des ancêtres riches et puissants. Il n'en fallait pas plus pour enflammer mon imagination et chercher par tous les moyens à connaître ce que fut leur existence.

Oui, ils étaient riches comme en témoigne le site de Tintignac, tout près de chez moi où d'importantes découvertes  d'objets mythiques et uniques dans le monde ont été mises à jour. J'ai déjà évoqué ici Tintignac, haut lieu de commerce et de culte. D'où venaient leur richesse ? De mines d'or qui étaient multiples sur le territoire. On estime que les Lémovices ont extrait entre 80 et 160 tonnes d'or ici. Il se trouve que l'une de ces mines était proche d'un ruisseau courant dans un pré de mes parents.

Pendant que mes vaches paissaient tranquillement sous la garde vigilante de Carlette, ma chienne, je parcourais la rivière aux multiples méandres en quête du précieux métal. J'étais orpailleuse sans matériel aucun. Simplement, je scrutais attentivement le fond de l'eau transparente, prenais à poignée un petit tas de gravier que j'examinais un à un et rejetais ensuite. Mais ceci en vain. Tout ce qui y brillait hélas n'était pas d'or. Juste quelques petites feuilles de mica dit « or de chat » assez abondantes et scintillantes pour me faire croire un instant que j'avais trouvé le graal. Déçue, j'abandonnais ma prospection pour m'intéresser à des choses moins utopiques et tout aussi passionnantes dont je ne me lassais jamais.

Rêver en regardant glisser l'eau sur les galets colorés et polis, façonnés par des siècles d'érosion. S’abîmer dans la contemplation de la rivière qui chante et danse, libre et pressée. Imaginer sa course interrompue quand elle rencontre l'océan qui l'engloutit. Respirer à pleins poumons son odeur si particulière d'humidité mêlée du parfum des herbes qui s'y inclinent et aussi celle que l'on perçoit et que l'on n'oublie jamais de la truite qui s'y abrite.

Se pencher pour admirer la lente progression de l'écrevisse autochtone, à la carapace d'un beau vert  bronze qui file en reculant si on tend la main, pour se cacher dans les replis de la berge en bougeant avec frénésie ses antennes sensorielles. S'émerveiller du vol souple et combien délicat d'un papillon qui batifole d'une feuille à l'autre. Ces papillons dits « de jour » aux couleurs chatoyantes, exubérantes même, je jouais à les poursuivre mais ils m'échappaient sans cesse. Rien à voir avec leurs cousines les noctuelles qui vivaient dans les aulnes. Ces insectes lourdauds, ternes et trapus qui, au crépuscule se manifestaient et parfois s'abattaient de façon inopinée sur votre tête. Ceux-là personne ne les aimait car leurs chenilles étaient la terreur des jardiniers de la famille.

Apprendre les dures lois de la Nature quand brusquement surgissait la libellule aux ailes de dentelle et au corps vitrail mordoré ou bleu métal qui fondait sur l'insouciant papillon pour le dévorer en vol. Mais le prédateur de la demoiselle filiforme n'était jamais très loin et à son tour, le bec acéré et victorieux d'un martin-pêcheur criard ou d'une vive hirondelle emportait pour son festin l'élégante éphémère.

Je ne trouvais pas d'or mais qu'importe, j'étais riche des beautés de la Nature. Je me nourrissais de la vie qui palpitait autour de moi et, étourdie de soleil, de silence, de sérénité j'allais m'asseoir à l'ombre des aulnes. Je lisais tranquillement jusqu'à ce que mes bêtes me rappellent à l'ordre pour m'inciter à revenir à la ferme : c'était l'heure de la traite. Je quittais à regret mon petit paradis mais je savais que le lendemain ou plus tard je reviendrai profiter de son calme et surtout de ma solitude, source de ma liberté, propice aussi à l'éveil de mes sens et de mes émotions enfantines et adolescentes.

