Chapitre LXVII
C’était le premier été depuis bien longtemps. De ces étés où il n’y a plus à penser à rien, plus d’organisation à prévoir dès le réveil.
Que vont faire Tina et Charles aujourd’hui ? Que va-t-on leur faire découvrir ? Que mangerons-nous ce soir ? Où va-ton garer la voiture pour accéder à la plage ? Y a-t-il une animation au village ce soir ?
Sophie se sentait légère et engourdie, un peu anesthésiée par le soleil et par la main de Patrice qui lui frôlait la hanche. Deux semaines, rien que pour eux, c’était presque inimaginable et si délicieux.
Ils avaient choisi ce village naturiste en souvenir de leurs premières années ensemble. Le corps radieux de leur jeunesse et la curiosité de jeunes adultes qui cherchaient à affirmer voire à démontrer leur liberté.
- Tu te souviens de cet homme arrivé au bord de l’eau, très vanille fraise après sa rando à vélo dans les calanques ?
- Hmmm, opina Patrice, mais je préfère me souvenir de la splendide italienne qui avait provoqué une érection au marchand de glaces…
Sophie lui donna une petite tape sur la main en riant.
Ensuite ils avaient délaissé les camps ou les villages naturistes parce que les enfants n’aimaient pas ça et avaient honte de montrer leurs photos de vacances. Ils avaient choisi des clubs où les activités sportives comblaient Tina et la plage ravissait Charles et sa nonchalance…
- Tu crois que Charles va s’en sortir tout seul à la maison ?
- Mais oui, arrête de te faire du souci, il a même l’âge de trouver ça très intéressant ! Et puis, si ça ne va pas, il appelle sa sœur.
La consigne d’avant le départ avait été : Tu te débrouilles et en cas de problème tu téléphones d’abord à ta sœur. Tina n’était pas loin, occupée par l’organisation de son marathon des dunes et avait donné son accord pour chaperonner le « petit ». Le petit qui avait fini ses épreuves de bac une semaine avant, péniblement, et qui n’avait pas vraiment de projet ni d’envie.
Patrice avait un peu forcé la main de Sophie pour qu’ils s’éloignent vraiment et le laissent à son désert…
Sophie continuait de s’inquiéter un peu mais de moins en moins chaque jour, toute à ce plaisir retrouvé de passer ses journées avec son homme, à bavarder enfin du futile, de la forme des nuages ou de la force du vent qui leur permettrait peut-être de sortir un dériveur.
Dans le panier de plage de Sophie, une petite mélodie familière se fit entendre. Sophie tressaillit, se remit à plat ventre pour attraper son panier, farfouilla nerveusement pour atteindre son portable qui venait de recevoir un SMS. C’était Tina :
« Rectorat vient d’appeler. Big pb ! »
Suite par Walrus :
- Et voilà ! s'écria Sophie, Voilà ce que c'est d'imaginer que le laisser seul allait améliorer son comportement !
- Mais chérie, s'il a des problèmes avec le Rectorat, ce ne peut être dû au fait que nous l'avons laissé se débrouiller seul maintenant ! Ou ta mauvaise foi, bien féminine, te fait imaginer des effets rétroactifs à des faits actuels.
- Mauvaise foi féminine ! T'es gonflé ! Enfin moralement, je veux dire. Tu ne me parlerais pas plutôt d'insouciance masculine ?
- Moralement, moralement ? T'as plus vingt ans non plus, je te signale...
- Peut-être, mais mon ventre est resté plat, lui !
- C'est vrai, je dois l'admettre... dommage néanmoins qu'il soit en partie caché par tes seins ;o))
- Salaud ! Je savais qu'en fait de retrouvailles tu étais surtout venu pour te rincer l'oeil ! Ta pupille est bien ton dernier organe à se dilater !
- Sophie, tu me pompes ! ... moralement, bien sûr.
Et ce qui aurait dû être une occasion de ressourcement, se révéla en fin de compte le départ d'un divorce mouvementé.
Pour l'édification du lecteur, nous signalerons que l'appel du Rectorat provenait du fait que Charles avait oublié sur la table d'examen cette montre qu'il semblait consulter en permanence et qui se révéla être en réalité un astucieux centre de communications miniature grâce auquel il avait pu échanger avec une équipe extérieure (pas très douée) qui l'avait soutenu dans cette pénible épreuve.