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18 février 2023

A la pêche (suite). Voir défi 750. (Yvanne)


Après son bain forcé  Jacky met à sécher ses vêtements sur l'herbe ne conservant sur lui que son caleçon. Guère gênant : ils sont seuls et il fait chaud.
Paulo a pendant ce temps déployé une petite table pliante et déjà servi l'apéritif.
- Encore un jaune Jacky ?
- Non. Merci. Ça ira mais j'ai faim. Qu'est ce que t'as de bon dans ta musette ?
Paulo sort de sa glacière un pâté de chevreuil, du saucisson, un joli lot de cabécous et du pain de campagne. Jacky se penche sur l'étang  - prudemment cette fois - pour récupérer une bouteille de rosé qu'il a tenue au frais dans l'eau depuis le matin.
Les deux amis mangent avec appétit tout en devisant sans pour autant perdre de vue leurs cannes.
- Dis-donc Paulo, ils sont fameux ces fromages de chèvre. D'où les sors-tu ?
- Ah, je ne t'ai pas dit : c'est une fabrication de la Lucette. Elle me les a donnés pour que je les goûte.
- Tiens ! Tu es dans les petits papiers de la Lucette ? Tu fais concurrence au Parisien ?
- T'es bête ! Figure toi qu'elle s'est mis dans la tête de vendre des cabécous.
- Ah bon ? Mais il faut des chèvres pour ça !
- Elle a tellement cassé les pieds au Léon qu'il a fini par céder à son caprice et à cracher quelques sous. On a vu débarquer un matin une bétaillère avec une douzaine de biquettes et un bouc.   
- Un bouc ?
- Oui. Un bouc. Et bien encorné je peux t'assurer. Peut être pas autant que le Léon mais je te prie de croire qu'il en impose l'animal. Et il pue je te dis que ça !
- Ben, la Lucette va être occupée. Elle ira moins courir le guilledou. C'est peut être aussi pour ça que le Léon a donné son accord. Elle va donc faire des fromages.
- Oui. Et avec label s'il te plaît.
- Quoi ? Quelle belle ? C'est un nom de chèvre ?
- LABEL ! Tu sais bien ce qu'est un label tout de même ? Label rouge, label AOC comme pour les cabécous de  Rocamadour et bien d'autres exemples sans doute. La Lucette parle de label AB...
- J'y connais rien. Elle m'épate la Lucette ! Se lancer comme ça !
- Ah mais elle a fait des formations.
- Tu es bien au courant Paulo. Elle t'a fait ses confidences ?
- Pas à moi si tu veux tout savoir. Mais à ma femme. Et la Denise me tanne pour que j'achète des chèvres moi aussi. Elles veulent s'associer Lucette et elle. Elles ont même trouvé un nom pour leur futur fromage : « le bon biquet » C'est mignon hein ? Elles iront vendre sur les marchés et elles ciblent aussi les maisons de retraite. Comme il y en a beaucoup par ici elles ont décidé de leur logo   en fonction : « se déguste sans faim et sans dent. » Sympa je trouve. Pas toi ?
- J'y crois pas. Ne me dis pas que tu vas élever des chèvres ? Comme un baba cool soixante huitard ?
- Et bien si. Je trouve finalement que c'est une bonne idée. Réfléchis et raconte tout ça à Josette. Ce serait super si on pouvait créer une petite coopérative tous ensemble.
- Tu rêves mon pauvre Paulo...
Qui rêve ? Le regard de Jacky se porte au loin. Des chèvres ! Des cabecous !  Et pourquoi pas ?  Perrette sur sa tête...

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04 février 2023

Des nèfles ! (Yvanne)

y           Comment ça jujube ?                                         Des nèfles oui !

 

La nèfle est un fruit oublié mais le mot apparaît dans l'expression « ça ne vaut pas une nèfle » ou bien « ça compte pour une nèfle » ou encore « des nèfles ». Je ne vous fais pas un dessin pour la signification !

 

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28 janvier 2023

Désenchantée (Yvanne)

  

Est-ce si irrationnel de chanter à tue-tête « septembre semble vide, vide et désespéré » en plein mois de janvier quand on conduit, pied au plancher sur une route qui peut être verglacée ?
Oui, vide et désespérée Cloé l'est comme septembre pour Bernard Lavilliers. Elle réalise soudain qu'elle se comporte comme une folle. Un coup d'œil dans son rétroviseur le confirme. Bastien, son fils de 6 ans, installé à l'arrière de la voiture, la scrute avec dans les yeux des interrogations et aussi de l'incompréhension. Cloé culpabilise. Comme toujours maintenant. Elle a bousculé son petit bonhomme ce matin parce qu'elle s'est réveillée en retard, assommée par les somnifères et les anxiolytiques. A peine une toilette de chat pour elle et lui, un petit déjeuner vite expédié alors qu'elle sait qu'il mange mal à la cantine. Il fallait partir vite pour ne pas être à la bourre à l'école et au bureau.

Cloé sourit bravement à son fils qui semble se détendre. Elle ralentit. Tant pis pour le retard. Elle mettra en avant l'état de la chaussée en guise d'excuse. Elle sait que Bastien se demande pourquoi sa maman passe ainsi sans cesse de la mauvaise humeur à l'exubérance , pourquoi son papa est parti ? Il comprend confusément que tout vient de là si ça va mal à la maison. Mais qu'y peut-il ?
Encouragé par le sourire de Cloé il entonne « le petit bonhomme en mousse » chanson qui les fait rire tous les deux.

Les voici devant l'école. L'enfant embrasse sa mère qui le serre très fort contre elle. Il se dégage bien vite pour rejoindre ses petits camarades. Au moins en classe il ne pense plus à rien. Il ne veut plus penser à ce qui le chagrine.
Cloé essuie rageusement les larmes qui coulent malgré elle sur ses joues. Elle a le cœur hérissé de tessons, en miettes. Le plus difficile est à venir. Il faut affronter les collègues et leur gêne et parmi eux, Anaïs. Surtout Anaïs. Elle arrête sa voiture et se demande si elle aura le courage d'aller jusqu'à sa boîte.

Anaïs. Est-ce si irrationnel d'avoir envie de casser sa petite gueule de femme comblée ? Cloé s'interroge : comment fait l'autre pour se comporter avec autant de naturel ? Comme si rien ne s'était passé ? Anaïs a volé son mari et pour elle tout semble normal. Comment a-t-elle pu lui faire ça ? Comment ont-ils pu l'écraser ces deux là sans se soucier des conséquences ? Quel désenchantement ! Quel déchirement ! Elle avait cru à cet amour : ils étaient si heureux. Tout a basculé en quelques semaines. Comment surmonter une telle épreuve ?

Brusquement une idée saugrenue traverse l'esprit de Cloé. Plus qu'une idée, une petite voix spontanée murmure au fond d'elle : « t'en fais pas. La vie continue. Tu es forte et tu dois le prouver, pour toi et surtout pour ton fils. » Cloé s'affale sur son volant et réfléchit. Elle ne peut pas perdre son travail. Elle doit faire front. Et puis elle espère que tout finira par s'arranger. Elle pardonnera...La petite voix insiste : « relève la tête, va de l'avant. Fonce. »

Est-ce si irrationnel d'écouter cette injonction intérieure qui l'aide à prendre le dessus sur ses émotions, son chagrin, qui la guide et la réconforte ? Cloé veut croire à ce message de sagesse venant du fond d'elle même. Qu'à t-elle à perdre ?

 

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21 janvier 2023

Hurlu et Berlu, les inséparables (Yvanne)

 

Hurlu, fraîchement émoulu d'un collège d'Honolulu s'est finalement résolu à habiter à St Jean de Chevelu plutôt qu'à St Martin la Pallu où il avait beaucoup plu.
Il a fallu que Lulu, un garçon goulu, joufflu et dodu jette son dévolu sur Hurlu.
Lulu est dissolu. Il est superflu et même tout à fait exclu pour Hurlu de s'attacher à Lulu.
Hurlu a élu le barbu et velu – mais grelu - Berlu qui aime aussi le merlu.
Ce qui lui a valu de la part de Lulu de la glu sur un livre qu'il n'avait pas lu.
Cela a fort déplu à Hurlu qui lui en a voulu.
Il a conclu qu'il pouvait dans l'absolu et en accord avec son ami poilu Berlu utiliser un truc révolu – peut être en alu moulu ou en bois vermoulu – pour narguer le farfelu Lulu.
Pêté comme un petit Lu, Lulu s'est complu à être titillé par les soudés HurluBerlu.
Lanturlu !

 

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14 janvier 2023

A la pêche (Yvanne)

 

Suite des aventures de mes deux copains trufficulteurs Jacky et Paulo.

- Hé Jacky. Salut. Qu'est ce qui t'amène ?
- Rien de spécial. Salut Paulo. Tu fais quoi demain ?
- Demain ? C'est dimanche demain non ? Je sais pas trop...
- Tu vas pas à la messe si ? Alors t'es libre ?
- Si tu veux. Tu prévois quelque chose ?
- Je voudrais aller faire un tour à la pêche sur l'étang de Lascaux. Ça te dit ?
- Et pourquoi pas ? Je passe te prendre à 6 heures ? J'apporte le casse-croûte.
- D'accord. Je me charge de l'apéro et du pinard. Du rouge ou du rosé ?
- Comme tu veux. A demain.

Il fait un temps superbe. Les deux amis laissent leur voiture sur le chemin. Se munissent de tout leur barda et s'approchent tranquillement de leur coin de pêche préféré. Ils s'installent et attendent patiemment que ça morde. Les carpes sont paresseuses ce matin. Le petit bateau amorceur a beau faire sans cesse des allées-venues sur la pièce d'eau pour lâcher des appâts, ça ne marche guère. Il y a des jours comme ça. Mais ils s'en moquent. Ils apprécient surtout de passer un bon moment ensemble. La conversation s'engage.

- Paulo, tu sais ce que j'ai vu en début de semaine alors que je travaillais à la truffière de la Vigne Haute ?
- Oh je crois que je devine. Le Parisien ?
- Oui. Mais tu n'imagines même pas.
- Quoi ? Qu'est ce que t'as à te gondoler comme ça ? Le Parisien traîne souvent par là. Tu n'ignores pas qu'il rejoint la Lucette dans ta gariotte ? (cabane de berger du Sud Ouest en pierres sèches)
- On s'en fout. Ils se cachent même pas. La Lucette a la cuisse hospitalière et son homme s'en tape. Alors hein si ça leur fait du bien comme dit l'autre...Non, c'est mieux que ça.
- La Lucette aime bien b. dans la nature parce que le lit c'est fait pour dormir d'après elle. Tandis que sa moitié, lui, c'est l'inverse « question de principe «  selon lui. Alors ils s'arrangent comme ça. Et t'as raison : on s'en fiche. Mais raconte. Qu'est ce qui est arrivé au Parisien ?
- Comme d'habitude en short genre moule b..., il s'amenait en sifflotant avec un panier dans une main et un bâton dans l'autre. Sans doute pour faire croire qu'il allait aux champignons. Dans cette tenue ça ne trompe personne ici. Mais il faut bien se donner une contenance. Il a voulu passer par dessus la clôture électrique pour aller dans le pré à côté de la truffière. Je ne sais pas comment il s'y est pris mais encombré par son gourdin il est resté à califourchon sur le fil. Il hurlait à chaque impulsion dans ses r... Quand il a pu se dépêtrer il a fait une galipette je te dis que ça. J'étais mort de rire. Même les vaches n'en revenaient pas. Quand il m'a vu il est parti la queue entre les jambes sans demander son reste.
- Oh oh Jacky ça mord. Elle est énorme ! Mouline. Mouline. Attention attention...Plouf !
- Tu diras pas à la Josette que je suis tombé à l'eau. Elle se foutrait de ma gueule.
- Ah je me demande ! Tiens un jaune. Ça va te remettre d'aplomb. M'en veux pas mais j'ai bien ri à te voir barboter. Heureusement que le Parisien n'était pas là...
Double éclat de rire !

  

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07 janvier 2023

Noces à Bagatelle (Yvanne)

 

Mon grand-oncle Henri, le frère de mon grand-père paternel, convola en justes noces avec demoiselle Marie-Adélaïde C. dite Adi en janvier 1909.
Ce n'était pas une période faste question météo mais les mariages étaient la plupart du temps célébrés durant le calme de la saison froide. Ceci pour ne pas empiéter sur les travaux domestiques dans les fermes quand les invités étaient paysans. Ce qui n'était pourtant pas là forcément le cas mais sans doute d'autres raisons impératives avait conduit à choisir ce mois plutôt qu'un autre. Toutefois, on ne s'unissait pas en novembre puisque c'était sensé porter malheur au jeune couple. Cela en partie pour respecter les morts mais aussi parce que la superstition occupait une grande place dans les campagnes.

Il faisait donc très froid en ce jour d'hiver et un vent mauvais balayait le plateau de Millevaches. Les invités grelottaient dans leurs habits du dimanche à la mairie et à l'église et il tardait à tout un chacun de rejoindre au plus vite l'auberge Bagatelle où devait se dérouler le repas. Les mariés avaient fière allure et semblaient très heureux comme on peut le voir sur la photo sépia prise ce jour là. Ce n'était pas un mariage « arrangé » comme c'était souvent le cas à l'époque. L 'oncle avait rencontré sa promise lors de son apprentissage au métier de maçon chez le père d'Adi, entrepreneur. Ils étaient immédiatement tombés amoureux.

Henri avait une trentaine d'années. N'étant pas l'aîné de sa fratrie, il avait dû partir pour gagner sa vie, la ferme familiale ne lui revenant pas. Maçon accompli, il était « monté » à Paris comme beaucoup de Limousins et d'Auvergnats pour travailler à la construction du métro. Les parents de la tante, assez aisés, avaient tenté de s'opposer à cette union, voyant d'un mauvais œil le départ de leur fille pour suivre un mari désargenté à la capitale. Mais craignant un événement qui apporterait le déshonneur sur leur famille, ils avaient fini par céder. Leur inquiétude était cependant infondée puisque le couple n'eut pas d'enfant mais la prudence les guidait. On ne sait jamais.

Ce fut un beau mariage. C'est du moins ce que racontait mon grand-père. Quand il en parlait il ne manquait pas d'évoquer le repas pantagruélique qui fut servi à Bagatelle. D'abord c'était la première fois pour lui qu'un banquet de noce avait lieu dans une auberge. Habituellement on aménageait une grange, la plus grande du village, que l'on décorait de verdure et de bouquets. On y servait les plats des jours de fête : charcuteries, rôtis de porc ou d'agneau, volailles de la ferme, fromages, clafoutis, flognardes et autres pâtisseries limousines, principalement des tartes aux fruits. Le tout arrosé de vin du pays sans oublier le café et la goutte ! On dansait, on chantait et on s'amusait beaucoup.

A Bagatelle, ce fut tout autre chose mais pour lui cela resta un éblouissement. La salle était magnifiquement agencée. La vaisselle était de porcelaine de Limoges, les couverts en argent et les verres en cristal. Un véritable luxe qui avait mis quelques invités mal à l'aise. Les parents C. n'avaient pas lésiné sur la qualité de l'accueil. Pour épater la galerie assurait mon grand-père. Mais surtout, surtout ils avaient établi un menu, selon lui, digne d'un prince. On parle de nos jours de farandole de desserts quand au restaurant on amène un chariot rempli de mignardises et autres gâteaux. A l'auberge Bagatelle, ce jour là il s'agissait plutôt d'une farandole de plats tous plus originaux (pour la majorité des convives) et fastueux les uns que les autres. Mon grand-père citait avec gourmandise le saumon, les vol-au-vent, la poularde, les croquembouches et les glaces mais aussi des fruits exotiques qu'il dégustait pour la première fois, tels ananas et mandarines et bien d'autres mets encore dont il ne se souvenait plus. Tout ceci arrosé d'excellents vins et de champagne. Ce qui avait manqué à tous les jeunes c'est de pouvoir danser mais les mariés regagnaient Paris en train le lendemain.

J'ai peu connu cet oncle et cette tante même s'ils avaient acheté pour leur retraite une maison dans une commune assez proche. Cependant quand la famille leur rendait visite je ne manquais pas de les interroger sur leur vie à la capitale, lui travaillant à la construction du métro et elle, chez Marie Curie ce qui bien entendu m'épatait. J'aimais l'entendre évoquer les filles de Madame Curie et me parler d'Irène surtout qu'elle adorait.

 

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